HISTOIRE GENERALE DE PARIS
COLLECTION DE DOCUMENTS />'
PUBLIEE
SOUS LES AUSPICES DE L'EDILITE PARISIENNE
t.
INVENTAIRE REGISTRES DES INSINUATIONS
RÈGNES.DE; FRANÇOIS Ie" ET DE. HENRI 11 : :
L'Administration municipale laisse à chaque auteur la responsabilité des opinions émises dans les ouvrages publiés sous les auspices de la Ville de Paris.
TOUS DROITS RÉSERVÉS
HISTOIRE GENERALE DE PARIS
'-----------------=>«-{-----------------
INVENTAIRE
DES . . ,
REGISTRES DES INSINUATIONS
DU CHÂTELET DE PARIS
r -
RÈGNES DE FRANÇOIS P° ET DE HENRI II
PAR
EMILE CAMPARDON ET ALEXANDRE TUETEY
v CHEFS DE SECTION AUX ARCHIVES NATIONALES
VUE DU GRAND CHÂTELET, D'APRÈS I: SILVESTRE (1650)
PARIS
IMPRIMERIE NATIONALE
VILLE DE PARIS.
------------ «o»-------------
COMMISSION DES TRAVAUX HISTORIQUE
MEMBRES DE DROIT.
MM. le Préfet de la Seine.
le Président du Conseil municipal.
le Secrétaire cénéral de la Préfecture de la Seine.
le Directeur administratif des Travaux de Paris.
le Directeur de l'Enseignement primaire.
l'Inspecteur des Travaux historiques, Conservateur de la Bibliothèque de la Ville de Paris.
MEMBRES NOMMÉS PAR LE PRÉFET.
MM. DELISLE (Léopold), G. O. &, I. §1-, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Administrateur général.honoraire de la Bibliothèque nationale.
's. DEPASSE (Hector), membre du Conseil supérieur du travail.
DE LASTEYIIIE (Robert), $, I. #, membre dc l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, professeur à l'École des Chartes.
GUIFFREY (Jules); O. &, I. &, membre de l'Académie des Beaux-Arts, Administrateur de la Manufacture nationale des Gobelins.
VILLAIN (Georges), O. %, Directeur au Ministère des Travaux publics, ancien membre du Conseil municipal de Paris.
LONGNON (Auguste), $, I. &, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, professeur au Collège de France.
LISCH (Juste), O. &, Inspecteur général honoraire des Monuments historiques.
SERVOIS (Gustave), O. &, T. &, Directeur honoraire des Archives de France.
MM. VIOLLET (Paul), $, I. Il, membre de l'Académie des Inscriptions el Belles-Lettres , professeur à l'Ecole des Chartes.
TUETEY (Alexandre), $, I. Il, Chef de section aux Archives nationales.
TOURNEUX (Maurice), &, publiciste.
HÉRON DE VILLEFOSSE (Antoine), O. &, I. Il, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, conservateur du Musée du Louvre.
LACOMBE (Paul), Bibliothécaire honoraire à la Bibliothèque nationale.
OMONT (Henri), 4s L II, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, conservateur du Département des manuscrits à la Bibliothèque nationale.
LAMBELIN (Roger), $, membre du Conseil municipal.
GUERIN (Paul), $, I. Il, Chef de section aux Archives nationales.
CHAUTARD (Paul), &, I. Il, membre du Conseil municipal.
BRETTE (Armand), &, I. Il, publiciste. .
. BUREAU.
MM. LE PRÉFET DE.LA SEINE, Président.
DELISLE; Vice-Président.
SERVOIS, Vice-Président.
LE VAYER (Paul), 4f, I. Il, Inspecteur des Travaux historiques, Conservateur de la Bibliothèque de la Ville dc Paris, Secrétaire.
PETRE (Augustin), A. Il, Sous-chef du Service des Travaux historiques, Secré-¦ taire adjoint.
R1EMAIN (Frédéric), A. Il, Rédacteur principal au Service des Travaux historiques , Secrétaire adjoint.
L'insinuation des donations, qui se pratiquait d'une façon courante dans les pays de droit écrit., n'était point usitée dans les pays de droit coutumier; ce n'est qu'au xvic siècle, sous le règne de François Ier, qu'elle entra dans la jurisprudence. L'ordonnance de Villers-Cotterets, d'août 1539, relative à la réformation de la justice et à l'abréviation des procès, décida en vertu de l'un de ses articles (n° 13.2) que toutes donations seraient insinuées et enregistrées dans les cours et juridictions ordinaires des parties contractantes et desbiens donnés, sous peine d'être réputées nulles; elles ne devaient même avoir leur effet qu'à partir du jour de l'insinuation, en ce qui concernait les donations faites en présence des donataires et par eux acceptées, et pour celles faites en leur absence, à partir de leur acceptation par les mêmes donataires. L'ordonnance de Moulins confirma et compléta les dispositions adoptées par l'ordonnance de Villers-Gotterets, en stipulant que toutes donations entre vifs, mutuelles, réciproques, en faveur de mariage et autres, seraient insinuées aux greffes des bailliages et sénéchaussées du domicile des parties et de l'assiette des biens donnés, dans le délai de quatre mois. -' '
La nouvelle législation entra immédiatement en vigueur à Paris; le 15 septembre 1539, fut inaugurée la série des Insinuations. A cette date, François Boilève, lieutenant particulier de la conservation des privilèges de l'Université de Paris, et Anne Plume, sa femme, présentèrent au greffe du Châtelet, pour y être enregistrés, conformément à l'ordonnance royale, six contrats portant donation, transport et ratification, des années 1528, 1536, 1537 et 1538, lesquels, après ladite exhibition, présentation, et requête, furent transcrits dans le registre spécial ouvert à cet effet par le greffier du Châtelet; ce sont les premiers actes qui figurent dans ce registre. Le 2 h septembre de la même année, Adrien Dubois, marchand, bourgeois de Paris, remit'à Jean-Jacques de Mesmes, lieutenant civil de la< Prévôté, l'original d'une donation de droits successifs, à lui consentie par-Pierre Rabeau, menuisier au faubourg Saint-Victor, et en requit l'insi-
nuation et transcription; mais ces fornies un peu solennelles ne furent pas longtemps observées; pour les actes ultérieurement apportés, la formule de l'enregistrement, beaucoup plus simple, se borne à déclarer que la donation transcrite a été insinuée par le donataire en personne, ou son procureur, auquel l'original a été rendu, les jour et an marqués.
Le premier registre des Insinuations, qui s'étend.du 11 septembre 1539 au 2 décembre 15-îo, est un petit in-folio de 384 feuillets, sur papier; tous les volumes suivants, jusqu'à la fin de la collection, sont de grands in-folio et forment une série ininterrompue de.-iog registres depuis l'année 1560 jusqu'en janvier 1791. Lors de l'apposition des scellés sur les archives du Châtelet en octobre 1791, ces registres faisaient partie da greffe de la Chambre civile, confié jusqu'à la Révolution aux soins de M. Moreau, et passèrent à cette époque entre les mains de M. Gabé, ancien greffier de la même Chambre, qui en fut institué gardien et transmit ce dépôt à M. Terrasse, chargé dé la conservation des archives judiciaires; ces registres sont aujourd'hui incorporés aux Archives nationales, série Y, sous les cotes Y 86 à Y-ig-i.
On s'abuserait singulièrement si l'on s'attendait à ne trouver dans la série des Insinuations que des donations proprement dites; tout acte comportant donation devait y être enregistré et y était transcrit souvent en double, parfois en triple et même quadruple exemplaire, suivant le nombre dés parties intéressées; c'est ainsi que l'on y rencontre de nombreux contrats de mariage ainsi que des testaments, au moins par extrait, pour ce qui concernait les donations faites par le testateur, même des contrats de vente, parce que, fréquemment, la donation de la plus-value y était mentionnée, des cessions, des transports et des transactions variées, telles que des contrats d'association commerciale, des actes d'adoption d'enfants trouvés. Par suite de la disparition de l'ancien état civil parisien, qui offrait naguère une source d'un prix inestimable, et en raison de la difficulté extrême que l'on éprouve à consulter les minutiers des notaires parisiens, la série des Insinuations du Châtelet peut, dans une certaine mesure, combler ces lacunes, d'une part, et tenir lieu, d'autre part, de ces minutes si jalousement conservées qu'elles sont pour ainsi dire inaccessibles; on y trouve
effectivement la teneur complète dé quantité d'actes notariés qui présentent un intérêt exceptionnel, non seulement pour l'histoire, encore si peu connue, des familles parisiennes, mais encore pour celle des familles de l'Ile-de-France, de la Brie, du Gâtinais. Pour ne parler que de la région située dans le voisinage direct de Paris, avec les actes insérés dans nos registres, on peut sinon reconstituer, du moins compléter la généalogie de bien des familles, telles que les Poart et Colas, seigneurs de Versailles; Aymery, seigneur de Chaville et de Viroflay; Raffron, seigneur du Vésinet; Sanguin,seigneur de Meudon, Cailly, seigneur de Saint-Gratien; Boucher, seigneur d'Orsay; Luillier de Saint-Mesmin, seigneur de Montrouge; Raddin, seigneur d'Alfort, Le Picard, seigneur de Ville-Evrard; Anthonis, seigneur du Perreux; Soly, seigneur de Romainville; Perdriel, seigneur de Bobigny.
Un fait qui nous a frappé et qui mérite d'être mis en lumière, c'est le nombre relativement important des seigneuries de l'Ile-de-France, qui avaient passé aux mains de gens de loi, comme procureurs du Parlement et du Châtelet, clercs du greffe, voire même de sergents du Châtelet, Celle de Triel, avait été acquise du Roi en 15 h 5 par Mathieu Gallet, clerc au greffe civil du Parlement, qui laissa une fortuné considérable; celle de Beaumarchais en Brie appartenait à Antoine de Villeneuve, écuyer, procureur au Parlement; un autre procureur en la Cour, dont le nom est resté attaché à une rue du quartier Saint-Germain, Etienne Ferrou, possesseur d'un clos considérable à Paris, près de Saint-Sulpice, était également propriétaire des seigneuries de Fortoiseau et Villechien ; Adrien Fornié, procureur au Châtelet, était seigneur de Bains; Jean Auffroy, sergent à verge an Châtelet, possédait la seigneurie d'Auvilliers; Jean Allard, huissier du Roi au Parlement, détenait celle de Vignolles-en-Brie.
Si l'on se place au point de vue de l'histoire de la vie privée au moyen âge, de l'étude des moeurs et des institutions, l'examen approfondi des actes dont se compose la série des Insinuations donnera des résultats inattendus; il ne faut pas oublier que dans ces contrats toutes les classes de la société sont représentées : grands seigneurs, dames nobles, magistrats, prêtres, gens de loi, marchands, bourgeois, jusqu'aux plus modestes artisans, laboureurs, gagne-deniers et manouvriers, viennent nous initier à leur existence et nous font connaître leur situation de fortune, leur ma--
x:
nière de vivre, leur mobilier, leur costume, leurs moeurs et leurs habitudes, ét ce ne sont pas seulement des Parisiens proprement dits, mais encore tous ceux qui venaient à Paris de la province ou de l'étranger, et y résidaient temporairement, soit pour leurs affaires, soit pour leurs études.
Dès l'année 1888, M. Emile Campardon, chef de la section judiciaire aux Archives nationales, désireux de faire bénéficier les travailleurs d'une source aussi précieuse.de renseignements, a entrepris la rédaction de l'inventaire analytique des registres des Insinuations et poursuit avec une persévérance ét. une activité au-dessus de tout éloge cette oeuvre colossale, qui embrasse aujourd'hui le dépouillement dé 107 registres in-folio, arrivé à l'année 1656.
Dans plusieurs de ses rapports,, notamment dans celui de 1889, M. Gustave Servois, directeur dés Archives; appela l'attention sur cet inventaire, dont il suivait les progrès avec un vif intérêt, et exprima le voeu de voir un travail'aussi utile prendre place parmi les publications-faites sous les auspices du Conseil municipal de Paris. Son voeu fut entendu. La Commission des travaux historiques de la Ville, saisie dé ce projet de publication, l'accueillit favorablement et décida dé proposer au Conseil municipal de Paris l'impression d'un volume comprenant les actes des règnes de François Ier et de Henri II, de 1539 à 1559, une délibération du Conseil municipal, en date du 13 juin 1898, sanctionnée par arrêté. préfectoral du 3 août, adopta cette proposition; mais M. Campardon ayant, malgré toutes les instances, refusé d'assumer la charge de cette publication, le soin de la conduire à bonne fin fut confié, par un nouvel arrêté préfectoral du 3 avril 1903, à celui de ses collaborateurs qui, ayant vécu à ses côtés pendant de longues, années et'familiarise avec les archives judiciaires, était Ie mieux préparé à le seconder dans une tâche aussi ardue.
Le volume que nous présentons au public comprend, en 5,382 articles, l'inventaire analytique complet de 15 volumes, cotés Y 86 à Y 100. Pour atténuer un peu la sécheresse des analyses qui, dans le principe, n'avaient pas été rédigées en vue d'une publication et ne donnaient qu'une idée imparfaite'du contenu dés actes, nous avons cru devoir y ajouter tous les détails de nature à augmenter l'intérêt de cet inventaire; les déclarations
spontanées qui accompagnent souvent les donations nous permettent de pénétrer'dans la vie intime de ceux qui passaient les contrats, nous font connaître les mobiles de leurs libéralités et rendent parfois très'attachante la lecture de ces actes un peu arides en eux-mêmes.
. Les archéologues et érudits, désireux de se renseigner sur la topographie parisienne dans la première moitié du xvic siècle, seront charhiés de rencontrer dans notre série des Insinuations une source nouvelle et précieuse d'informations dont la précision ne laisse rien à désirer. 11s verront notamment que la moitié de la seigneurie des Porcherons, consistant en maisons manables, granges, étables, colombier, le tout clos de fossés, ap-partenait à la veuve du bâtard d'Alençon, qui en fit don à sa fille Marguerite, pour l'aider à se marier (n° 3171); ils constateront que la Grange-aux-Merciers et le domaine et parc de la Râpée, s'éten dant jusqu'à la Seine.se trouvaient en la possession de Jean Hennequin, conseiller au Parlement, qui s'en dessaisit en faveur de son frère,.Martin Hennequin, abbé de la Trappe, conseiller au Parlement de Rouen (n° 2912 ) ; ils sauront qu'en 1566 Louis de Sainte-Maure, marquis de Nesle, comte de Laval, alors mineur, possédait l'île Louviers, anciennement nommée des Javeaux, que cette île, plantée d'arbres et de saules, comprenant une maison à double corps d'hôtel, avec jardin derrière, fut,achetée à cette époque par Claude Deszasses, conseiller au Parlement, pour la somme de 2,250 livres; que, le 2 3 avril 1551, Louis de Sainte-Maure céda à Guillaume de Balsac, seigneur d'Entragues, son cousin, ses droits de propriété et actions en rescision à exercer contre cette vente, à charge de rembourser aux héritiers de Claude Deszasses le prix d'acquisition; dans ce contrat, la situation des bras de la Seine, du côté de l'abbaye de Saint-Victor, d'une part, ét du côté des Célestins, d'autre part, se trouve nettement indiquée (n° 3752). - Tous ceux qui s'intéressent aux anciens hôtels de Paris pourront suivre les vicissitudes qu'ils ont subies et connaître leurs possesseurs sous les règnes de François Ier et de Henri IL Les actes insérés dans les registres des Insinuations nous apprennent que l'hôtel des Ursins, dans la Cité, fut donné, le a janvier 15-12, par Jean Juvénal des Ursins, abbé de Saint-Meen, à son frère aîné, François Juvénal des Ursins, chevalier (n° 529);
que l'hôtel de Laval,près de la chapelle de Braque, fut compris, dans.une donation faite, le 17* juin 1553, par le conseiller Brinon, sous réserve de l'usufruit, à Charlesde Lorraine, archevêque de Reims (n° -1801); que l'hôtel de Bavière, près de Sainte-Geneviève, passa, le 15 mars 15 & o, des mains du comte palatin Jean de Bavière à celles de Jean Picquet, attaché à la personne de Jean de Luxembourg, en reconnaissance des services qu'il avait rendus au marquis Bernard de Baden, cousin du donateur (n° 552). C'est avec un soin jaloux que les possesseurs de ces vieilles demeures veillaient à leur conservation; ainsi, pour l'hôtel de la famille Olivier, rue de Jouy, Gaston Olivier, seigneur de Mancy, chanoine d'Angers, en le donnant à François Olivier, président au Parlement, son" cousin germain, unique représentant du nom, eut bien soin de stipuler que le logis paternel devrait passer de mâle en mâle, à l'exclusion des filles, et ne pourrait sous aucun prétexte être aliéné (nos 1312, 429 7). Ge souci de conserver intact une demeure patrimoniale apparaît d'une façon non moins évidente dans la donation que fit, le 5 février 15-i 9, Thomas Rappouel, seigneur de Bandeville, notaire et secrétaire du Roi, à ses gendre et fille unique, Adrien du Drac, conseiller au Parlement, et Charlotte Rappouel, du bel hôtel, avec jardin clos de murs, qu'il avait édifié sur un terrain acquis de ses deniers, rue de la Chapelle-de-Braque, d'un côté, et rue des Quatre-Fils-Aymon, de l'autre, mais à la condition expresse de le laisser intact, sans le diviser et sans le convertir en maison de louage, et de le transmettre à l'aîné de leurs enfants mâles.-Les considérants qui accompagnent cette donation sont fort curieux et dignes d'être signalés. Thomas Rappouel déclare qu'il avait fait dans cette maison tr plusieurs grandes impenses et melliorations pour sa commodité et aussi pour la beaulté et ornement d'icelle, en l'in-tenciori principallement que par cy après la maison ne feust ou soyt aucunement divisée ny sepparee, comme plusieurs édiffices de ladicte Ville, dont proceddent souvent, pour la contraincte et angustie des logis, grandes infections et corruption d'air, qui causent les malladies dangereuses et conta-giëusses, aussi que par telles sepparations faictes par parcelles entre plusieurs propriétaires et cohéritiers, toutes les belles et anciennes maisons de ladicte Ville en peu de temps sont entièrement déformées, et n'y demeure aucune apparence de la premiere beaulté et face desdictes maisons -n (n° 2970).
La bourgeoisie parisienne avait, au même degré que la noblesse,.la préoccupation de ne pas laisser démembrer les domaines qui, de temps immémorial, se trouvaient dans les mêmes familles; c'est dans cette pensée que Nicolas Maheut, marchand, bourgeois'dé Paris, possesseur du fief et hôtel seigneurial de Compiègne, au village de Sevran, près de Livry, qu'il tenait de la générosité de son oncle Philippe de Sailly, en fit donation à son frère, Charles, notaire au Châtelet, avec réversibilité sur la tête de son fils, voulant, disait-il, éviter le démembrement de ce domaine, comme il l'avait été au temps passé, cette division amenant k ordinairement la ruyne des maisons nobles et seigneurialles¦« (n° -4266).
Si "la plupart des nombreux hôtels existant alors à Paris étaient bien entretenus et faisaient l'orgueil de leurs propriétaires, combien par contre de maisons modestes, laissées à l'abandon, tombaient en ruine, notamment dans la rue Saint-Denis, la rue des Vieilles-Etuves, la rue de la Tannerie et la rue de la Ferronnerie, où se voyaient maints bâtiments, « vieux, caducqs etruynezn (nos 34, 575, 3222, 3529).
Par une sorte d'anomalie singulière, la propriété immobilière à Paris se trouvait tantôt concentrée dans les mains de quelques individus, tantôt morcelée à l'infini; ainsi Julien de Malestroit, seigneur d'Oudon, possédait à lui seul 28 maisons de la rue de la Harpe, toutes d'une certaine, importance, puisqu'elles étaient en moyenne estimées i,500 écus d'or(n° 3941). Pour ce qui est du morcellement des immeubles, nous en voyons un exemple bien caractéristique dans la donation que fit à l'hôpital de Sainte-Catherine, de la rue Saint-Denis, l'une des religieuses novices, fille d'un bourgeois dc Paris, qui, avant de se consacrer au service des pauvres, abandonna à l'hô^ pital la 2-ic portion de deux maisons contiguës, rue du Fouarre, près des Innocents, et la -18e partie de deux autres maisons, rue Saint-Antoine, le, tout dépendant de la succession de sa mère (n° 4237).
Celui qui voudra se rendre un compte .exact de la topographie parisienne au xvi° siècle ne devra pas se borner à l'examen des hôtels et des maisons, il se gardera de négliger les mentions qui font connaître l'existence et l'emplacement des jardins, souvent d'une étendue assez considérable, qui jetaient leur note de verdure dans l'intérieur de Paris, notamment celui des Arbalétriers, rue Saint-Denis; celui.de l'hôtel du
Beautreillis, ceux des rues de Jouy et du Petit-Musc, de l'élu Tardif, rue des Lions-Saint-Paul, de Ferrou à Saint-Sulpice, sans préjudice du jardin du curé de la paroisse, ceux des Coutures du Temple et de Sainte-Catherine, et bien d'autres dont î'ériumération serait trop longue. Indépendamment de ces jardins, il y avait nombre de clos, vastes espaces non bâtis, dont les plus connus sont le clos d'Albiac ou de Saint-Nicolas du Chardonnet, dans le quartier de Saint-Marcel, le.clos Ferrou à Saint-Germain-des-Prés, le clos Bruneau, le clos des Jacobins, celui des Filles-Dieu; plusieurs de ces clos donnèrent naissance à de nouveaux quartiers, , tels que ceux de la Villeneuve-Saint-René à Saint-Marcel etde la Ville-neuve-sur-Gravois, dans le haut de la ruë Saint-Dents.
Une surface non "moins étendue était occupée "par les marais mis en culture, qui existaient non seulement entre les portes du Temple et de Saint-Martin, mais encore dans des quartiers où il n'en reste plus trace, comme le faubourg Saint-Denis, près de Saint-Laurent, vers la porté Montmartre, et plus haut dans l'endroit nommé Paradis et sur le chemin des Porcherons. A l'aide des actes insérés dans nos registres, on pourra suivre le tracé des vieux remparts de Paris et des tours qui jalonnaient l'enceinte, quelques-unes habitables à cette époque, comme celle de la rue Saint-André-des-Arts, attenante à l'hôtel du président Coictier. Nicole Le Clerc, doyen et régent de la Faculté de théologie, qui avait olFert l'hospitalité dans cet hôtel à Pierre Roillart e11 Marie Bourgoing, sa femme, ses neveu et nièce, cc pour sa commodité d'avoir leur compaignie et ses voisins et familliersn, leur donna la faculté de prendre l'une des tours de la Ville sur les grandes allées joignantes aux murailles de ladite Ville, «pour mieulx eulx acommoder et leur familles (n° 4856).
Pour l'histoire des moeurs et dela vie intime au xvie siècle, il n'est pas indifférent de noter, les jeux de paume, très fréquentés à cette époque, et dont le nombre était considérable, principalement sur les fossés entre les portes Saint-Michel et Saint-Germain-des-Prés, tel que celui des Rabatteurs, qui s'annonçait au public sous l'enseigne des Ratsbatteurs, près de la porte Saint-Jacques et dans le quartier Saint-Marcel; partout où se trouvaient des terrains vagues, propres à ce genre d'exercice ; oji peut constater également l'existence dé quelques étuves, tant pour les hommes que pour
les femmes, surtout dans les rues Beaubourg, Bourgtibourg et Garnier-Saint-Ladre.
L'examen des diverses catégories d'actes qui ont été transcrits dans les registres des Insinuations, permettra de se pénétrer de l'abondance et la variété infinie des renseignements que pourront y puiser les érudits sur l'histoire des familles et des personnes, tant à Paris que dans l'Ile-de-France et la Brie, même dans un rayon très éloigné.
DONATIONS.
Les donations de toute nature y occupent une place très importante. Tout d'abord, on sera frappé du nombre considérable de donations faites à des écoliers suivant les cours de l'Université de Paris, en vue de favoriser leurs étude»; dans toutes les classes de la société, les plus élevées comme les plus humbles, on voit les parents s'imposer de réels sacrifices pour permettre à leurs enfants d'acquérir de l'instruction. Tel seigneur, comme Raoul Spifame, seigneur des Granges en Brie, se dessaisit de biens qu'on lui avait donnés, au profit de son fils aîné, afin de l'envoyer «estu-dier aux universitez fameuses de ce royaulme, pour estre institué et endoctriné en bonnes lettres, pour luy donner bon voulloir à la poursuicte desdictes lettres et l'inciter à mieulx prouffiter en icelles a (n° 514.); tel autre seigneur, comme Méry du Chastel, capitaine d'Arc en Barrois, venu à Paris, pour ses affaires, abandonne à son fils, écolier au collège de Boncourt, tous ses droits sur la succession de son frère, Pierre du Chastel, évêque d'Orléans, grand aumônier de France, ancien évêque de Mâcon, en particulier tous les biens meubles se trouvant dans la maison "épiscopale de Mâcon et dans les châteaux de Verizet et de Romenay, .près Tournus (n° 4222). Chacun gratifie ses enfants dans la mesure de ses ressources, les uns donnent des terres et seigneuries, les autres des maisons, domaines, vignes, moulins; les autres du mobilier, des créances, même des pièces de vin blanc et clairet, des barils d'huile de Chenevis, des livres de chandelles de suif (n° 688), jusqu'à des bois sur les ports de l'Yonne, des bourrées et cotrets. A côté d'un maître de
xvi INTRODUCTION.
forges qui cède à son fils le produit de la vente de Lois de haute futaie (n° 1257), nous voyons un marchand de Senlis attribuer à son fils une rente de blé, a bon, loyal, marchand, sain, sec et net n (n° M20); un marchand, bourgeois de Paris, fait, également don à son fils de grains et pourceaux à lui dus par la veuve d'un laboureur (n° 1262). Voici maintenant un praticien de Paris qui transmet à son fils, étudiant en l'Uni-
' versité de ladite ville, ses droits sur une maison à Amiens, te affin qu'il ayt mieulx de quoy soy entretenir aux estudes et acquérir degré en icelles, et aussi affin qu'il luy soyt obéissant, ainsi que ung bon filz doibt et est tenu de faire n (n° 1362). Un avocat en Parlement, se trouvant cr mal disposé de sa personne u, et craignant de décéder sans avoir pourvu son neveu de quelques biens pour continuer ses études, prit les dispositions nécessaires j)our l'empêcher de les interrompre et lui assura les rentes de grains de ses fermes à Créteil avec le produit sur pied de ses vignes au Mont de Mesly.
Ces écoliers, qui affluaient à Paris, se destinaient pour la plupart à la carrière sacerdotale et ne cachaient pas leur intention d'arriver à la prêtrise; le fervent désir de favoriser ces vocations religieuses n'était certes pas étranger aux nombreuses libéralités consenties en faveur d'écoliers. C'est ainsi que le fils d'un laboureur de Puteaux, écolier, étudiant en l'Université de Paris, ayant représenté à ses parents-que cr son voulloir
- et intention estoit d'acquérir le degré et dignité de prebstrise, et pour y parvenir, soy faire pourveoir aux premières et infimes ordres, toutesfois craignoit d'estre.reffusé, parce qu'il estoit filz de famille et n'avoit aucuns biens n, en conséquence, il suppliait ses père et mère de lui faire quelque avance d'hoirie; ceux-ci y consentirent .et lui firent donation d'une maison et de vignes à Courbevoie et à Puteaux (n° 36à6). Dans le même ordre d'idées, nous voyons le fils d'un marchand drapier de Paris, désireux d'entrer en religion chez les Frères Mineurs de Sens, renoncer aux biens qui pouvaient lui revenir de la succession de son père, en faveur de ses frères et soeurs, lesquels, par réciprocité, prennent en commun l'engagement de fournir au futur religieux habits et livres, de payer sa pension et même de subvenir aux. dépenses nécessaires, pour que ledit Cordelier a puisse parvenir en science et degré pourprescher et ennoncer la parolle de Dieu,
comme l'ordre de sa profession le requiert, qui ne se peult faire sans despense et coust» (n° 1343). Ceux qui sacrifiaient une partie de leur Chevance pour rendre plus facile et plus commode l'existence des gens d'église, entendaient bien être associés à leurs prières et se créer des titres à une récompense dans l'autre vie. Voici un marchand laboureur de la Tremblaye, paroisse de Bois-d'Arcy, qui, voulant favoriser les pieux desseins de son beau-frère, lequel désirait cc parvenir aux sainctes ordres de 'prebstrise» et avait besoin d'une rente ou pension, «pour sa vye et estat plus honnestement entretenir, actendu et considéré que licitement ne pourroit vacquer ne soy entremectre en opperations mecanicques », lui constitue, en raison etde ses bonnes meurs et conditions n, une rente viagère de 3 o livres, et en retour de cette cc aumône charitable v, demande à participer, lui, ses parents et amis vivants et trépassés, aux messes et prières dudit clerc (n° 467-1). On pourrait multiplier les exemples de ces donations en faveur d'écoliers et dc clercs aspiranf à la prêtrise, qui témoignent toutes d'un louable sentiment chez les donateurs, pour la plupart d'humble condition.
Après les donations aux écoliers, ce qui abonde dans les Insinuations, ce sont les donations mutuelles entre maris et femmes; elles sont à peu près toutes conçues dans les mêmes termes. Ceux qui ont associé leurs existences et qui se donnent réciproquement leurs biens, déclarent que c'est afin que, àpour le temps advenir, dans le cas où il plairoit à Nostre Seigneur appeler à soy l'ung des conjoinctz auparavant l'autre, le survivant des deux puisse plus honnestement vivre, conduire et gouverner son estat, le surplus de sa vyen (n° -165-i).
Les donations mutuelles entre époux, avons-nous dit, sont très fréquentes; beaucoiqrplus rares sont les donations entre proches parents ou étrangers. Nous signalerons, en raison de la particularité juridique qu'elle nous révèle, la donation que deux frères, Nicolas et Antoine de Lovain, se firent, le i o décembre 1540, de la succession paternelle, dont ils laissèrent l'usufruit à leur mère; l'insinuation de ce contrat fut refusée, parce que l'acte n'était point passé devant deux notaires et ne portait que le seing manuel des deux frères, qui durent adresser une requête au lieutenant civil pour en obtenir l'enregistrement (n° 487).
CHÂTELET DE PARIS. B
Gomme exemple de donations mutuelles entre étrangers, il y a lieu de citer celle de Robert Turquain, chanoine de Bayeux, et de Louis Raoulin, seigneur du Tillet, faite, le 18 septembre 15 k k, en considération etde la grand amour, familyarité, proximitié et sanguinité. qu'ilz ont eu et ont l'un avec l'autre, et ad ce que le survivant d'eulx deux ayt mieux de quoy vivre et son estat entretenir» (n° 1-487). Un acte analogue, non'moins caractéristique, est celui que passèrent, le aZt septembre. 15Z16, deux marchands de Paris, qui se firent donation mutuelle de leurs biens, en même temps qu'ils formaient une association commerciale; ayant longtemps vécu, ensemble, ainsi qu'ils disaient, et ayant été à même d'apprécier leur pru-d'homie et loyauté réciproque, ils convinrent de continuer la vie en commun jusqu'au jour du trépas de l'un d'eux, s'engageant età vivre en bonne paix, à garder, subvenir et ayder, l'un à l'autre, tant en santé que en mal-ladie, comme s'ilz estoient frères charnelz, et faire, conduire et admener le faict et train de marchandise de vins et autres marchandises, où ilz congnois-sent estre leur prouffict, et mettre en ladicte societté tous et chascuns leurs biens n, mais ils prirent soin de stipuler que, dans le cas où ils viendraient à se marier, leur association serait rompue, une femme ne pouvant être, à leurs yeux, qu'un élément de discorde (n° 2851). Autre exemple de ces dons mutuels entre étrangers, que rapprochaient des sentiments d'affection réciproque. Le 21 novembre 1552, Guillaume Barthélemy, contrôleur du domaine du roi à Auxerre, et Pierre Truffelguerre salirent donation mutuelle de leurs biens, basée sur « la bonne amour naturelle et recongnoissance des bons offices que iceulx Barthelemy et Truffelguerre ont faict et espèrent faire cy après l'un d'eulx à l'autre » (n° ààà5).
A côté des donations que se faisaient mutuellement des époux, soucieux de mettre leur vieillesse à l'abri du besoin, se rencontrent des donations spontanément consenties par des maris à leurs femmes, ou par des femmes à leurs maris, en témoignage d'affection et de gratitude. C'est ainsi que François de Clèves, duc de Nivernois, fit donation, le 7 juillet 15 5 2 , à Marguerite de Bourbon, sa femme, de tous ses biens meubles et de l'usufruit de ses immeubles, te pour la singulière affection et mutuelle, amour qu'il porte à ladicte dame, et en recongnoissance de la grande obéissance qu'elle luy a tousjours monstrée et rendue» (n° -430-4).
Dans un rang beaucoup moins élevé, la femme d'un avocat en Parlement, désireuse de témoigner sa gratitude à son mari, qui l'avait «toujours bien et honnestement conduicte, .traictée et gouvernée, tant saine que-mallade, et mesmement faict de grandes impenses à entretenir ses maisons, tant à Paris qu'aux champs», et en outre avait élevé et marié une sienne nièce, lui donne, du consentement de sa soeur et héritière, l'usufruit de la maison qu'ils habitaient, rue Saint-Jean-de-Beauvais, et d'autres biens à Romainville (n° 2/491).
Si les donations aux écoliers et les donations mutuelles tiennent une place importante dans les registres des Insinuations, on trouvera non moins de donations faites par des marchands, artisans ou gens de la campagne à leurs enfants ; fatigués par une vie de dur labeur, sentant le poids de l'âge et des infirmités, devenant incapables de travailler et de vaquer à leurs affaires, ils abandonnent à leurs enfants leur pécule, à charge par eux de subvenir décemment à leur entretien. Dans quelles conditions se passaient ces contrats, qui variaient à l'infini, suivant la disposition d'esprit des donateurs? La veuve d'un hôtelier de Paris, en donnant à son fils, marchand fripier, et à sa belle-fille, les nombreux immeubles qu'elle possédait à Paris, à Montrouge, à Ivry et Villejuif, loin de manifester le désir d'habiter avec ses enfants, a soin de stipuler qu'on la logera cr dans une chambre honneste, assise enla paroisse Saint-Eustache n, convenablement garnie de re meu-, blés et linges, bons et honnestes v, à charge de les renouveler lorsqu'ils seront usés, et qu'on se comportera à son égard, ft doulcement et honnestement, ainsi qu'il appartient à enfans de traicter leur mère» (ït" 957). Ailleurs, au contraire, les parents âgés tiennent essentiellement à demeurer chez leurs enfants. Par exemple, un laboureur de Sceaux, âgé de quatre-vingts ans, voyant qu'au moyen cf de son ancien aage et de sa débilité, il ne pourroit gaigner doresnavant sa vie -n, cède à son fils, vigilant et travailleur, sa maison, son jardin, ses terres et ses vignes, à condition d'étre logé chez lui et nourri à sa table, d'avoir chaque jour sa pinte de vin ft pour son boire », d'être entretenu d'habits, avec 12 deniers pat-semaine, tous les dimanches, pour faire ses petites aumônes, et 3 sols tournois à chacune des bonnes fêtes de l'an n (n° 5063). Un autre laboureur, à
Choisy-sur-Seine, en raison n de son ancien aage et son impotence n, abandonne son bien à ses enfants, à charge par eux de l'héberger et entretenir, ttbien et honnestement et suffisamment, selon son estat, lui bailler aux bonnes festes quelques deniers pour faire ses oblations, le faire confesser et administrer ses sacrements, et lui donner la sépulture dans l'église dc Choisy, auprès de sa femme n (n° 2326). Quelquefois les donateurs entremêlent l'expression de leurs désirs de considérations philosophiques sur l'instabilité des choses de ce monde. C'est le cas de la veuve d'un tailleur de Paris qui, envisageant avec effroi sa caducité, son grand âge et débilité de sa personne, qui l'empêchaient de vaquer à ses affaires, et considérant aussi ct les peines, tribulations et malversations qu'elle voit par chacun jour régner au monde, auxquelles elle ne peut résister sans offenser Dieu et faire le destroyement de son âme», se décide à abandonner à ses filles mariées ses maisons et ses rentes, avec son mobilier, à charge de pourvoir à son entretien (n° -1575).
Parfois, des vieillards, atteints d'infirmités incurables et restés seuls au monde, étaient très heureux de rencontrer chez des étrangers, des voisins, des amis, quelques âmes charitables qui voulaient bien accepter la charge de leur personne. Nous citerons une pauvre veuve, âgée et frappée de cécité, qui fait donation à Jean de Marne, libraire, .de tous ses biens, notamment de ses droits sur le banc que ce libraire occupait dans le Palais, aux pieds de la statue du roi Pépin, à charge par lui de la loger, de la nourrir à sa table, de lui donner une personne pour la conduire, et de la gratifier, chaque dimanche, de 12 deniers pour ses menues nécessités, et de 2 sols tournois aux fêtes solennelles (n° 3653).
Lorsque des gens âgés se trouvaient au déclin de leur vie, sans famille pour prendre soin de leurs personnes et veiller à leurs affaires, ils avaient recours aux communautés religieuses. C'est ainsi qu'un marchand de vins de Paris et sa femme, «considérans leur ancien aage, la variété et instabilité de ce monde, désirans de tous leurs cueurs applicquer le résidu de leurs jours et vie au service de Dieu, voullans éviter de tout leur povoir lesabbuz et vanitez de cedit monde et eulx disposer à bien mourir n, donnent au couvent des Filles-Dieu tous leurs biens, notamment k maisons neuves entre les portes Saint-Denis et Montmartre, au lieu dit la Ville-
neuve, à 'charge par les religieuses de laisser aux donateurs l'usufruit du logis qu'ils occupaient près de la porte d'entrée du monastère, de leur fournir, leur vie durant, pain, vin et pitance, de faire blanchir leur linge et de les faire inhumer dans leur église, avec le même service que pour l'une des religieuses professes (n° 4401). Quelquefois même intervenait un contrat en bonne et due forme, qui précisait avec un luxe de détails toutes les exigences auxquelles devaient se plier les maisons religieuses en échange des libéralités qu'elles recevaient. Nous citerons le cas d'un laboureur de vignes de Saint-Germain-des-Prés et de sa femme, qui font donation de leurs biens au couvent des Hautes-Bruyères, mais stipulent que les religieuses devront leur assurer un logis convenable, leur fournir six muids de vin par an du cru de leurs vignes, de la chair cuite ou crue aux jours gras, des oeufs et du poisson aux jours maigres, avec fruits, beurre et fromage, du pain blanc, du bois pour faire du feu dans leur chambre, quand le temps le requerra; ce n'est pas tout, les donateurs entendaient aussi être pourvus de vêtements, savoir, d'une robe de gros gris fourrée de grosse panne, appelée «en commun langaige robbe de nuict 11, d'une paire de pantoufles par année, de deux paires de souliers, d'une paire de chausses de drap noir, avec un bonnet, d'un chapeau et un ctjacqueteau de demi-ostade », doublé de lutaine, pour-le mari. Les religieuses s'engageaient en outre à mettre à leur disposition l'une des servantes de la maison, en cas de besoin, à les faire panser, médiciner et soigner en leurs maladies, enfin à faire chercher leur mobilier à Paris pour l'amener au couvent (n° 4399). Certaine veuve, qui s'était retirée au couvent des Augustins de Lagny, y recevait la même pitance que les religieux, avec un demi-setier de vin chaque jour au dîner et au souper, on devait aussi veiller à l'entretien de ses habits et la soigner en cas dc maladie ; en revanche ladite veuve s'engageait à rendre au monastère tous les services à sa portée, a eii choses licittes, honnestes et raisonnables n (n° 4512).
Nombre de donations faites par des parents à leurs proches sont inspirées par des considérations de tout autre ordre que celles qui pouvaient diriger les actes de vieillards, désireux de s'assurer à la fois une existence
paisible, autant que possible exempte de tous soucis, et de se débarrasser du tracas de leurs affaires. Ainsi n'est-il pas touchant de voir un orfèvre de Paris et sa femme, préoccupés de l'état très précaire de leur fils, devenu aveugle et dans l'impossibilité de se suffire à lui-même, l'avantager par le don d'une maison devant la Grande-Boucherie, avec 5 o livres de rente, attendu, disaient-ils, que leurs autres enfants avaient re bons moyens et industrye de vivre» (n° 2242). Nicole Guedon, seigneur de Presles, était guidé par d'autres raisons, lorsqu'il donnait à son fils, Fiacre Guedon, seigneur de \illepatour, divers fiefs et manoirs représentant tout ce qu'il possédait dans la paroisse de Presles à une lieue à la ronde; c'était à ses yeux une manifestation de l'autorité paternelle, si forte au moyen agé, il voulait témoigner à son fils toute sa satisfaction, parce que celui-ci avait cr tousjours obtempéré à ses commandemens, vacqué à l'estude et bonnes meurs, et faict choses agréables audict Guedon, l'aisné, son père n, et dans l'espoir «qu'il fera encore myeulx ci après n (n° 5258).
Tous les parents n'avaient pas cette tendresse et cette sollicitude pour leurs enfants; un exemple de rare inhumanité nous est fourni par l'odyssée lamentable de la veuve d'un bourrelier de Saint-Cloud, attaqué et mortellement blessé près du couvent des Minimes; cette malheureuse, restée enceinte, fut odieusement persécutée et dépouillée de tous ses biens par son propre père; restée sans asile et réduite à la mendicité, elle fut charitablement recueillie par Ferry Hochecorne, garde de la Monnaie de Paris, qui tint même sur les fonts baptismaux l'enfant dont cette femme accoucha chez lui, et poursuivit en justice la réparation du meurtre de son mari; en reconnaissance de ses soins, la veuve lui fit donation de tous ses biens (n° 3401).
Pour la rareté du fait, on peut signaler une donation faite par une belle-mère à son gendre, procureur au Châtelet, pour lequel elle avait conservé une vive affection après la mort de sa fille, a en faveur et con-templacion du bon traictement qu'il a faict tant à ladicte defuncte, sa fille, que à elle et luy faict encore de présenta, et aussi pour le dédommager de la perte de la pratique d'un office de procureur, qui lui avait été promise lors de.son mariage et dont il avait été frustré (n° 536).
Parmi les "contrats portant donation, insinués au Chatelet, plus d'un
venait récompenser le dévouement et la fidélité d'anciens serviteurs et s'assurer en même temps de leur attachement. Ainsi Pierre de la Rivière, seigneur de Mardilly, qui depuis dix-huit ans avait à son service, du vivant de sa femme Marguerite de Vielchastel et après son décès, certaine Marie Huault, lui donna l'usufruit d'un corps de logis, rue des Nonnains-d'Yerres, comprenant plusieurs chambres et une écurie pour cinq chevaux, à condition que ladite Marie Huault prendrait l'engagement de soigner et de panser son maître, tant à Mardilly qu'à Paris, lorsqu'il se trouverait «en nécessité de maladie, et en esp.ecial de sa goutte arthéticque, qui l'a tenu depuis vingt ans et le tient par saisons par chacun an», entendant révoquer ladite donation, si elle manquait à sa promesse (n° 2126).
A une époque où le clergé disposait d'une grande influence et où la vie monastique était fort en faveur, on ne s'étonnera pas de rencontrer dans les registres des Insinuations quantité d'actes portant donation en faveur d'établissements religieux, d'abbayes, de prieurés, de couvents d'hommes et de femmes, d'églises collégiales et paroissiales, non seulement à Paris, mais encore au dehors, dans des régions même très éloignées.
Les donations faites aux églises de Paris, telles que Saint-Eustache, Saint-Germain-l'Auxerrbis, Saint-Gervais, Saint-Merry, Saint-Denis-du-Pas, Saint-Sauveur, Saint-Médard à Saint-Marcel, avaient la plupart du temps pour objet des fondations de messes ou d'obits; il n'est pas rare d'y noter plus d'un détail intéressant.
Catherine du Perier, bourgeoise de Paris, en donnant à l'église de Saint-Merry une maison, rue de la Verrerie, au coin de la rue Saint-Bon, déclare être née et avoir été baptisée dans la paroisse de Saint-Merry, où son père, Denis du Perier, docteur en médecine de l'Université de Paris, avait constamment résidé et avait même reçu la sépulture dans l'église dé Saint-Merry, et manifeste le désir d'y être elle-même enterrée; une fréquentation quotidienne de cette église lui avait, disait-elle, permis de constater- que le service divin s'y faisait «bien dévotement et sôllempnel-lement, et se disoient chascun jour les heures canonialles, comme es autres églises collégiales de ceste ville de Paris* (n° 763).
Le don d'une maison, sise au Clos Sainte-Geneviève, à Saint-Marcel,
fait par Blaise Le Paige, chanoine de la Sainte-Chapelle de Vincennes, à la fabrique de l'église de Saint-Médard pour la fondation d'une basse messe de requiem chaque vendredi, déguisait un acte de générosité quelque peu gênant pour un prêtre; en effet, le contrat obligeait les marguilliers de Saint-Médard à rétrocéder cette maison par bail à rente, moyennant 2 5 livres tournois par an, à Pierre Le Paige, fils naturel du chanoine, ainsi qu'à sa mère Philippe du Jardin (n° 5353).
Une donation faite, le 2 3 novembre 155 7, par Jean Brissonnet de Vallances, marchand suivant la Cour, et Jeanne Le Lieur, sa femme, au chapitre de l'église de Saint-Honoré n'aurait pas de caractère exceptionnel, si elle s'était bornée à la maison qu'habitaient les donateurs, rue du Bouloi; ce qui rend cette libéralité particulièrement intéressante, c'est qu'elle comprenait un tableau doré, où était enchâssée une Notre-Dame de Boulogne, tableau que les chanoines devaient jriacer dans la chapelle de Notre-Dame des Vertus, n près de la belle dame des Vertus n; les donateurs devaient recevoir la sépulture dans cette chapelle, où serait célébrée tous les vendredis une basse messe de requiem. Cette même église bénéficia d'une fondation perpétuelle de k livres tournois de rente, faite par un vifiaigrier-buffetier, à charge de célébration d'un obit solennel au grand autel, le 11 mai de chaque année, pour le père du donateur, obit destiné à remplacer un service qui avait été fondé dans.l'église du Sépulcre, siège de la confrérie des vinaigriers, depuis supprimée (n° 2470).
Ce n'est pas seulement aux oeuvres et fabriques des églises parisiennes que s'adressaient les libéralités des fidèles; les confréries religieuses n'étaient pas oubliées; celle de Notre-Dame de Liesse, dans la chapelle du Saint-Esprit en Grève, reçut de la femme d'un patenôtrier le don de la maison de l'Ane Rayé, rue Saint-Denis, comprenant plusieurs corps de logis avec jardins, à charge par les maîtres et gouverneurs de la confrérie de faire dire tous les mercredis une messe basse, pour répondre au désir de la donatrice, qui voulait que-cette confrérie fût ct mieulx entretenue, deservie et décorée, et que Nostre Seigneur et la Vierge Marie en soient louez et honorez -n (n° 3198).
Les dons que recueillaient les monastères d'hommes et de femmes, tant à Paris que dans le reste du royaume, étaient généralement consentis par
des novices, désireux de faire profession religieuse, et qui, pour ne pas être à charge au couvent qu'ils avaient choisi, lui laissaient tout ou partie de leurs biens. A Paris, c'est un jeune religieux de vingt ans, sur le point de prononcer ses voeux en l'abbaye de Saint-Victor, qui lui donne tous ses biens et revenus (n° 1880); c'est un prêtre agé, de Saint-Germain-des-Prés, qui déclare que, «pour la fervente dévotion qu'il a dès longtemps en l'église et couvent de Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, il vouldroit volontiers y vivre et mourir religieusement avecques les autres religieulx dudict couvent a et fait donation, le 2 3 décembre 15-t 5, de cinq maisons, dont trois à Saint-Germain-des-Prés, une près de la porte Saint-Jacques, et une autre 'à Orléans, de vignes et de fentes; ce même prêtre, pénétré de reconnaissance à l'égard des prieur et religieux qui avaient bien voulu l'admettre parmi eux, «combien qu'il soit vieulx et anciens, confirma cette donation, le 29 juin suivant, et y ajouta de nouvelles rentes» (n0s 1936," 2110). D'autre, part, la veuve d'un marchand épicier-apothicaire fit don, le 21 avril 1550, au prieuré de Saint-Martin-des-Champs d'une rente de 32 sols parisis, en raison de la «bonne amour » qu'elle avait pour ce monastère, qui comptait au rang de ses religieux dom Claude Begyn, son fils (n° 45/d). . -
Parmi les nombreuses donations faites au couvent cies Minimes de Nigeon par des frères novices, à la veille de leur profession religieuse, nous relèverons celle de Joseph Le Tellier, âgé de dix-huit ans, qui'abandonna aux Minimes, afin de n'être aucunement «à la foulle et charge d'icelluy couvent)), la succession paternelle et maternelle, à condition que les religieux donneraient 1 o livres tournois à l'un de ses oncles pour acheter des livres et prélèveraient sur cette succession les deniers nécessaires «pour parachever le nambrisquiest encommencé en la nef de l'église dudict Nijon n (n° 3531). La fondation que fit, le 8 juillet 1558, Michel Kerver, chanoine d'Auxerre, fils du libraire parisien Thiellement Kerver, n'est pas moins caractéristique; il donna une somme de 300 livres tournois avec une rente de 1 00 livres à la Chartreuse de Val-Profonde, du diocèse de Sens, en imposant aux Chartreux l'obligation expresse de construire dans leur cloîtré une cellule pour sa demeure, de la meubler, de pourvoir à son entretien, sa vie durant, et d'y recevoir à perpétuité un Chartreux (n° 5268).
Une donation du 31 mai 15 h 2 nous permet de compléter les renseignements que nous a laissés l'abbé Lebeuf sur le célèbre ermitage du Mont-Valérien. Le docte historien ne connaît pas d'ermite, au xvtc siècle, avant la recluse, Guillemette Faussart, qui s'y enferma en.1556. Pourtant, quinze années auparavant, Pierre de la Marche, fils d'un bourgeois de Paris, «meu et inspiré de dévotion n, s'était .retiré «au tartre du Mont-Valleriann et y avait pris «l'abyt de hermitte pour y vivre et user ses jours n; dans ce dessein il avait cédé à son frère, marchand passementier à Paris, cr aucuns biens terriens n, savoir, des portions de cinq maisons à Saint-Marcel, des vignes à Saint-Marcel et à Villejuif, à condition de lui servir une pension viagère de 2 5 livres par an, qui lui permît d'arriver à la prêtrise (n° 773).
H serait trop long d'énumérer tous les monastères qui reçurent des marques de la générosité des fidèles; nous nous bornerons à citer l'abbaye de Notre-Dame d'Ormont, près de Fismes, où Perrette de Ville, fille du chirurgien César de Ville, renommé «inciseur de pierre et gravelleii, avait été heureuse de trouver un asile; cette pauvre fille, «qui, en raison de sa grant foiblesse-et impotence n, était, paraît-il, incapable de se gouverner, déclara, le 5 juillet 155 1, que, depuis dix à onze ans, elle y avait élu domicile et qu'elle espérait y demeurer jusqu'à la fin de ses jours, et « y prendre l'estat et dignité de religieuse professe n; à ces fins, elle abandonna tous ses biens, meubles et immeubles (n° A283).
Les établissements hospitaliers de Paris obtinrent souvent une large part dans les libéralités des personnes charitables, comme en témoignent de nombreuses et importantes donations, qui nous apportent de curieux détails.
De 1539 à 15/49, Jean Briçonnet, président en la Chambre des Comptes, et Louise Raguier, sa femme, laissèrent à l'hôpital des Enfants-Rouges, de l'écente création, 175 livres tournois de rente sur la Ville, pour que les «enfans d'icelluy, puissent estre honnestement entretenuzn. Cette donation, ayant pour principal objet de fournir à la dépense d'un petit déjeuner pour ces enfants, devait servir également à rétribuer «une femme honneste pour les penser, endoctriner et instruire en la foy de Nostre Seigneurs, avec mission spéciale de leur faire réciter à la fin de chaque repas et au moment
du coucher un Pater, un Ave et le Reqûiescanl in pace. Pour rappeler le souvenir de cette fondation, on devait placer dans la salle à manger de ces ftpetiz Enfans de Dieu ung ymaige de la sépulture de Noslre Seigneur et soubz le tableau?), la représentation peinte d'une femme», afin que ces enfants n'oubliassent point de prier Dieu pour la défunte (n05 3062,3063). Les donateurs ajoutèrent une somme de 200 livres tournois, spécialement destinée à la chapelle du nouvel hôpital, lorsqu'elle serait construite, à condition d'y faire graver sur une plaque de cuivre ou de pierre, à côté du maître autel, les noms des bienfaiteurs.
L'hôpital de la Trinité, rue Saint-Denis, également affecté aux orphelins, ne fut pas moins favorisé. Deux dévotes, qui habitaient ensemble à côté de l'église de Saint-Germain-TAuxerrois, dans un élan de charité pour ces enfants, voulant à la fois subvenir à leur entretien et participer aux prières ct bienfaits de cet hôpital, firent donation, le 22 août 1551, de cinq maisons à Paris, avec des rentes, à condition que les enfants de l'hôpilal ct leur maître, comme c'était d'ailleurs l'habitude, assisteraient aux obsèques des donatrices (n° 3931). L'année suivante, la veuve du receveur de Brie-Comte-Robert fit don au même hôpital d'une rente de 2 5 livres tournois sur divers greniers à sel, à charge également de suivre son convoi et de célébrer un service perpétuel à son intention, le lendemain de la Trinité (n° 4190).
Un autre hôpital, réservé aux orphelins originaires.de Paris, celui du Saint-Esprit en Grève, figure aussi parmi les établissements qui participèrent aux libéralités des Parisiens. Le 9 décembre 1553, Jeanne de Vitry, veuve de Jean Paillard, seigneur de Douxmesnil, à l'effet de contribuer à «la substantation, nourriture et entretenement des pauvres enfans orphelins dudit hôpital n, leur aumôna une maison, rue Aubry-le-Boucher, sous l'obligation d'un service solennel après son décès et d'un obit (n° 4874).
L'Hôtel-Dieu, la principale maison hospitalière de Paris, refuge de tant de pauvres malades, reçut plus d'une donation; entre autres, un mesureur de grains, en considération tr des bonnes prières, oraisons, nourritures, alymens, substentation depaouvres et acomphssement des oeuvres de miséricorde n, qui continuellement se faisaient à l'Hôtel-Dieu, lui donna successivement deux maisons, l'une, rue Frepault, l'autre, rue du Vert-Bois; il se
dépouilla de son avoir à un tel point que lors de son décès, sa seconde femme fut obligée de solliciter des administrateurs de l'Hôtel-Dieu im prêt de 80 livres, àpour luy ayder à ses neccessitez et éviter à la vente de ses biens, parce qu'elle n'avoit argent et que le defunct n'en avoit laissé au jour de son trespas pour acomplir son testament? (nos 2773, 4798).
La charité publique s'exerçait de mille manières; elle s'ingéniait pour venir en aide aux déshérités de la vie, on peut le constater dans les dispositions prises, le 1 2 janvier 1557, par Antoine Du Prat, prévôt de Paris, qui laissa 100 livres tournois de rente à la communauté et aux bourses des pauvres de Paris, 100 livres tournois de rente aux pauvres de l'Hôtel-Dieu, too livres tournois de rente aux enfants de l'hôpital de la Trinité, 5 o livres, tournois de rente aux pauvres prisonniers de la Conciergerie et pareille somme à ceux du Châtelet, à la seule fin de participer aux prières desdits pauvres (n° 50-48).
Nous appellerons surtout l'attention sur une fondation vraiment touchante d'un patenôtrier de Paris et de sa femme en faveur des malheureux prisonniers; par leurs soins,-le jeudi de chaque semaine, on faisait une distribution de pain, de vin et de viande jusqu'à concurrence de 10 sols tournois, alternativement aux prisonniers du Grand Châtelet, du Petit Châtelet, de la Cour d'église et de la Conciergerie; la veuve de ce patenôtrier, en donnant 150 livres tournois de rente à un autre marchand du même métier, le chargea d'assurer la perpétuité de cette fondation et de faire placer dans chacune de ces prisons «ung tableau de pierre, où seroit engravé et contenu le voulloir et intention de ladicte veufve pour l'effect, payement et continuation d'icelle aumosne, qui doibt estre distribuée aux pauvres prisonniers, sans ce que les geolliers et consiergiers d'icelles pri- -sons y puissent riens prétendre v (n° 5042).
Peut-être sera-t-on surpris de rencontrer parmi les actes insinués au greffe du Châtelet certaines donations qui ne rentrent dans aucune des catégories que nous venons de passer rapidement en revue; elles ne figurent assurément dans les registres des Insinuations que parce que les donateurs ou donataires, domiciliés à Paris, ou y faisant momentanément leur résidence, voulaient, au moyen d'un enregistrement public, donner à leurs
contrats toute la validité possible. De prime abord, personne ne viendra chercher dans nos registres la donation des maison, jardin, re lieu et tènement» de Bellecourà Lyon, entre le Rhône et la Saône, que fit, le 5 mars i 55 i, Jeanne Le Viste, veuve de Jean Robertet, secrétaire des finances, à son fils Florimond Robertet, secrétaire du Roi (n° 3797); encore moins la donation des îlesd'Hyères, alors refuge de pirates, érigées en marquisat par Henri II pour Christophe de Rocquendorf, gentilhomme de la Chambre, donation faite par ce personnage à Gabriel de Lutz, seigneur d'Aramon, ambassadeur du Roi au Levant, qui l'avait tiré des prisons du Grand Turc (n° 4209).
Quelques contrats, portant vente, cession et transport, étaient également enregistrés au Châtelet, en raison des clauses stipulant donation dc la plus-value; c'est le cas pour la vente, moyennant io.o écus d'or comptants, de la confiscation des biens de Louis de Berquin, condamné à mort et exécuté comme hérétique, qui avait été attribuée par Henri II à Armand Valentin, son ingénieur à Marseille; cette vente fut consentie par ledit Valentin à Jean de Cormeilles, conseiller au Parlement, son ami, pour ne pas entrer dans des contestations judiciaires, la majeure partie de ces biens faisant l'objet d'un litige entre ce conseiller et le seigneur de Rambures (n° 3785).
Si les donations.de toute nature étaient obligatoirement enregistrées au greffe des Insinuations du Châtelet, la méme formalité n'était pas moins requise pour les révocations de donations, naturellement beaucoup plus rares, et qui n'étaient motivées que par le fait d'ingratitude; nos registres des Insinuations en renferment quelques exemples remarquables, qui méritent d'être signalés.'
Le i 6 avril îB/tp,, Catherine de Veeleu, dame d'Anglure, veuve dc Michel de Poisieu, gentilhomme de la Chambre, capitaine et bailli de Sens et Montereau, fit un tableau lamentable des persécutions sans nombre qu'elle avait endurées depuis quinze ans de la part de ses enfants dénaturés qui, impatients de jouir de ses biens, cherchaient par tous moyens à hâter sa fin, l'accablant d'injures, d'accusations calomnieuses contre son honneur et sa bonne renommée, la privant de tous moyens d'existence, s'efforçant de tuer ses gens et serviteurs qui lui étaient restés fidèles; en
présence d'un pareil aveuglement, elle déshérita complètement ses enfants et même ses petits-enfants, pour les punir de leur ingratitude, et attribua sa succession aux pauvres de Paris, à ceux de l'Hôtel-Dieu, à l'Hôtel-Dieu de Meaux et aux Cordelières de Provins, afin, disait-elle, de servir d'exemple et d'à induire les enfans à porter honneur et révérence à leurs père et mère, comme ilz sont tenus par la loy de Nostre Seigneurs (n° 3â0_?).
Le célèbre jurisconsulte Charles Dumoulin, en révoquant,'le 29 juin 15/17 et le 7 août 1 548, pour cause d'ingratitude, la donation de la terre et seigneurie de Migneaux qu'il avait faite, seize années auparavant, à son frère puîné, Ferry Dumoulin, exposa tous les griefs qu'il avait contre ce frère; pour récompense de sa sollicitude à son égard, pour l'avoir tenu aux écoles à Orléans, durant trois années, l'avoir fait recevoir licencié, avocat en Parlement, il avait été vilipendé de toutes façons, couvert d'injures atroces, accusé d'avoir détourné et dissipé le bien maternel. Outré de cette conduite, Charles Dumoulin transporta cette donation aux enfants issus de son mariage avec Louise de Beldon, en observant que, lorsqu'il avait avantagé son frère, il ne songeait guère à se marier et à foncier une famille, «ains avoit seullement intention et toutes ses cogitations à continuer ses estudes pour interpréter et commenter de nouveau tant les coustumes que le droict civil n (nos 3269, 3270).
Voici encore un exemple dc ces révocations de donation non moins suggestif. Nicole Le Clerc, doyen de la Faculté de théologie, curé de Sairit-André-des-Arts, n'eut pas davantage à se louer de tous ses neveux, qui lui rendirent la vie fort amère, et pour le remercier des bienfaits dont il les avait comblés, le payèrent de la plus noire ingratitude; dès le 9 août 1541, Nicole Le Clerc fut obligé de révoquer la donation qu'il avait faite, le 9 septembre précédent, à l'un d'entre eux, Jacques Le Clerc, dit Coictier, seigneur d'Aulnay, grand rapporteur des lettres de la Chancellerie, plutôt dans l'espoir dc vivre en paix avec lui que par affection, niais ce fut tout le contraire, Jacques Coictier lui intenta procès sur procès, dans le dessein de semer la discorde entre Nicole Le Clerc, ses frères, neveux et nièces, et poussa la méchanceté jusqu'à l'assigner en justice, alors qu'il était gravement malade et qu'on le croyait à toute extrémité (n° -125).
conseiller au Parlement, se liguèrent avec leur frère aîné, Jacques Le Clerc, dit Coictier, pour persécuter le malheureux curé de Saint-André-des-Arts, ct par infinies querelles, molestes et poursuictes -n, tant au Chatelet et aux Requetes du Palais qu'au Grand Conseil et Conseil privé, se proposant ct par tourmens de le faire mourir et grand calamité finir ses briefs et vieulx joursw; ils réussirent à s'approprier la succession de Jean Le Clerc, chantre de Chalons, frère dudit Nicole, qu'ils contraignirent à tester en leur faveur, en lui extorquant une donation, cc moings que deuement faicte et insinuée v. Nicole Le Clerc se crut parfaitement fondé à révoquer, pour vice d'ingratitude, les donations qu'il avait faites à ses neveux, en reportant ses* libéralités sur la tête de sa nièce, Philippe Le Clerc, et de Guillaume Bourgoing, conseiller au Parlement, son mari, qui, cc dès et depuys vingt-troys ans continuelz ont faict résidence et demouré avec ledict Le Clerc, le traictant doulcement et humainement, le secourant en ses affaires qu'il a supportez contre ses autres nepveuz, le pensant et faisant penser soigneusement en ses malladies et autres neccessitez occurrantes *. Parmi les biens dont Nicole Le Clerc fit donation à sa nièce, d'ailleurs indignement frustrée par ses frères, se trouvait l'hôtel connu sous le nom de Séjour d'Orléans, dans la rue Saint-André-des-Arts, non loin des anciens remparts de la Ville (nos 2471, 2518).
CONTRATS DE MARIAGE.
Les 3 2 4 contrats de mariage qui figurent dans les 15 registres des Insinuations du Châtelet, pour les règnes de François Ier et dc Henri II, en raison de la diversité extrême des conditions sociales des contractants, fournissent la matière de curieuses études de moeurs; à côté des contrats de mariage des grands seigneurs, vivant dans l'entourage du Roi, des membres des cours souveraines, l'on rencontre ceux des bourgeois de Paris, marchands, artisans, laboureurs, jusqu'à ceux des gens appartenant aux classes les plus humbles, tels que des compagnons et servantes de tavernes.
En lisant certains actes, on croirait assister aux pourparlers où les
xxxii INTRODUCTION.
futurs conjoints et leurs parents débattaient les questions d'intérêt qui, au xvtc siècle comme de nos jours, jouaient un grand rôle et influaient beaucoup sur la conclusion des unions projetées. Voici un exemple frappant de ces. difficultés matrimoniales et des négociations compliquées qu'elles entraînaient quelquefois. En 15/16,Jean Le Picart, notaire et secrétaire du Roi, trésorier des mortes-payes de Picardie, rechercha en mariage Eléonore de La Couppelle, fille d'Élardin de La Couppelle, bourgeois dc Paris, seigneur de Chérelles, mais, lorsqu'il s'agit de passer le contrat, le futur demanda à réfléchir, attendu a qu'il lui convenoit habiller et garnir ladicte Eléonore de tous habitz nuptiaulx et autres, dont elle estoit très mal fournie, bagues et joyaulx, selon leur estat, et soustenir grans fraiz et faire grosse despense, pour raison de leurs nopces, montans à grandes sommes de deniers, comme de i ,800 à 2,000 escus soleil -n. De plus, Jean Le Picart apprit ultérieurement l'existence de cr plusieurs grandes charges ct ypothecques, encloueures latentes et debtes, montans à grandes sommes de deniers n, aussi le mariage faillit être rompu; toutefois, afin d'éviter le déshonneur et scandale qui en serait résulté, d'autant plus que la fiancée, consultée à cet égard, tr avait très instamment requis la perfection dudict mariage, disant qu'elle n'auroit jamais d'autre mary que icelluy Le Picart, pour l'aliance et dignité de sa maison», un conseil de famille, convoqué à cet effet, décida que l'on donnerait à Jean Le Picart l'usufruit de plusieurs terres et seigneuries, notamment de celle dc Chérelles, ét d'une maison à Paris, rue Saint-Denis, le tout dépendant de la succession du père d'Eléo-nore de La Couppelle (n° 2211 ).
Un autre personnage, Jean de La Salle, gentilhomme dc la vénerie du Roi, capitaine des châteaux etparcsdeSaint-Germain-cn-Laye, Saint-James et la Muette, en contractant mariage, le 1 5 avril 15Z»8, avec Madeleine Olivier, dame de Puiseux en France, lit également stipuler à son profit la concession de l'usufruit de cette seigneurie, que sa future lui accorda, en raison cc de l'amytié et grand amour qu'elle portoit au sieur Jean de La Salle, affin que ledict mariage se puisse accomplir, et qui aultrement n'eust tiré oultre d (n° 3733).
Dans une condition sociale plus modeste, des faits analogues se produisaient; ainsi l'on voit la veuve d'un huissier des Monnaies à Paris donner
en quelque sorte subrepticement à son fiancé, praticien en cour laie, 200 écus soleil, destinés à l'achat d'un office, et l'usufruit de la moitié dc ses biens, avouant qu'elle n'avait pas osé faire cette donation par contrat, dans la crainte d'encourir l'indignation de ses parents, qui se seraient opposés au mariage (n° 4358). Autre trait non moins caractéristique : la , veuve d'un marchand bourgeois de Paris, convolant en secondes noces avec un corroyeur, gratifie son futur époux, en cas de survie, de la moitié de deux maisons, rue des Arcis, mais n'ayant probablement pas trouvé dans sa première union les attentions et les égards qu'elle espérait, a bien soin de stipuler que la donation en question était faite à condition que son mari serait tenu de cr bien et amiablement traicter sa future femme, ainsy que ung homme de bien doibt traicter et aymer sa femme, et non aultrement:) (n° 3067).
L'étude approfondie des contrats de mariage insinués au Châtelet nous entraînerait trop loin; il nous suffira de prendre quelques exemples parmi ceux de la noblesse, de la magistrature, de la bourgeoisie, des artisans ou laboureurs, pour montrer tout le parti que l'on peut tirer de ces documents.
L'histoire des familles nobles au xvie siècle s'enrichira, grâce aux nombreux contrats de mariage dont les registres des insinuations nous ont conservé la teneur, de précieux renseignements, qui éclaireront bien des points douteux; les actes passés à l'occasion des alliances contractées par les seigneurs et dames de qualité de cette époque nous feront connaître leurs filiations et possessions territoriales et aideront singulièrement à combler les lacunes des meilleures généalogies.
Entre autres personnages de distinction dont les contrats furent insinués au Châtelet, nous pouvons citer :
10 Claude Gouffier, grand écuyer de France, qui épousa, le 25 juin 1559, Marie de Gaignon; ce mariage fut célébré en présence de la reine Marie Stuart, d'Antoinette de Bourbon, duchesse douairière de Guise, de Jacques de Montgommery, sieur de Lorges, de Charles Tiercelin, gouverneur de Mouzon, et d'Antoine Minard, président au Parlement (n° 5349);
20 Pierre Salzedo, capitaine de Hardelot, marié, le 8 janvier 15-18,' avec Henriette du Brueil, fille d'honneur de la'reine douairière Éléonore,
CHÂTELET DE PARIS. C
lupnmn-in .\\*rio-Ai._.
du consentement de la Reine et en présence de Madeleine de Lamet, l'une des gouvernantes de ses filles d'honneur (n° 3765);
36 Diego de Mendoça, gentilhomme de la Chambre, habitant à Paris, rue Mauconseil, qui épousa, le 27 décembre 1550, Agnès de la Motte, dame de Bullion, veuve de Nicolas de Poncher, seigneur du Tremblay (n° 3766); . ¦ ¦ -
4° Jean de Pisseleu, chevalier, neveu d'Anne de Pisseleu, duchesse d'Etampes, qui contracta mariage, le 3 septembre 1555, avec Françoise de Scépeaux (n° -4159);
5° Louis de Montbrun, seigneur de Chalandray, marié, le 4 avril 15 5 3, avec Claude Blosset, dame de Novion, première demoiselle d'honneur française de la reine Eléonore (n° 4653);
6° Robert Bracque, premier échanson de la Reine, qui épousa, le 6 août 1553, Jeanne Fretel, veuve de Jacques de Maubuisson, seigneur de Jouy (n° 4800);
70 Nicolas de Bernay, écuyer tranchant de la Reine, dont le mariage avec Anne d'Alençon, fille de Charles, bâtard d'Alençon, fut célébré le 25 février 1541 (n°483).
8° Guillaume de Marillac, valet de chambre du Roi, uni, le 11 janvier 1551, à Renée Alligret, fille de feu Olivier Alligret, avocat du Roi au Parlement (n° 3630).
Si des seigneurs l'on passe aux membres des cours souveraines, on éprouve un réel embarras pour faire un choix parmi les nombreux contrats enregistrés au Châtelet, il faut se borner à une simple nomenclature; nous citerons des conseillers au Parlement, tels que : 10 Roger de Vaudetar, qui épousa, le 27 janvier 1544, Jeanne Boilève, fille de feu Nicole Boilève, conseiller au Grand Conseil, avec 13,ooo livres tournois de dot (n° 1393); 20 Charles Boucher, seigneur de Houilles, marié, le icr septembre 1558, avec Jeanne Le Verrier, fille du premier chirurgien du Roi, et veuve de Thomas Thiboust, conseiller au Parlement, qui apporte 4,o o o livres (n° 5212); des conseillers au Grand Conseil, comme Pierre Parpas, marié, le 2 6 janvier 15 4 5, avec Anne Pichon, veuve de François d'Arzillière, lieutenant du comté de Clermont (n° 1830);
François Le Roux, qui épousa, le a 5 octobre 1566, Anne de Vaudetar, fille de Guillaume de Vaudetar, conseiller au Parlement (n° 2295); des conseillers au Châtelet, comme Nicolas Luillier, qui contracta mariage, le 12 juin 1552 , avec Charlotte de Livres, fille de Nicolas de Livres, seigneur de Ravenel, notaire et secrétaire du Roi, dont la dot se monta à 10,000 livres tournois (n° 4570); Germain du Val, marié, le 2420ût 15 51, avec Marie Brinon, fille de feu Michel Brinon, greffier de la Cour des Aides, qui avait un mobilier de 3,ooo livres tournois, sans compter ses bagues • et joyaux (n° 3918); un conseiller à la Cour des Aides, François Pajot, qui épousa, le 17 mai 154-1, Etiennette Le Coq, fille de feu Gérard Le Coq, maître des Requêtes de l'Hôtel (n° 3505); un général des Monnaies, Simon Raddin, marié, le 30 octobre 1551, avec Gabrielle de Bucourt, fille de feu Nicolas de Bucourt, seigneur de Saint-Martin-au-Tertre (n° al 89); des maîtres des Requêtes de l'Hôtel, savoir: André Guillard, marié, le 8 juillet 1551, avec Marie Robertet, fille de feu Jean Robertet, secrétaire des finances, qui lui apporta en dot 18,000 livres tournois (n° 3956); Jean de Poncher, qui épousa, le 13 août 1553, Renée Lhuillier, fille du maître des Requêtes, Guillaume Lhuillier(n° /1938); un conseiller aux Eaux et Forêts, Pierre Papillon, fils du conseiller au Parlement, qui s'unit, le 10 janvier 15 h 3, avec Marie Prévost, fille de Jeaa Prévost, greffier royal à Tours (n° 1295); enfin un élu en l'Election de Paris, Claude de Marle, qui épousa, le 20 juillet 1545, en présence du cardinal de Meudon, Antoinette Lhuillier, fille de feu Jean Lhuillier, conseiller au Parlement (n° 1852). On peut juger par cette énumération de l'utilité que peuvent offrir, au point de vue de l'histoire des vieilles familles de robe, tous ces contrats de Parlementaires pour compléter et rectifier sur bien des points les anciennes généalogies, si consultées, des premiers présidents, des présidents et.conseillers du Parlement, ét celles des maîtres des Requêtes de l'Hôtel.
Les contrats de mariage de la bourgeoisie parisienne, dans un tout autre ordre d'idées, ne sontpasmoins dignes d'intérêt, plusieurs d'entre eux nous montrent l'aisance qui régnait dans cette classe de la société. En effet, n'est-il pas curieux de voir la veuve d'un marchand, bourgeois de Paris, Genevieve Huot, qui, en se remariant, le 17 novembre 1 5 5 2, avec Jean
xxxvi INTRODUCTION.
.^Laubigeois, marchand, bourgeois de Paris, déclare que son apport en mobi-'. -lier, deniers comptants, vaisselle d'argent, bagues, joyaux et marchandises, se monte à 16,833 livres 9 deniers tournois, sans préjudice de ses immeubles et des biens de ses enfants; Jean Laubigeois, de son côté, reconnaît un apport de 7,500 livres ik sols 3 deniers tournois, non compris 5,000 livres à partager avec les héritiers de sa première femme (n° 45M).
Il n'est pas rare de trouver dans les contrats l'énumération des robes et habits qui constituaient le trousseau de la future; ainsi, lors du mariage de Robert Boivin, marchand drapier, avec la fille d'un marchand, bourgeois de Paris, le père de la fiancée promet de donner 600 livres tournois en argent comptant, et indépendamment des cc habillements filiaux 15 k robes, l'une d'écarlate, fourrée de penne noire, une autre de drap noir, fourrée également de penne noire, 2 robes de drap noir, doublées de demi-ostade, à poignets de satin noir, une cotte d'écarlate et trois cottes noires, une douzaine de draps de chanvre, quatre douzaines de serviettes et une demi-douzaine de nappes, deux anneaux d'or, l'un orné d'un diamant, l'autre d'un rubis (n° 2385). Généralement le trousseau d'une fille de la bourgeoisie comprenait au moins trois robes, dont une d'écarlate, trois cottes et autant de chaperons, nous citerons comme exemple la fiancée d'un bourgeois de Paris qui reçoit trois robes à son usage, l'une de cérémonie, d'écarlate à poignets de velours, avec queue doublée de taffetas, une autre de drap noir, fourrée de penne noire de Lombardie, une troisième aussi de drap noir, doublée de samit, trois cottes, dont deux d'écarlate et l'autre de drap noir, le tout neuf, bon et honnête. Tout trousseau convenable comportait au moins une robe longue, c'est-à-dire à queue, et une ronde, c'est-à-dire courte. Lors du mariage de Jacques Flameng, procureur au Châtelet, avec Marguerite Le Colletier, fille d'un autre procureur, le père de la future, sans préjudice de la donation d'une maison, rue de la Vannerie, et de terres au Pi essis-B elle v ille, s'engagea à habiller sa fille cc d'abbitz nuptiaulx, selon son estat, et faire la feste à ses despens -n, en outre à nourrir et loger gratuitement les futurs époux, avec un clerc et une chambrière, à partir du jour de la consommation du mariage, durant deux ans, dans la maison de la Pomme rouge, rue de la Calendre (n° 72/f). Habi-- tuellement, c'étaient les parents de la future qui prenaient à leut' charge
les frais du repas de noces; ainsi, au moment du mariage d'Amable Bartesche, clerc et praticien au Palais, l'oncle de la future, marchand, bourgeois de Paris, s'engagea à faire à ses dépens «le festin et banquet du jour du mariage jusques à 30 ou -to personnes, qui seront prises et appeliez d'une part et d'autre» (n°4273): Lorsque Pierre Deschamps, docteur régent en la Faculté de médecine, épousa Anne Guyon, veuve d'un praticien au Palais, ce fut la future qui non seulement promit d'apporter 200 écus d'or, «la veille des espousailles, et avant que d'espouser», mais encore etde faire la feste à ses propres coustz et despens» (n° 3863).
Fréquemment il arrivait qu'un artisan ou marchand, en épousant la fille d'un de ses confrères, s'associait avec son beau-père pour travailler du même métier, ou exercer le même commerce; exemple, un fourbisseur de harnais et armures, lors de son mariage avec la fille d'un autre fourbisseur, convient d'habiter la même maison, «en faisant la despence en commun ou chascun sepparement, et partiront par moictié le gaing qu'ilz feront et gaigneront dudict mestier»; le futur s'engage en outre età ap-prandre et à obeyr à son beau-père en toutes choses licittes et raisonnables, et vivre amyablement et con co rd ab! em e nt » avec ses beau-père et belle-mère, ct et leur porter honneur et reverence, telle qu'il appartient porter à père et à mère » (n° 1516). Le contrat de mariage de la fille d'un pourpointier de Paris avec un autre pourpointier nous donne énumération du mobilier et des marchandises en magasin, et stipule que le nouveau ménage sera entretenu avec ses enfants aux frais des parents, à charge ctd'ayder au faict et estat dudit mestier de pourpointier, quant requis en seront, et d'acheter la marchandise convenable » (n° 966). Lors du mariage de la fille d'un charron à Paris, l'oncle de la future, maître charron lui-même, s'engagea à l'habiller re d'abitz nuptiaulx,bien et honnestement, selon son estat, et luy bailler une chambre garnye, honnestement, aussi selon son estat», et lui fit donation de la moitié d'une maison à Paris en Grève, mais à condition que les nouveaux époux entreraient au service du donateur et de sa femme, qui seraient tenus de ttleur quérir et livrer leur vivre de boire, menger, feu, lict, hostel et lumière, comme il appartient», avec un salaire de i a écus d'or, néanmoins il était convenu que si la jeune femme ttfaisoyt quelques ouvraiges de lingerie, ce seroit.pour et au prouffict des dictz futurs conjoinlz» (n° 4785).
Lorsqu'il s'agit de l'union de gens de condition subalterne, les contrats stipulent aussi des apports, si modestes soient-ils; par exemple, un compagnon de taverne qui épouse la servante du tavernier, reçoit comme cadeau de noces de ses maîtres, oncle el tante des futurs époux, trente muids de vin, « tant Liane que vermeil, seings, nectz, loyaulx el marchans, du creu des vendanges dernières n, estimés 150 livres tournois, une chambre garnie d'une valeur de 50 livres, avec des terres à Antony, Wissous et Fresnes-lez-Rungis (n6 2146). A l'occasion du mariage d'un compagnon barbier et chirurgien avec la servante d'un apothicaire, la future fut gratifiée par son maître de 5 o livres tournois, pour ses salaires et services (n° 4632).
Après avoir donné un aperçu des mariages parisiens dans toutes les classes, il n'est pas moins intéressant de voir ce qui se passait dans les campagnes pour les mariages des laboureurs ou petits marchands. Un laboureur de Gournay en France, mariant son fils avec la fille d'un laboureur de Blemur, près Piscop, s'engage à habiller le jeune homme ttd'ha-billemens honnestes, tant robbes, chausses, souliers, ainsi que ung fils de laboureur a aprins d'estre d, et promet de faire présent à la fiancée d'une ct saincture d'argent honneste, ainsi que l'on a acoustumé de bailler à une fille de laboureur n. De son côté le père de la future donne à sa fille des terres à Domont, ainsi qu'un cheval de quinze écus, une robe de drap noir, doublée de demi-ostade, un corset de drap rouge, doublé de doublure blanche, avec un demi-muid de blé et un demi-muid d'avoine (n° 2171). Lors du mariage de la fille d'un marchand de meubles de la Ferté-Arnoul, qui apporta i,500 livres de dot, sans compter un trousseau honnête, son beau-père non seulement promit d'habiller son fils, ft d'habillemens etves-tures qu'il luy convient avoir pour, la solempnité dudict mariage t, mais encore de ttbailler à la future bagues etjoiaulx, comme appartient, comme à une fille de bonne maison -n, s'engagea également à supporter celés fraiz des nopces et bancquetz qu'il conviendra faire audict mariage, comme il sera advisé par les plus proches parens d'une part et d'autre, et si prendront les futurs mariez les dons qui leur seront faictz en eslreines audict mariage n (n° 5280). Cette expressions/e d'honneste maison se retrouve dans
le contrat de mariage d'un menuisier de Charly-sur-Marne.avec la belle-fille d'un marchand boucher de la même localité ; les beaux parents s'obligèrent à payer la moitié du banquet des noces, à habiller la future cc d'honnestes habitz, selon que à son estat appartient » et à lui fournir les meubles et ustensiles, cc que l'on a accoustumé bailler à fille d'honneste maison n (n° 5194). - '
TESTAMENTS.
Le nombre des testaments insinués au Châtelet n'est pas à beaucoup près aussi considérable que celui des contrats de mariage, et en général leur intérêt est bien moindre, parce que l'on donne rarement la teneur complète de l'acte et que l'on se borne à reproduire des extraits relatifs à des donations. Sur 5382 numéros que comprend notre volume, on ne compte que 65 testaments, pour la plupart d'individus assez obscurs; les gens un peu marquants dont les dernières dispositions se trouvent enregistrées au greffe du Châtelet forment l'exception, l'énumération n'en sera pas bien longue, en voici la suite par ordre chronologique :
i° Geneviève de Quatre Livres, femme de Michel Péan, maître dés Eaux et Forêts de Bray-sur-Seine, qui légua aux pauvres veuves honteuses et orphelins -i o o livres tournois., et pareille somme aux pauvres filles à marier, h janvier 1510 (n° 37).
20 Charles de More, seigneur de la Motte d'Ormeaux, simple extrait pour un legs de i o livres de rente viagère à son serviteur, 10 juillet 1 5-i o (n° 357).
3° Sidonie de Cyvrieu, femme de Charles du Plessis, maître d'hôtel du Roi, dont le testament du 7 août 1531 est annexé au contrat de mariage de Jean du Plessis et de Renée de Theligny, 3 août 1542 (n° 906).
4° Yvonne Malyneau, veuve de Guillaume Le Riche,.écuyer, seigneur de Dormans, qui laissa à son fils aîné ses biens meubles et ses droits sur une maison, rue Saint-Honoré, cc pour estre quitte de certaines grandes sommes de deniers par elle prinses et receues n, qui appartenaient à son fils, comme héritier principal de son père; elle lègue à sa fille 20, écus d'or, 1-t décembre 1543 (n° 1 576).
5° Claude de Clermont, seigneur de Dampierre, lieutenant du Roi à Ardres, qui confirme les dispositions contenues dans son contrat de mariage avec Jeanne de Vivonne, 11 septembre 1565 (n° 1980).
6° Denise de Poncher, femme d'Adrien de Laulnay, notaire et secrétaire du Roi, qui lègue à son petit-fils, ses droits sur la maison qu'elle habite, rue des Bourdonnais, 25 juin 1546 (n° 2169).
90 Francisque de Vicomercato, médecin du Roi, dont le testament est inséré dans Aine donation faite par Jéx;ôme de Beaquis, trésorier du cardinal de Lorraine, l'un de ses héritiers pour ses biens de France, 20 juin 1546 (n° 2330).
8° Louise Raguier, femme dé Jean Briçonnet, président en la Chambre des Comptes, extrait de ses dispositions testamentaires concernant l'hôpital des Enfants--Rouges, en date du 27 septembre 1539, inséré dans une donation de son mari-, du icr mars '15.-Î-* (n° 3064).
90 Robert dé Fresnoy, gentilhomme de l'Hôtel du Roi, seigneur dc Fresnoy et d'AmblainVilliers, dont les dernières volontés offrent un certain intérêt, en raison des complications soulevées par l'existence de nombreux enfants de ses deux femmes, Madeleine de Villiers de l'Isle-Adam et Françoise de Boves, entre lesquels il répartit ses seigneuries; le testateur déclare notamment te qu'il avoyt mis trois filles du premier lit en religion à grands fraizr>, 16 mars 1552 (n° 4620).
100 Jeanne Tuleu, veuve de Jacques Doulcet, conseiller au Parlement. Son testament mérite de retenir l'attention par les détails curieux qu'il renferme. La testatrice fait élection de sépulture dans la chapelle de Braque où son mari et plusieurs de ses enfants avaient été inhumés, et lui laisse un parement d'autel dont le dessus était de velours noir et le bas de camelot violet, elle donne également l'une de ses robes de camelot cramoisi violet de soie, «pour en vestir et abiller la représentation de la glorieuse Vierge Marie estant en l'église de Parfondeval, près Mortagne au Percher. Déplus elle lègue 1,000 livres tournois aux enfants de Jeanne Doulcet, sa fille, mariée à Jacques Le Hardi, commissaire examinateur au Châtelet, et pareille somme à ceux de Marie Doulcet, son autre fille, veuve de Claude Bataille, élu de Meaux, 15 août 1553 (n° 5002).
110 Mathurin Vaillant, conseiller au Parlement, qui partagea ses biens
entre Jacques Violle, seigneur d'Aigremont, conseiller au Parlement, son ami, àpour la conversation mutuelle qu'ilz ont eu ensemble depuis quatre ans t>, et Jean Escoreol, le jeune, son beau-frère, également conseiller au Parlement, pour l'amitié fraternelle qu'il lui avait toujours portée, auquel il légua sa librairie, 30 septembre 1553 (n° 5070).
120 Thierry du Mont, maître des Requêtes de l'Hôtel, seigneur d'Acy, dont le testament se distingue par l'originalité de ses dispositions et du style. Indépendamment d'un legs de six setiers de blé, de trois demi-queues de vin, de 300 fagots et de 20 livres parisis, en faveur de son père nourricier, pour sa subsistance, il laissa 600 livres tournois de rente aux enfants, de l'hopital de la Trinité, pour être exclusivement appliqués cc à l'entretenement des métiers n. Jérôme de Vaucorbel, son cousin, reçut 200 livres tournois de rente, avec l'usufruit de la moitié du château d'Acyren-Multien et du jardin y attenant, sut illi spatiari liceal, par toutes les clostures à sa volonté n. 11 légua aux habitants du village d'Acy 20 livres tournois de rente foncière, cc à la charge qu'ilz se obligeront de entretenir le pavé des chemins -n; de plus, il donna à M. de Froideval, son précepteur, la coupe dorée couverte, où il buvait habituellement, avec 2 pièces de vin d'Ay, cc renduz en sa cave, quolannis, quantum vixerit, enfin à certain Lirot, 50 écus, «pour luy ayder aux frais qu'il luy conviendra faire, quando promovebitur ad sacrum presbyleratus ordinemn (n° 5229).
130 Nicole de Perdriel, veuve de Pierre de Bery, seigneur de Saleux, étant tombée malade à Paris, y fit son testament, demandant, dans le cas où elle viendrait à y décéder, à être inhumée dans l'église des Cordeliers, où son corps serait porté par quatre pauvres femmes veuves, qui recevraient chacune 20 sols tournois, et précédé par un homme d'église tenant un cierge allumé de 3 livres, mais sans aucune pompe ni grande solennité. La testatrice manifesta le vteu qu'un homme d'église fit pour elle deux pèlerinages depuis Saleux, près d'Amiens, l'un jusqu'à Saint-Claude en Franche-Comté, l'autre jusqu'à Saint-Nicolas-du-Port en Lorraine, en célébrant, chaque jour du voyage, une messe basse, elle chargea également un homme lay d'un double pèlerinage, l'un à Notre-Dame de Bou-logne-sùr-Mer, l'autre à Notre-Dame-de-Lorette à Abbeville, ce dernier en chemise et pieds nus depuis les faubourgs d'Abbeville jusqu'à cette église.
Nicole de Perdriel légua à François Rivière, son fils, une coupe d'argent, à Madeleine de Bery, religieuse au couvent des Soeurs grises de Grand-villiers, 15 livres tournois de pension viagère pour ses menues dépenses, et le reste de ses biens à Charlotte de Bery, sa fille, mariée à Antoine de Boileau, écuyer, 28 novembre 1558 (n° 5260).
iZt° Adrien de la Voue, prieur de Saint-Sauveur, se trouvant malade à Paris, dans la maison du docteur en médecine Zolin, rue des Anglais, y arrête ses dernières dispositions; il fait élection de sépulture dans l'église des Carmes, ou dans celle de Saint-Sauveur, s'il décédait à une journée dudit lieu. Après l'acquit de divers legs, le surplus de ses biens meubles et revenus devait être employé te tant à l'édifice par ledict testateur encom-mencé à faire faire des chaises du coeur dudict Saint-Saulveur, que en aulmosnesir, 7 août 1558 (n° 5338).
La plupart des testaments insinués au greffe du Châtelet émanent de marchands, bourgeois de Paris, de leurs femmes ou veuves, d'avocats, de procureurs au Parlement, de chirurgiens jurés et barbiers, de sergent au Châtelet, d'écoliers de l'Université de Paris. Parmi les testaments de marchands, on peut mentionner celui de Guillaume Pechelet, ceinturier et ferreur de coffres d'ivoire, qui laisse à sa chambrière sa maison de la rue Saint-Martin, sa robe de drap de Carcassonne, fourrée de penne noire, avec le meilleur de ses lits; il lègue à Vincent Le Rasle, «ung sien bon amy il, la meilleure de ses robes noires, à Jean Le Goix, neveu de sa femme, apprenti serrurier, sa robe fourrée de tous les jours, 20 janvier 15-ii (n° 271). '.
Il est intéressant de passer en revue l'expression des dernières volontés de quelques bourgeoises de Paris. En premier lieu nous citerons la veuve d'un praticien en cour laie, qui élit sa* sépulture au cimetière des Innocents, cc au plus près que ce pourra faire près la Tour de la Belle Ymaige, estant jouxte le millieu du cymetiere*; elle devait j ouir d'une belle aisance, attendu qu'elle lègue à ses cousines ses petits et gros signeaux d'or, afin «qu'elles prient Dieu pour sa paouvre amen, à une autre cousine, sa troussoire d'or, à son filleul, 10 écus d'or, pour l'aider à passer maître de son métier ou à se marier, à chacune de ses chambrières 100 sols tour-
nois, et à ses exécuteurs testamentaires une robe et chaperon de fin drap noir, avec un bonnet pour porter son deuil, 6 février 15-12 (n° 616). Une autre, Perrette Cahiere, femme d'un maître pâtissier de Paris, cc fort caducque, ancienne et maladifve», n'ayant que des parents éloignés, fit donation par son testament de tous ses biens, meubles et immeubles, à Guillemette Waconsains, qui demeurait dans sa maison, en reconnaissance de ses bons et agréables services, pour aider k à la marier et à supporter le faix dudit mariages, et comme certains de ses parents rtloingtainsii pourraient venir pour appréhender sa succession, la testatrice stipula qu'on , remettrait à chacun d'eux i o livres tournois pour les frais de leur voyage, «en les priant de ne faire aucun empeschement, ne destourbier à son testament-, 11 février 1550((n° 33-19). Une troisième bourgeoise, femme d'un sergent à verge du Châtelet, aux termes de son testament du 7 septembre 1550, choisit sa sépulture au cimetière des Innocents, devant et à l'opposite de l'Image Notre-Dame; elle distribua entre ses nièces ses robes, à l'une, une robe de drap noir, doublée de demi ostade, à une autre, une robe de drap violet, fourrée de penne noire, à une troisième, une robe de drap violet'à queue, doublée de demi-ostade, et à chacune d'elles une demi-douzaine de chemises; elle donna à son ancienne chambrière une robe ronde de drap tanné; au serviteur de son mari, un manteau de drap noir, valant 100 sols tournois'pour remplacer celui qu'il avait perdu; à la femme d'un maître barbier une petite bague d'or, dans laquelle se trouvait enchâssée une petite cornaline, pour pendre au cou de son enfant. Enfin elle légua tous ses biens à Robert Sordeau, clerc de Louis Allegrain, conseiller au Parlement, cr pour la bonne amour -n qu'elle lui portait et en raison de ses bons et agréables services (n° 3564).
Ceux qui voulaient faire profession religieuse se considéraient comme morts civilement, et comme preuve de renoncement au monde, disposaient souvent de leurs biens en faveur de leurs proches, c'est dans cet esprit qu'un jeune homme de dix-sept ans, Julien Laffilé, fils de feu Nicolas Laffilé, docteur régent.en la Faculté de médecine, laissa tous ses biens à sa mère, à sa soeur et à son frère, rrà cause du bon voulloir et intention qu'il avoit de soy aller rendre de brief religieulx Célestin en la religion et monastère des Celestins de Marcoussis, y demourer et y finer
xliv INTRODUCTION.
ses jours d, 13 mars 15112 (n° 1970).'Un autre religieux, novice en l'abbaye de Saint-Denis, Etienne de Cotteblanche, ayant le «vouloir et d'ésir de vivre et user ses jours audict couvent de Saint-Denis et y faire profession v, légua tous ses biens à son frère aîné, à charge par lui dc supporter « les frais qu'il conviendra faire quant il chantera sa première messe n, 31 mars 1550~(n° 3823).
Les registres des Insinuations nous fournissent quelques exemples assez rares, il est vrai, de dispositions testamentaires prises par des étudiants de l'Université de Paris, deux d'entre euxmariés. Le premier de ces écoliers, Jean Basselin, légua à son beau-père, boulanger à Paris, sa part d'une maison près de la porte Saint-Martin, en reconnaissance de ce qu'il l'avait tr nourry et entretenu aux escolles^, 8 octobre 15 Zi A (n° 1763). Un autre, étudiant de la Faculté de médecine, logé à l'hôtel de Langres, rue Saint-Jacques, avait légué ses biens à Arnaud de Pobla, probablement un ami, demeurant clans le même hôtel, celui-ci en fit donation à Joachine Brehier, veuve de cet étudiant, qui était enceinte, mais dans le cas seulement où l'enfant posthume ne vivrait point, 29 septembre 1552 (n° 460). Un troisième étudiant, âgé de vingt ans, originaire de Rouen, légua à son précepteur et pédagogue, pour le remercier de ses bons soins et tenir les engagements pris par son père défunt, 1 20 escus d'or, et laissa aux pauvres écoliers, étudiant à Paris, ses livres, habillements et hardes, qui seraient distribués par les soins de son précepteur, tr ainsi qu'il verra l'aulmosne estre bien employées, 21 août 1559 (n° 5357).
Par deux testaments, le premier du 11 mai 15-16, le second du 2 6 janvier 1 5-i 8, une fille dévote, demeurant rue Grenier-sur-l'Eau, assura 2 5 o livres tournois de rente à un marchand de la rue Saint-Denis et à sa femme, qui avaient pourvu à sa subsistance et lui avaient prêté de l'argent à diverses reprises, à charge de l'entretenir sa vie durant, ccdehoyre, menger, feu, giste, lumyère, logis, vestemens, et aussi nourrir les servant et servante qu'elle vouldra et luy seront neccessaires pour la conduicte de sa 'personne.. (n03 2053, 2631).
Entre autres testaments, qui, à divers points de vue, peuvent encore frapper l'attention, il y a lieu de signaler celui de Nicole Dampjan, seigneur de Moisselles, chirurgien juré à Paris, demeurant rue Saint-Paul, près
de l'église, qui exprima le désir d'être inhumé sous les charniers du cimetière de Saint-Paul, n de nuict, sans faire aucune semonce de ses parens ne autres n, avec deux torches pour conduire la croix; il institua pour son légataire universel Pierre Bouraynes, prêtre, bachelier en théologie au collège de Sorbonne, qui, le 26 mars 1551, donna en usufruit à Marguerite d'Ailly, veuve du testateur, et en propriété à ses trois enfants,. tout ce que ledit Dampjan lui avaitlégué, 23 mai 1548 (nos3762, 3763).
Ge n'est pas le seul exemple d'obsèques faites de nuit, en quelque sorte clandestinement; Jean Le Tourneur, avocat en Parlement, domicilié près de la Tournelle, déclara par son testament qu'il voulait être inhumé sans aucune pompe funèbre, crains à six heures du soir, avecques une lanterne, au lieu où il plairoit à ses exécuteurs n, tenant avant tout à u il petit service dans l'église de Bourg-la-Reine, à l'issue duquel on devait aumôner «ung muy de blé en miches et ung muy de vin» (n° 4745).
Jean de Castignac, premier huissier de la chancellerie de France, loin d'affecter pour le lieu de sa sépulture un pareil dédain, demanda expressément qu'on l'inhumât dans l'église de Saint-Eustache, à côté du chauflecire Choppin, probablement en raison de vieilles relations d'amitié; il légua tous ses biens à Michelle Fromager, veuve" de Claude Choppin, n cn rémunération de ce que ladicte veufve Choppin avoit nourry et logé le testateur et sa femme en son logis par l'espace de six moys, et des bons et agréables services et plaisirs à luy faictz, comme plusieurs deniers par icelle veufve fourniz et prestez à luy et à sadicte femme, à diverses foys, jusques à huy n. Il fit don d'un écu à une pauvre fille pour aider à son entretien, et 20 sols tournois aux enfants de la Trinité, pour bénéficier de leurs prières, 26 septembre, 5 octobre 1551 (n05 3954, 3968).
Les testaments de prêtres ou de personnes ayant quelques liens avec le clergé sont peu nombreux. -
Simon Manche, prêtre, clerc de l'oeuvre de Saint-Paul, par son testament du 25 décembre 155 2, légua son calice d'argent à l'oeuvre et fabrique de cette église, où il fit élection de sépulture, donna à son serviteur, pat-bonne amitié, pour l'aider à vivre, son droit d'écolage à la paroisse Saint-Paul, au porte-Dieu de la meme église sa robe de sort brun fourrée, au
chapelain de la chapelle Hennequin sa rohe noire de tous les jours, aux pauvres dela paroisse 6 livres tournois, et tous ses biens à sa mère.
Guillaume Le Faulcheur, maître des Enfants Trouvés de l'église de Paris, habitant au Port-1'Evèque, dans la maison de ces enfants, légua tous ses biens à Guillaume Garlette, prêtre, trésorier de l'église Notre-Dame, k son très cher ami «, à l'exclusion de tous ses parents, qui ne reçurent que des sommes minimes, il donna 2 écus d'or à son exécuteur testamentaire, cc pour ayder à tailler son fils n, et 22 sols à l'église Sainl-Christophe,pour les parements de l'église, 17 mai 1553, 29 mars 1556 (n°s4665, 49M).
Les testaments des laboureurs ont un caractère suigeneris, ils trahissent involontairement les préoccupations dominantes chez les gens des champs, qui tiennent d'autant plus à leur petit avoir qu'ils l'ont amassé lentement et péniblement.
Geoffroy. Loiseau, laboureur à Pagny, près Rambouillet, obéit à ce sentiment, lorsqu'il lègue à sa femme la totalité de ses biens, pour la dédommager de l'aliénation de quantité de ses meubles et la récompenser des agrans peines et travaulx qu'elle a soufferts et endurés à ayder à faire partie de ses acquisitions d'héritages «. Ce laboureur, en insérant dans son testament une marque de libéralité à l'égard de l'église et du cimetière de sa paroisse, par le don du terrain nécessaire pour leur agrandissement, pris sur l'une de ses pièces de terre, a spin néanmoins de réserver les arbres coupés qui resteront la propriété de sa femme (n° 4707). La veuve d'un laboureur de Paris donne à sa nièce mariée son jeu de paume, à l'enseigne des Rois, rue du Mûrier, en reconnaissance des bons traitements qu'elle a reçus et reçoit journellement, 1 o novembre 1551 (n° 4932). Une autre veuve, habitant à Nanterre, cc désirant participer aux prières des bons et catolicques Chrestiens, qui ont accoustumé estre faictes aux prosnes des églises n, laissa 22 deniers parisis à l'église Saint-Maurice età la chapelle de Sainte-Geneviève, 2 août 1558 (n° 5074).
Un ancien receveur de la seigneurie d'Epagny et autres fiefs appartenant à Antoine de La Vernade, exprima de k manière la plus touchante dans son testament tout ce dont il était redevable à cc son bon maistre et seigneur».
N'ayant aucun héritier et voulant reconnaître les bienfaits dont il avait été comblé par Madeleine d'Estournel, veuve d'Antoine de La Vernade, «sa bonne maîtresse n, il lui légua ses biens, laissant à sa femme Jacqueline tous ses meubles et la moitié de ses acquêts. Le testateur déclare qu'il avait un frère absent depuis 15 ou 16 ans, qu'ils possédaient en commun une maison à Paris, rue de la Mortellerie, au coin d'une ruelle aboutissant à la rue des Nonnains-d'Yerres, et entend, dans le cas où ce frère reviendrait, qu'il prenne possession de là maison. L'ancien receveur d'Epagny charge la dame d'Estournel de faire ses obsèques et funérailles et de donner une douzaine de pains aux pauvres de la paroisse d'Epagny, se recommandant à ses bonnes prières et dévotions, celuy recommandant aussy sa pauvre femme, luy suppliant la voulloir retirer avec elle n, enfin, pour ne ct donner aucune peine ne fâcherie à ladicte damoiselle -n, il désigne comme exécuteurs testamentaires tr deux bons et feaulx amys n, 1 "septembre 1553 (n° -1935).
Les développements que nous venons de consacrer aux principales catégories .d'actes contenus dans les registres des Insinuations permettront de se rendre compte de l'intérêt exceptionnel qui s'attache à cette précieuse collection, intérêt qui va toujours croissant, à mesure que l'on s'avance dans le xvie siècle, et montreront tout le profit que pourront retirer de l'étude de ces contrats les travailleurs qui s'intéressent à l'histoire de Paris, de ses rues, de ses maisons, de ses vieilles familles et de sa vie même au xvic siècle.
Ce nouveau volume qui vient prendre place dans la série de l'Histoire générale de Paris, le quinzième de ceux que nous avons donnés dans les publications faites sous les auspices de la Ville de Paris, coïncide avec le départ du chef du service des travaux historiques de la Ville, M. Paul Le Vayer, qui, depuis vingt-deux ans, a suivi avec une véritable sollicitude et constamment encouragé nos travaux. Qu'il nous soit permis de lui adresser ici l'expression de notre vive gratitude et de tous nos regrets.
Alexandre TUETEY. Murs 1906.