Les Bourdelin, une famille d’exception

Nous avons laissé la maison de la rue de Seine aux mains de Claude Bourdelin qui en était devenu propriétaire, le 25 mars 1664.

Mais qui était ce personnage ?

Claude Bourdelin était né en 1621 à Villefranche-de-Beaujolais, dans une famille de commerçants. Devenu orphelin très jeune, il arriva à Paris en 1626 avec son tuteur qui était au service de Gaston d’Orléans. Il grandit donc dans le magnifique palais du Luxembourg. C’était un jeune homme fort studieux qui avait, dit-on, appris seul le latin et le grec afin d’exercer plus tard la pharmacie et la chimie1. Ses qualités furent, sans aucun doute, appréciées à leur juste valeur puisqu’il exerça, pendant une vingtaine d’années et par semestre, la charge d’aide apothicaire « du corps et du commun de Monsieur » et d’apothicaire de son écurie2. Pendant deux décennies, il mit donc toute sa science au service du duc d’Orléans … et de ses chevaux.

Cette vie tranquille, toute consacrée à ses travaux, bascula lorsque Gaston d'Orléans s’engagea, en 1651, dans la Fronde des Princes, tantôt faisant figure de médiateur, tantôt s’élevant contre Mazarin. Tant de désordre n’était pas pour plaire à notre ami. Il s’inquiéta tant qu’il décida d’aller exercer ses talents dans l'hôtel de Liancourt, rue de Seine3.

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Blaise Pascal

e duc de Liancourt venait de faire édifier ce magnifique hôtel qui prit plus tard le nom de La Rochefoucauld. La maîtresse des lieux, Jeanne de Schomberg, y tenait un salon qui rivalisait avec celui de madame de Rambouillet. Très pieuse, elle s’était engagée dans le jansénisme et recevait Blaise Pascal qui se montrait un hôte assidu. Lorsqu’en 1655, le vicaire de la paroisse de Saint Sulpice, M. Picoté, refusa l’absolution au duc de Liancourt sous prétexte de jansénisme (il avait chez lui un ecclésiastique de Port-Royal et sa petite fille était pensionnaire de ce monastère), le désarroi fut grand à l’hôtel de Liancourt4. Arnauld protesta par une Lettre à une personne de condition, suivie d’une Seconde lettre à un duc et pair. Pascal publia peu après Les Provinciales. Le scandale fut énorme. Les Liancourt durent fuir Paris et s’installer dans leur château, près de Senlis. La malchance poursuivait décidément Bourdelin mais, fidèle à ses amis, il les accompagna.

Certes, l’exil était doré dans cette luxueuse résidence du Beauvaisis, cependant fioles et cornues manquaient à notre ami qui fut gagné par l’ennui, malgré tout ce qu’une aussi belle compagnie pouvait lui offrir. Aussi quand un jour de 1659, béni des dieux à ses yeux, il rencontra l'illustre médecin Chicot qu'il connaissait bien pour l’avoir souvent rencontré autrefois en l'hôtel de Liancourt, rue de Seine, ce fut pour lui un plaisir immense. Ce dernier l’invita à le rejoindre à Senlis. Trop heureux de retrouver son vieil ami, il obtempéra facilement et s'y installa sans tarder. Il acheta même une officine5.

Une ville de province ne voit pas l’arrivée d’un nouveau venu avec indifférence, surtout s’il est, de surcroît, célibataire. La bonne société de Senlis se mit en quatre pour faire rencontrer à cet homme de quarante ans une “bonne personne” afin de le marier. Elle lui choisit Madeleine de La Mothe, de vingt-deux ans sa cadette. Comme elle était veuve, sans enfant, de l’apothicaire Noël Perle, tout était réuni pour que le projet réussisse. Aussi les noces furent célébrées à Senlis le 13 février 16626. Le premier enfant se fit attendre cinq longues années puisque Claude II ne vit le jour à Senlis qu'en 1667. Il sera, par contre, suivi de près par François, l’année suivante.

Cependant Gaston d’Orléans était mort en 1660 et Bourdin avait fait transférer sa charge à la maison de Philippe d’Orléans. Tout en laissant sa femme à Senlis, il reprit donc régulièrement le chemin de l’hôtel de Liancourt, rue de Seine, où il avait rouvert son apothicairerie7. Il acheta à la même époque, la charge d’apothicaire distillateur de la reine Marie-Thérèse. Peu à peu, sa clientèle devint de plus en plus abondante et argentée si on en juge par les innombrables rentes et les biens immobiliers qu’il a laissés à ses héritiers.

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Madame de Sévigné

e duc de La Rochefoucauld, l’auteur des Maximes, dont le fils avait épousé Jeanne Charlotte du Plessis, petite fille de la duchesse de Liancourt, accueillait en l’hôtel de Liancourt, devenu l’hôtel de La Rochefoucauld, les personnages les plus éminents. Aussi sa no éminents. Madame de Sévigné y venait souvent visiter son ami le duc, Madame de Lafayette s’y rendait en voisine, Molière venait y lire ses comédies. En étant si proche de tout ce beau monde, Bourdelin acquit un certain renom. La qualité de ses remèdes, son rejet de la saignée, son honnêteté firent le reste. De grandes responsabilités l’attendaient.

Il appréciait beaucoup, semble-t-il, ce quartier de Saint Germain des Prés. Lorsqu’en 1664 il eut l’opportunité d’acquérir la maison qui nous occupe, il ne laissa pas passer l’occasion et s’empressa, nous l'avons vu, de signer le contrat de vente sous l’égide de Me Bourin.

La maison avait alors un peu changé. Elle consistait, nous dit l’acte, « en deux corps de logis l’un sur le devant et l’autre sur le derrière, cour au milieu, deux boutiques sur ladite rue de Seine, caves, trois éstages les uns sur les autres, grenier dessus, lieux d’aysances et appartenances d’ycelle ». Heureuse coïncidence, le propriétaire de la maison de droite était Louis Gayant, médecin du Roi, futur membre de l’Académie des Sciences, comme lui. Claude Bourdelin allait bientôt pouvoir profiter de son nouveau logis puisque le bail fait aux époux Dallemaigne s’achevait dans cinq mois.

Il installa son apothicairerie8 dans sa nouvelle demeure et se partagea entre Paris et Senlis. Sa femme vint ensuite le rejoindre après la naissance de leur deuxième enfant, en 1668.

Peu à peu, Claude Bourdelin devenait une célébrité dans le monde scientifique. Il travaillait avec des collègues parisiens et entretenait des relations épistolaires avec des apothicaires provinciaux comme le périgourdin Jean Brun9.

Beaucoup de savants se réunissaient régulièrement chez M. de Montmort, conseiller d’État. Claude Bourdelin était l’un d’entre eux. Lorsqu’en 1666, Colbert eut le projet de fonder l’Académie Royale des Sciences, il demanda un mémoire de tous les hommes qui s’assemblaient chez cet érudit. Parmi les premiers noms, furent entre autres cités Huygens, Roberval, Auzout, Gayant et …. Bourdelin. Colbert proposa alors à ce dernier d’entrer comme chimiste en la toute nouvelle Académie10. Il eut l’honneur d’en être le premier membre, dans sa discipline. Il se mit au travail avec passion et acharnement puisque’au cours de sa charge, il présenta à ses éminents collègues plus de deux mille analyses dont ses contemporains ont dit leur émerveillement. Parmi ses travaux, on peut citer les analyses des eaux du royaume qu’il fit avec Duclos, ses nombreuses expériences sur des mélanges de plantes avec du sang et de la bile d’animaux11. Il tenait scrupuleusement les comptes du laboratoire de l’Académie dont il se faisait régulièrement rembourser les dépenses et recevait une pension annuelle de 1500 livres.

Objet de tant d’honneurs, il n’oubliait pas d’être un père attentif à ses deux enfants Claude et François. Il confia à son ami monsieur du Hamel, secrétaire de l’Académie des Sciences, le soin de leur éducation. Claude II, l’aîné, était un scientifique très précoce puisqu’il comprit à 18 ans l’ouvrage de Lahire sur les sections coniques et traduisit Pindare et Licophron. François, le cadet, n’avait pas les mêmes inclinations, ses goûts le portaient plutôt vers les lettres et surtout les langues étrangères, ce qui plaisait bien moins à son père pour qui pensait en faire un apothicaire.

Cependant la vie de la famille Bourdelin s'écoulait doucement, faite de travail, de voyages et d’incidents plus ou moins heureux. L’un d’eux marqua certainement son esprit et son coeur. Il est relaté par la marquise d’Uxelles dans une lettre à La Garde12. Dans la nuit du 20 décembre 1689, tout le quartier fut réveillé par une agitation extraordinaire, le feu était dans l’hôtel de La Rochefoucauld, si cher à notre ami. Voici ce qu’elle nous conte :

Je vis hier un spectacle qui me fit horreur : l'hôtel de La Rochefoucauld en est le théâtre. Le feu y prit la nuit, on ne sait comment, du côté du garde-meuble, dans l'aile à main gauche. Tout fut brûlé quant aux combles en deux heures. On a perdu beaucoup de meubles ; tout fut jeté des appartements en bas, dans la cour et dans le jardin, parce qu'on avait peur que les planchers ne tombassent, et il y eut mille personnes qui vinrent au secours et pour voler. Les Augustins firent des merveilles … L'abbé de Marsillac, Mesdemoiselles ses sœurs, passèrent la nuit un pied chaussé et l'autre nu, dans le jardin. J'ai bien peur que ce premier ne s'en trouve mal, la gelée étant à pierre fendre … M. de La Rochefoucault, averti en diligence, arriva sur les onze heures du matin que le feu commençait à s'éteindre. “ On imagine aisément l’émotion de notre ami qui affectionnait tant cet hôtel et ses habitants.

Quelques semaines après, ce furent les inondations : "Tout l'hôtel de La Rochefoucauld est délogé, persécuté par l'eau, après l'avoir été par le feu ; tout le bas étage est un étang. L'eau est dans notre rue jusque chez M…., écrit Madame de Sévigné à sa fille, le 12 février 169013.

Tous ces petits désagréments n’empêchèrent pas Bourdelin d’acquérir le 4 février 169014, la maison du 22 rue Mazarine . Il allait bientôt l’offrir en cadeau de mariage à son fils aîné.

En , Claude avait atteint ses 70 ans. Le grand âge a aussi ses joies. C’est ainsi qu’il vit son fils Claude II devenir docteur en médecine de la Faculté de Paris et s’unir à Françoise Claire Mercier. Elle était fille de Louis Mercier, bourgeois de Paris, et de Geneviève Guidé. On vint nombreux à la signature du contrat qui eut lieu le 19 novembre, chez les Mercier, devant Me de Savigny15. Outre ses parents, Louis Stocq, sieur de Rumilly, grand oncle, et messire de Saleux, avocat au Parlement, entouraient le futur époux. Aux côtés de la future, on trouvait son oncle, messire Pierre Mercier, procureur au Châtelet, et Louise Quignon, son épouse, ainsi que Louise Guidé, sa cousine.

Le contrat établissait la communauté de biens entre les époux. Les parents de la future apportaient en dot la coquette somme de 30 000 livres, en avancement d'hoirie. Claude et Madeleine Bourdelin n’étaient pas en reste puisque “en faveur de son mariage”, ils donnaient à leur fils la même somme sous la forme d’une rente au principal de 10 000 livres et de la maison de la rue Mazarine, estimée alors à 20 000 livres. Le contrat

comportait une clause originale concernant la séparation des maisons des rues de Seine et Mazarine. À cette époque, une balustrade de fer délimitait les deux territoires. Le contrat de mariage stipulait que “ la porte [de la balustrade] demeurerait condamnée pour n'avoir point d'entrée ny sortie d'une desdites maisons dans l'autre. Touttes fois (sic), et quand l'un des parties en requérra l'autre, au lieu de laquelle balustrade sera fait un mur à frais communs[…], lequel mur ne pourra n'estre élevé qu'à la hauteur ordinaire d'un mur de cloture”. On ne saurait être plus prudent !

Signatures du mariage de Françoise Claire Mercier et Claude II




Un an plus tard, toute la famille habitait encore rue de Seine, en attendant la fin du bail fait au sieur Hardy et à sa femme qui occupaient la maison de la rue Mazarine. Notre apothicaire devint bientôt grand-père puisqu'un garçon naquit le 18 octobre 1696. On le prénomma Louis Claude et son destin sera exceptionnel, comme on le verra plus loin.

Malheureusement, un soir d’automne de 1699, notre ami, qui avait maintenant 78 ans, prit froid en revenant de sa promenade quotidienne. Il s’alita et reçu la mort avec toute la fermeté d’un homme de bien16. On était le 15 octobre 1699, il avait, le 2 septembre précédent, lu et démontré à ses collègues son analyse sur la dilatation du sang.

Le 18 novembre suivant, Fontenelle prononça à son sujet un fort bel éloge à l’Académie des Sciences17 réunie en assemblée. Par l’intermédiaire de l’abbé Bignon, trois noms furent proposés au roi pour son remplacement. Une semaine après, la réponse parvint. Le prestigieux Lemery fut désigné pour le remplacer18.





Nomination de M. Lemery en remplacement de Claude Bourdelin

La deuxième génération


Après la mort de Claude I, sa veuve Madeleine, continua à habiter rue de Seine. Elle en était propriétaire pour moitié « à cause de la communauté de biens qui avait été entre elle et son mari ». Les deux frères logeaient dans la maison de la rue Mazarine que Claude II avait fait rebâtir, au moins en partie entre 1693 et 170219.

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Nomination de Lemery à l’Académie des Sciences pour succéder à ClaudeBourdelin

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édecin très compétent, il avait acquis une réputation de désintéressement en soignant aussi bien les pauvres que les riches. Lorsque la paix de Ryswick fut signée en septembre 1697, il en profita pour aller en Angleterre rencontrer des savants
20. La récompense de son voyage fut une place à la Société Royale de Londres. En 1699, l’année de la mort de son père, il entra à l’Académie des Sciences comme anatomiste. En 1703, il acheta la charge de médecin ordinaire de la duchesse de Bourgogne. Bourdelot, son premier médecin, étant mort en 1708, « cette princesse proposa elle-même M. Bourdelin au Roy, pour une si importante place, et obtint aussitôt son agrément ». Il devenait donc le premier médecin de la Dauphine, de celle que Louis XIV aimait tant.

Quelles émotions s’emparèrent de lui lors de sa prestation de serment ? Fut-il ému, fier, accablé par la peur des responsabilités qui allaient lui incomber ? Le cérémonial était impressionnant : la première femme de chambre présenta aux pieds de la Dauphine un « carreau de velours » sur lequel Bourdelin se mit à genoux. Le secrétaire des commandements prononça alors les paroles du serment :  »Vous jurez et promettez à Dieu de bien et fidèlement servir Madame la Duchesse de Bourgogne en l’estat et charge de son

premier médecin dont le Roy vous a pourvu … »

Les honoraires qu’il reçut à partir de ce jour furent à la hauteur de ses hautes responsabilités, près de 5400 livres par an21. Il y avait cependant un revers à cette belle médaille : sa charge l'obligeait à rejoindre la cour à Versailles, donc à quitter la rue Mazarine. On raconte que “quand il partit, ce fut une affliction et une désolation générales de tout le petit peuple de son quartier” et “qu’un jour comme il passait dans une rue à Versailles quelques gens du peuple dirent entre eux : "ce n’est pas un médecin, c’est le

Messie »22.”


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Après la disparition de leur mère, les deux frères, Claude et François, signèrent, en 1707, une convention de partage dont ils excluaient la maison de la rue de Seine qu’ils louèrent au sieur Pradinac, apothicaire, puisque aucun d'entre eux n'habitait alors à Paris23. Claude II était près la cour et François résidait au Danemark. Cependant, trois ans plus tard, Claude II racheta, pour 10 000 L24., sa part à son frère qui de son côté avait besoin d’argent pour acheter un domaine. Ainsi les deux maisons furent à nouveau réunies en une seule main.

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our accomplir tous les devoirs de sa charge à Versailles, Claude II prenait beaucoup de café pour “s’empêcher de dormir” et que, pour rattraper le sommeil qui lui manquait, il s’adonnait à l’opium. “Enfin après être tombé par degrés dans une grande exténuation“, il mourut à Versailles“d’hydropisie de poitrine” le 20 avril 1711.


Comme pour son père, c’est Fontenelle qui prononça son éloge à l’Académie25. Il laissait un fils aîné de quatorze ans, Louis Claude, un cadet Henry François, âgé de deux ans, ainsi qu'une veuve dont on ne sait si elle mérite le qualificatif d'éplorée. En effet, elle ne tarda pas à épouser un beau militaire qui dissipera toute sa fortune.


François Bourdelin n’avait pas embrassé une carrière scientifique comme son frère. Il témoignait, au grand désespoir de son père, une extrême répugnance pour les sciences qui faisaient les délices de tout le reste de la maisonnée. Il préférait les langues et les lettres. C’était un goût dont son père avait été un révélateur bien involontaire. En effet, pour encourager ses enfants au travail, il avait pris l'habitude de les emmener avec lui dans ses voyages à l’étranger. Il demandait au cadet de consigner dans un journal ce qu'il avait vu de singulier. François en profitait pour étudier la langue et se constituait une sorte de dictionnaire. Les voyages finirent, mais le goût des langues s’accrut si bien que tandis qu’on le croyait tout à ses études de droit, il apprit l’anglais, l’allemand, l’italien, l’espagnol et même quelques rudiments d’arabe.

Parvenu à l’âge adulte, François Bourdelin avait une taille mince et déliée. Sa voix était douce et faible, son visage pâle. Ajoutez à cela un certain air inquiet. Un homme d’esprit de ses amis disait de lui qu’il ressemblait à une âme en peine. Cependant il ajoutait que c’était une âme heureuse et tranquille. Ces qualificatifs ne furent peut-être pas appropriés lorsqu’il désira tant accompagner comme secrétaire d’ambassade, M. de Bonrepos, nommé ambassadeur au Danemark. La difficulté était d’obtenir l’autorisation de son père. M. Racine et M. Duhamel se chargèrent de la demande. Ils firent si bien que le père y consentit !

Il partit donc à Copenhague, mais sa santé délicate ne lui permit pas d'y rester. Au bout de 18 mois, il rentra à Paris avec une extinction de voix presque totale et une pâleur mortelle. Son père lui acheta alors une charge de conseiller au Châtelet. Il remplit les vides de cette douce magistrature par des conférences sur les belles-lettres et par une étude particulière de l’Antiquité. Ce goût le conduisit à être nommé à une place d’élève à l’Académie des Inscriptions et belles Lettres.

Cependant, il avait un ami, le comte de Pontchartrain qui recevait les dépêches étrangères. Il envoyait à François celles qu’il fallait traduire et cette besogne secrète eut pour lui le charme des plaisirs défendus. Lorsque son père mourut, son occupation cessa d’être un mystère et perdit de sa magie. Son désir était d’être employé dans des négociations. Il prit la charge de gentilhomme ordinaire du roi26 parce qu’il pensait que c’était dans ce corps que l’on choisissait les envoyés dans les cours étrangères. Il comptait bien sur le crédit de

son frère auprès de Madame la Dauphine.


Brevet de gentilhomme ordinaire de François Bourdelin


Hélas, en 1711son frère mourut, la dauphine aussi, en 1712. Découragé, il prit alors le double parti de se marier et d’acheter une terre près de Paris. L’heureuse élue était Anne Françoise Brion dont il aura un garçon, Albert François. Quant à la terre, nous n'avons pas découvert où elle se situait, mais c'est peut-être à Rumilly puisqu'il prit le nom de Bourdelin de Rumilly. Cet achat lui causait une multitude de soucis et de fatigues. Son ancienne langueur lui revint, la fièvre s’y joignit et l’emporta en moins de trois semaines. Il mourut le 24 mai 1717, à l’âge de 49 ans27. Son fils Albert François n'avait que dix mois !

Comme il était devenu entre-temps membre de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, M. de Boze prononça son éloge28. Il laissait à cette vénérable institution la description de quelques anciens monuments et un essai de traduction du Système intellectuel de l’Univers de M. Cudworth.



La troisième génération

Louis Claude, l’aîné de Claude II, était né, rappelons-le, le 18 octobre 1696 à Paris et perdit son père alors qu’il n'avait que 14 ans. Sa mère se remaria assez vite avec Charles Hardy, “ayde de camp de l’armée du Roy et cy devant capitaine de cavalerye”. Louis Claude n’était pas heureux de quitter la rue de Seine pour s'installer avec sa mère et son beau-père, rue des Fossoyeurs. Sa nouvelle situation le rendait mal à l'aise. Un beau jour, il quitta le domicile familial pour “aller dans une pension, se livrer tout entier à l’étude des Sciences29”.

Il fut reçu docteur en médecine en 1720 alors qu’il était marié depuis un an avec Madeleine Dubois, qui était fille d’un apothicaire demeurant rue de Bussy. L’élévation sociale de la famille peut se mesurer à la qualité des personnes qui signèrent au contrat de mariage30. Ainsi Marie Anne de Bourbon, veuve d'Henry Jules de Bourbon, la princesse Marie-Thérèse, Louis Armand de Bourbon, prince de Conty, fils du Grand Conti et son épouse Louise Elisabeth de Bourbon, la princesse Louise Adélaïde de Bourbon, fille du Grand Conti, étaient là en compagnie de Son Excellence Monseigneur de Konilegg, ambassadeur à la Cour de France et dame de Cannoy, son épouse ainsi que nombre de conseillers d’état et un ancien intendant au Canada.Nous arrêterons-là la liste car la lecture en fastidieuse mais nous ne résistons pas au plaisir de citer Me Adrien Helvétius, médecin, inspecteur général des hôpitaux de Flandres et dame Geneviève d'Arnoncourt son épouse.

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a future apportait 57 000 livres en dot, ce qui n’était pas rien. Il était convenu que le sieur Dubois logerait en sa maison les futurs époux, les nourrirait et leur fournirait un laquais et une femme de chambre. Le futur n’amenait que 400 livres de rente, mais sa carrière se montrait prometteuse.

Reçu docteur en médecine le 21 octobre 1718, il fut admis en 1725 à l’Académie des Sciences, il n’avait que 29 ans. Il y communiqua deux mémoires sur les sels alcalis, puis un sur le sel volatil de succin, et enfin deux sur le sel sédatif. Ce furent les derniers, on était en 1755 et la chimie changeait avec les idées développées par Beker et de Staal. Il préféra se consacrer tout entier à l’exercice de la médecine. Entre-temps, il était devenu doyen de la Faculté de Médecine, puis professeur au Jardin du Roy31 en 1743. Il eut aussi l’honneur d’être membre des Académies de Berlin et … des curieux de la nature !

Sa carrière atteint son sommet lorsqu’en 1761, il fut nommé premier médecin de Mesdames les filles de Louis XV. Il obtint d’elle l’autorisation de continuer à exercer son art à Paris et de ce fait la Cour ne le corrompit pas : il y arriva tardivement et y allait peu.



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Brevet de premier médecin de Louis Claude Bourdelin

n 1740, avec son frère Henry François qui demeurait avec lui rue de Seine, ils décidèrent de partager les maisons de la rue de Seine et de la rue Mazarine. Dans ce dessein, ils se firent aider des conseils d’un ami, Pierre Paul Danjou qui était architecte expert. Ce dernier visita les deux maisons de fond en comble et conclut qu’elles étaient de même valeur. Le partage fut signé, devant Me de Savigny, le 30 juillet 174032. La maison de la rue de Seine échut à Henry François Bourdelin de Rumilly et celle de la rue Mazarine devint la propriété de Louis Claude Bourdelin. À nouveau, on mentionna dans l’acte le mur de séparation des deux maisons. On convint “qu’à la première réquisition de l’un d’eux, il sera construit à frais commun un mur de clôture pour séparer la cour qui règne le long d’un bâtiment en aisle, lequel tient d’un bout à une autre aisle de la maison de la maison de la rue Mazarine et de l’autre au corps de logis de derrière de la rue de Seine”. Décidément, le mur de séparation était une affaire d’importance pour les Bourdelin !


Au mois d’août 1761, une certaine dame d’Ingreville, patiente de Bourdelin, tomba malade. Son médecin, Bourdelin, était alors à Plombières “pour la santé de Mesdames. En son absence, Bouvart, son aide, fut chargé des soins à prodiguer à cette dame. Il diagnostiqua un abcès au ventre. Des chirurgiens furent appelés en consultation, Bourdelin vint les rejoindre le 1er octobre. Mais, malgré tous les remèdes prodigués, elle mourut le 25 novembre. Bourdelin et Bouvart firent opposition à la levée des scellés et déposèrent une déclaration de leurs visites : 147 visites faites dans plusieurs maladies antérieures, plus 50 visites et 20 consultations faites dans celle-ci par Bourdelin qui facturait 6 livres ses visites et 12 livres ses consultations. À cela, s’ajoutaient les 120 visites et 30 consultations faites par Bouvart, qui, il est vrai, étaient facturées à la moitié. Les héritiers attaquèrent la facture qui se montait à près de 2 000 livres ! N’ayant pu présenter le journal de leurs consultations parce qu’ils n’en tenaient point, se contentant de marquer par une barre ou un point chacune d’elles, une sentence du Châtelet du 17 avril 1764 réduisit à 30 sols les visites et 3 livres les consultations. De surcroît, elle ne compta que 25 visites (au lieu de 147). Ils ne firent point appel de la sentence car ils n’aimaient pas « à faire répéter leur nom devant les tribunaux ». Cependant pour sauvegarder son honneur et celui de son assistant, Bourdelin demanda rétablissement de la vérité au conseil des médecins. Ce dernier présidé par Boys de Maisonneuve, leur donna raison le 1er septembre 1764.

Sa vie ne fut pas épargnée par la disparition de ses proches. En 1732, il perdit son beau-père, le sieur Hardy, qui avait dissipé la fortune de sa mère et laissait des dettes considérables qu’il fallut rembourser.

Henry François Bourdelin de Rumilly, son jeune frère, de 13 ans son cadet, son disciple aimé entre tous, le compagnon de ses travaux, docteur régent de la faculté de médecine, cet homme, promis à une brillante carrière, mourut en février 1750 à l’âge de quarante ans. Il avait épousé Marie Françoise Quignon en août 174233, fille d’un marchand d’Amiens. Un certain Louis Florent Bellot signa au contrat. Il deviendra le beau-père de sa fille. Pour l’heure, il laissait deux enfants, Adélaïde Madeleine et Louis François.

Le choc fut immense pour Claude Louis, son mentor.

L’inventaire, bizarrement dressé plus de trois ans après le décès34, nous permet de d’avoir une idée assez précise du cadre où vivait la famille d’Henry-François, rue de Seine.

Ils occupaient un appartement au premier étage. On y entrait par une antichambre tapissée de damas et meublée d’une table ovale et d’un lit de repos. La chambre du maître de maison, qui faisait suite, avait les murs recouverts de moquette gauffrée. Elle était chauffée par un poêle de faïence. Un grand lit, qui trônait dans la pièce, avait quatre matelas pour assurer au maître de céans un bon sommeil. Trois fauteuils, six chaises, un fauteuil et un lit d’enfant, une petite table à écrire et un buffet à deux battants complétaient l’ameublement. Un petit cabinet de toilette éclairé sur la cour était attenant.

Deux fenêtres ouvrant sur la rue éclairaient le salon de compagnie aussi tapissé de damas et orné de quatre tapisseries d’Aubusson. Deux candélabres posés sur une belle cheminée, surmontée d’un trumeau,  reflétaient leur lumière dans les deux glaces au-dessus. Une pendule, faite à Paris par Duchemin,  marquait de sa sonnerie les heures et les demi-heures. Quatre fauteuils et quatre chaises, deux petites tables de jeu et un lit de repos invitaient à la détente.

Dans le cabinet de travail qui avait vue sur la rue, un bureau de bois verni recouvert de maroquin accueillait les travaux du docteur Bourdelin. Il était chauffé par une cheminée surmontée d’un trumeau à deux glaces. Il avait accroché aux murs tapissés de damas un tableau de festin ainsi qu’une demi-douzaine d’estampes et un beau baromètre au cadre de bois doré. Sa bibliothèque, qui contenait près de 300 volumes, était toute tournée vers sa passion pour la médecine. On y trouvait de nombreux ouvrages médicaux comme l’Opera medica par Thomas Sydenham paru en 1736, un très ancien ouvrage d’Aurus Cornelius Celsus, des ouvrages de Lemery et, bien entendu, un dictionnaire de médecine en 6 volumes. La seule concession faite à un peu d’éclectisme était un Virgile annoté par le père Catrou.

La cuisine s’éclairait sur la cour. Sa cheminée en était la pièce maîtresse. Garnie de quatre chenets, d’un gril, et de trois fers à repasser, son tournebroche à six cordes et chaînes permettaient d’y dorer cailles et gigots. Attenante à la cuisine, une petite pièce ne comportant qu’une couchette à bas piliers garnie d’une paillasse servait sans doute de chambre à la domestique.

Le défunt ne possédait pas moins de 43 chemises de jour garnies de manchettes et de jabots de mousseline et 18 chemises de nuit. Coquet, il avait une canne à pommeau d’or et une montre à cadran émaillé, aussi signé Duchemin. Sa veuve possédait tout de même 18 robes accompagnées de leurs jupons, une paire de boucles d’oreille de diamant prisée 240 livres et un collier de perles fines.

À la douleur de la perte que la jeune veuve venait de subir, s’ajoutèrent les soucis matériels car les obsèques coûtaient cher à l’époque. Selon la coutume de l’époque, elle rémunéra deux confrères du défunt venus assister au convoi, il lui en coûta 8 livres. Elle loua des gants et des manteaux de deuil (20 livres), paya “un service de basses messes” (50livres). Comme des parents étaient venus d’Amiens, elle dut leur rembourser de vieilles dettes (600 livres) et régler les frais de déplacement. Tant de frais rendait la situation délicate. Heureusement, elle pouvait compter sur l’attention bienveillante de son beau-frère, Louis Claude, qui considérait ses neveux comme ses enfants car il n’en avait point. Et puis, elle avait les revenus des locataires de la maison : Desissard, apothicaire, louait une des boutiques tandis que l’autre était louée par Trucheau, cordonnier. Les Charpentier occupaient au second un appartement sur le devant, un abbé nommé Picard logeait sur le derrière, demoiselle Fasquel occupait le troisième étage tandis que le sieur Bourbonnier louait le quatrième. Tous ces loyers rapportaient, bon an mal an, 1050 livres.

Les enfants étaient mineurs, un tuteur fut nommé, ce fut bien entendu leur oncle, Louis Claude Bourdelin.

Peu de temps après, elle se résigna à quitter l’appartement du premier étage sur la rue de Seine, dont le loyer était estimé à 350 livres par an pour s’installer dans celui du second du bâtiment sur la cour, au loyer de 240 livres35. Il fallait économiser …


En l’été 1762, alors que Louis Claude suivait Mesdames les filles de Louis XV à Plombières, sa femme, qu’il avait confiée aux soins de son aide Bouvart, tomba gravement malade. Le 12 août, elle rédigea son testament d’une écriture tremblée. Elle se recommandait aux prières de mon cher époux si digne, disait-elle, » de mon amour, de mon estime et de mon respect ». Elle léguait à Adélaïde Madelaine sa »petitte cousine et filleule » la somme de 6000 livres, et à six cousins d’Amiens, 1500 livres chacun. Une quinzaine de jours après, elle rendait son âme à Dieu.Son mari ne put se dégager de ses obligations « étant à la suite de Mesdames de France’ . Il se fit représenter à la messe de sépulture.


Une facture d’honoraire signée de Louis Claude Bourdelin

AP, 5AZ 302


Grâce à l’inventaire36, on peut se représenter son cadre de vie du couple. C’était celui d’un bourgeois bien en cour.

Ils occupaient toute la maison de la rue Mazarine. Le rez-de-chaussée était tout entier consacré à la bonne chère. On trouvait une cuisine, qui donnait sur la rue37 et derrière une salle qui donnait sur la cour et servait de salle à manger puisqu’elle était meublée d’un buffet, d’une servante en noyer et une table à allonges. Une petite fontaine de cuivre rouge permettait de se laver les mains. Quelques tableaux ornaient les murs et, au-dessus de la cheminée, on avait encastré un trumeau de glaces surmonté d’un tableau de paysage

On entrait au premier étage par une petite antichambre tapissée de brocatelle à fleurs bleues et aurore meublée seulement de deux fauteuils. La salle de compagnie tendue de damas vert était chauffée par une importante cheminée surmontée d’une grande glace en deux parties au trumeau en bois doré. Un écran en damas cramoisi protégeait les visiteurs de l’ardeur de son feu. Une dizaine de tableaux dans leurs cadres de bois doré ornaient les pans de mur parmi lesquels M. Bourdelin père, son fils et sa brue figuraient en bonne place. Une pendule à équation « dans sa boete et sur son pied » égrainait le temps. Un canapé trois places, six fauteuils couverts de damas à fond vert et à cartouche de tapisserie aux petits points, quatre tabourets assortis invitaient à la conversation. Une commode à la Régence à quatre tiroirs, plaquée de bois de violette était la pièce maîtresse de la décoration de ce salon. Deux tables de jeu et une table de cabaret au plateau verni à la Chine complétaient l’ameublement.

La chambre attenante était revêtue de tapisserie de verdure d’Aubusson. Un cartel de marqueterie sur console de bois sculpté et doré agrémentait un pan de mur tandis que sur les autres trônaient M. Bourdelin, gentilhomme ordinaire du roi, sa mère et un certain M. de Lozaire. La chambre était chauffée par une importante cheminée surmontée d’un grand trumeau. Elle était meublée d’une couchette à bas piliers à courtepointe d’indienne, une table de nuit, deux tabourets couvert de tapisserie à l’indienne et deux fauteuils de noyer .

C’est dans son premier cabinet que M. Bourdelin venait lire. Un marchepied contre la bibliothèque lui permettait d’atteindre ses plus beaux volumes : la Pharmacopée de Charas, la Médecine des pauvres, un Précis de médecine, Generis Historia animalium, Elements de botanique, Mémoire de mathématiques, anatomies, des oeuvres de Boileau, Buffon, Rabelais, l’histoire des insectes. Il compulsait aussi les 87 volumes de mémoires de l’Académie ainsi qu’une Histoire de l’Eglise tandis que Pline et Horace voisinaient avec le Père Hardouin et Voltaire

Le second cabinet, tapissé de damas vert, était chauffé par un poêle de faïence. Il écrivait sur un bureau de bois noirci recouvert de cuir noir ou se mettait à son secrétaire plaqué de bois de palissandre ou encore à son pupitre. Six fauteuils aussi recouverts de cuir noir lui permettaient d’avoir des discussions passionnantes avec quelques collègues, les pieds bien au chaud dans une petite chancellerie en velours. Il avait posé sur les meubles un chandelier, un buste d’enfant et suspendu aux murs un baromètre, un thermomètre, un petit paysage sur toile, deux portraits et des estampes.

La chambre à coucher faisait suite au salon et avait vue sur la rue. Les murs en étaient recouverts de tapisserie de verdure d’Aubusson. Deux ciels de lit, d’où tombaient leurs bonnes grâces38, surmontaient les deux couchettes à bas piliers. Une pendule en marqueterie et cuivre sur son pied était posée sur une belle commode de palissandre. Un fauteuil en confessionnal ajoutait au confort de la pièce qui était chauffée par une cheminée. Deux autres fauteuils et deux tabourets étaient recouverts de tapisserie à l’aiguille. Même à l’heure du coucher, M. Bourdelin n’oubliait pas son travail. Il avait installé sur une table de bois noirci deux microscopes. Deux têtes d’enfants en marbre blanc venaient rappeler au couple les bambins qu’ils n’avaient pas eus.

Ils avaient confortablement meublé au second et aux troisième étages des chambres d’amis, un carrosse peint en gris et doublé de velours d’Utrecht était en permanence garé sous la porte cochère et les caves contenaient à profusion vins de champagne et de bourgogne. Rien n’était oublié pour rendre la vie plus heureuse.

Cependant treize ans après la disparition de sa femme, Louis Claude Bourdelin perdait son neveu, le seul héritier de son nom et son disciple. Très affecté par toutes ces disparitions, il n’avait plus aucun goût à la vie. Lui qui aimait tant les séances de l’Académie y errait comme une âme en peine.

Comme “il avait, depuis l’âge de quarante ans, l’habitude de prendre tous les jours un verre de quinquina : il y renonça peu de temps avant sa mort et ce changement fut suivi d’un dépérissement prompt et rapide”39.

Il mourut sans postérité le 13 septembre 177740.




La quatrième génération

À la mort de son oncle, Adélaïde Madeleine Bourdelin devint la seule représentante de la famille. Elle avait épousé en 1765, Adrien Christophe Bellot de Busy, écuyer, ancien lieutenant-colonel au service du roi et de la république de Cologne, contrôleur général de l'extraordinaire des guerres", dont la famille était d’Amiens comme la mère d’Adélaïde.

En l’épousant, Adélaïde ne quittait pas le milieu médical puisque M.M de Busy, père et oncle, étaient docteurs régents de la Faculté de médecine. Le contrat de mariage 41stipulait la communauté de biens. Les 1200 livres que la future recevait en dot nous éloignaient fort des 30 à 50 000 livres auxquels nous nous étions habitués. Il est vrai que la future apportait la moitié de la maison de la rue de Seine qui était évaluée à 30 000 livres au moment du mariage de son père et de sa mère. Ils s’installèrent d’abord rue de la Mortellerie où naquit un premier fils en 1766 puis un deuxième en 1768. Ils déménagèrent ensuite pour s’installer rue Mazarine, comme l’indique l’inventaire après décès de Louis Claude Bourdelin.

À la suite de la disparition de son frère, Adélaïde Madelaine était devenue, en 1777, propriétaire de la totalité de l'immeuble de la rue de Seine. La mort de son oncle lui donna celui de la rue Mazarine.

Son mari mourut en juillet 1789 et, détail piquant, son acte de sépulture est signé du 14 juillet. Dès l’inventaire42, un différend éclatera entre les fils et la mère. Leur père avait en effet contracté une dette envers sa belle-mère Marie Françoise Quignon. Cette dernière étant morte, Adélaïde Madeleine fut son héritière. Elle en vint donc à demander le rapport la succession de sa mère la somme empruntée. Le malheur était que c’était au détriment de ses enfants, héritiers de leur père.

Devenue veuve, Adélaïde Madeleine ne tarda point à se remarier. Le 17 messidor an II, elle épousa François Xavier Aubéry. Ce monsieur avait participé à la réunion de parents et amis des enfants mineurs d’Adélaïde Madeleine comme ami des enfants et louait un appartement dans l'immeuble de la rue Mazarine. Notre veuve, sa propriétaire, succomba d’autant plus vite à ses charmes que les occasions de rencontres étaient nombreuses ...

Malheureusement le sieur Aubéry était un fieffé personnage. Cet homme bien que d’une noble famille et grand vicaire de Lyon avait défroqué et joué les sans-culottes pendant le Révolution. Une fois marié à Adélaïde Madeleine Bourdelin, il fit tant et si bien qu’il dressa sa femme contre ses enfants et dépensa joyeusement la fortune, fort belle, de son épouse. Des besoins urgents d'argent se firent de plus en plus sentir chez les Aubéry. Aussi, le 24/10/1812, ils vendirent les maisons des rues de Seine et Mazarine moyennant 45 000F, ce qui était peu.43

Le couple, retiré à Pontoise, mourut dans la misère.



1 Éloge de Claude Bourdelin par Fontenelle in Histoire de l’Académie des Sciences en 1699

2 BN, 8-T-piece 5975, Paul Dorveaux Apothicaires membres de l’Académie royale des Sciences

3 BN, 8_T_pièce 5975 : Paul Dorveaux, Apothicaires de l’Académie des Sciences

4 Racine, Abrégé de l’Histoire de Port-Royal

5 Article de C. de Rendinger in Société d’histoire & d’archéologie de Senlis, Comptes rendus et mémoires année 1978

6 Ibid.

7 BN, 8-T-pièce 5975, citée ci-dessus

8 Il figure dans le Livre commode des adresses de Du Pradel de 1692

9 Bulletin de la société historique du Périgorg Tome XXIII p.428

10 Charles Perrault, Mémoires de ma vie p. 42.

11 Éloge de Claude Bourdelin

12 Lettres de Madame de Sévigné annotées par M. Monmerqué, édition de 1862, tome IX P.371, note 16

13 Ibid. P. 490

14 AN, Y3420, 4/02/1690

15 AN, MC, XLIV/119 ; 19 novembre1692

16 Éloge des Académiciens par M. de Fontenelle Tome II P. 70 Fac-simile de l'édition de La Haye (1740)

17 Ibid.

18 AN, O1 43/1524, 25 novembre 1699

19 S 2837,  déclaration de cens du 16 mars 1702

20 Histoire de l'Académie Royale p.109

21 AN : O1/3715

22 Histoire de l ‘Académie royale des Sciences 1711 P108 et suivantes

23 AN, MC, XLIV/182 5 /05/1707

24 AN, MC, XLIV/198 28/11/1710

25 Histoire de l'Académie Royale P. 109

26 AN,  O1 53 f°106

27 Mémoire de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres tome III

28 C’est de cet éloge que la plupart des faits relatés ci-dessus sont tirés.

29 Histoire de l’Académie royale des Sciences de 1778 p.118 et suivantes

30 AN, MC CVI/194, 19 mars 1719

31 Le Jardin des Plantes

32 AN, MC, XLIV/353 30/07/1740

33 AN, MC, XLIV/481 ; 23/08/1742

34 AN, MC, XLIV/408 19/11/1753

35 AN, MC : XLIV/418, liquidation partage du 19 juillet 1756

36 AN, MC, XLIV/448 2/09/1762

37 C’est actuellement une boutique

38 Ce sont les rideaux qui partent du ciel de lit pour arriver sur les deux chevets

39 Eloge de Louis Claude Bourdelin

40 AN, MC, LV/22 Inventaire après décès qui nous a permis de décrire le cadre de vie de Louis Claude Bourdelin

41 AN, MC XXX/389 ; 24/06/1765

42 AN,MC, CXIX/501 ; inventaire du 23 juillet 1789

43 AN, MC LXX/831 ; 24/10/1812

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