Chapitre II

Le temps de la division

Le 15 avril 1769, le couple Camus de Pontcarré vendit donc une partie de la maison à maître Claude Marie Pie Horque de Cerville qui était un notaire fort connu, habitant rue de Seine. La portion de l’Académie qu’il vendait était celle qu’occupait le sieur Guillotin, c’est-à-dire la place qui servait autrefois de manège, le hangar à carrosses, le petit bâtiment comportant quatre chambres et la grande cour dans laquelle l’écurie faisait séparation avec les lieux occupés par Madame Le Lièvre. Le tout représentait une superficie de 214 toises (812 m2). Il restait donc 250 toises (950 m2) dont la dame Le Lièvre était locataire. Si les surfaces occupées par une partie de la longuerelle et la porte cochère revinrent plus tard dans le giron du 34, le reste ne fut jamais récupéré et vint agrandir le jardin d’un immeuble de la rue Jacob.

Un plan extrait d’un acte postérieur à 1769 permet de mieux comprendre la topographie des lieux vendus.

Plan prêté par un particulier

Sur ce plan, la rue de Seine est à gauche

Parce qu’il était propriétaire1 depuis le 8 décembre 1766 de la maison rue du Colombier2 située juste derrière, Horque de Cerville était fort intéressé par ce terrain. Il pouvait ainsi compléter son jardin de la rue du Colombier et jouir d’une double entrée, l’une rue de Seine et l’autre rue du Colombier. Mais ce qu’il ne savait pas , c’est qu’il inaugurait une situation qui perdure encore actuellement. C’est à l’extrémité ouest de ce terrain que le bien connu temple de l’Amitié du 22 rue Jacob fut par la suite construit.

La vente rapporta au couple Camus de Pontcarré la somme de 30 000 livres qu’ils versèrent aussitôt à leurs créanciers. L’acheteur avait le droit de faire murer une petite porte qui ouvrait à la fois sur la longuerelle et sur le jardin de la veuve Lelièvre. Les vendeurs et cette dame ne pouvaient en aucun cas utiliser à l’avenir la porte cochère des lieux vendus. Le seigneur de Pontcarré s’engageait à ne pas surélever les constructions existantes sur le passage et à n’en point bâtir d’autres.

L’imbrication entre l’ancien manège et la grande maison posa tout de suite un problème si bien que les vendeurs et les preneurs revinrent devant le notaire le 7 juillet. On précisa les droits et les devoirs de chacun. Les propriétaires et locataires de la grande maison pouvaient prendre de l’eau au puits situé sous le passage de la porte cochère et utiliser la pompe qui existait à condition de ne pas gêner le passage des carrosses. Ils renonçaient à jamais à construire sur le restant du passage. Les trois portes (et non une, comme l’acte l’indiquait) resteraient à l’avenir dans l’état où elles étaient le jour de la vente et la dame Lelièvre pourrait les utiliser. On indiqua les mesures exactes de la longuerelle dont un plan fut remis à l’acheteur. On le trouvera en annexe.


La signature de la vente marqua la séparation de la grande maison et ses dépendances d’avec l’ancien manège. Afin de mieux comprendre ce qui se passa à partir de cette date, nous étudierons séparément leur histoire.


La grande maison et le jardin


Jean Baptiste Elie Camus de Pontcarré continua de gérer les biens qui lui restaient.

En février 1770, il fit exécuter des travaux de menuiserie et de charpenterie dans la corps de logis en aile dans le jardin afin d’y installer des cheminées. Leur montant s’élevait à 107 livres qu’il fit ramener à 93 livres. Il les régla en partie 2 ans et demi après. Il devait aussi à l’entrepreneur des travaux d’étayage et d’installation de cheminées effectués en 1767 et en 1770 dans la remise à droite dans la cour (382 livres)3. Pensant sans doute qu’il enrichissait trop vite l’entrepreneur, il n’en paya qu’une partie et signa un « bon pour » en ce qui concerne le reliquat.

Marie Catherine Cléret, veuve Lelièvre décéda en mai 17724, laissant pour héritiers son fils Louis Elie qui demeurait avec elle, distillateur du roi comme son père, Claude Hugues et Edmé Louis Dominique mineurs émancipés d’âge.

Le sieur Camus de Pontcarré reloua la maison le 17 juillet 1774 au sieur Berte, sous-fermier des domaines du roi5. Il en profita pour en doubler quasiment le loyer  qui s’éleva à 4 000 livres.

Le seigneur de Viarmes mourut l’année suivante, à l’âge de 68 ans. Il laissait pour héritiers trois enfants : Louis Jean Népomucène Marie François, Louis François Elie et Jeanne Geneviève. Ces deux derniers renoncèrent immédiatement à la succession6, considérant qu’elle ne leur apporterait aucun bienfait. C’est ainsi que l’aîné eût en héritage la maison de la rue de Seine. Il devint aussi seigneur de la Guibourgère.


Le 29 mars 17827, Louis Jean Népomucène Marie François Camus de La Guibourgère qui était alors chevalier et conseiller au Parlement vendit l’Académie pour des raisons qui restent obscures. L’acheteur, un certain Jacques Moulin dit Dumoulin, ancien officier du roi, paya la coquette somme de 72 000 livres pour en devenir propriétaire. L’acte8 de vente, signé devant maître Lesacher, nous apprend qu’elle comportait des « bâtiments en aile des deux côtés de la cour ». Il y avait donc une nouvelle construction à gauche en entrant, à moins que l’acte ne fasse allusion au hangar que le sieur Lelièvre avait fait faire.

Extrait de la vente à Dumoulin


Cet acte scellait définitivement le départ de la rue de Seine de la famille Le Boulanger-Camus de Pontcarré. Elle en fut propriétaire de la maison pendant près de 140 ans (1645-1782), sur cinq générations.

Cependant, nous ne pouvons quitter ses derniers membres sans nous intéresser au sort qu’ils connurent pendant la Révolution.

Louis Jean Népomucène Marie François fut arrêté et emprisonné à Saint Lazare le 30 nivôse de l’an II (19 janvier 1794) puis traduit devant le tribunal révolutionnaire le premier floréal (20 avril) en compagnie de Lepelletier de Rozambo, président à mortier du Parlement de Paris et de 23 autres conseillers. Ils étaient tous accusés d’avoir « signé ou adhéré à des protestations tendant à méconnaître la liberté et la souveraineté du peuple, à calomnier la représentation nationale et à ramener le règne de la tyrannie ». Il confirma bravement cette signature devant ses accusateurs et fut immédiatement condamné à mort, exécuté et inhumé au cimetière des Errancis.

Louis François Elie, son frère qui était premier président de la cour du Parlement de Rouen, émigra à Londres avec sa femme, Marie Paule de Vienne, où ils vécurent dans la misère. On dit qu’on le voyait souvent venir dans un des plus réputés ateliers de broderie de la Cité demander gravement s’il y avait de l’ouvrage pour madame la Présidente9. C’étaient les seules ressources dont le couple disposait.

Interrogatoire du seigneur Camus de la Guibourgère



Jacques Moulin dit Dumoulin

La révolution ne réussit pas bien non plus au nouvel acheteur, le citoyen Moulin dit Dumoulin, mais pas pour les mêmes raisons.

D’un caractère généreux, il aimait à voler au secours de tous, en particulier à ceux qui étaient proches du théâtre. Sa femme, Jeanne Françoise Boyer et lui en étaient des amis intimes de Charles Barnabé Sageret, administrateur de trois théâtres  : la République, l’Odéon et le Feydeau., d’Honoré Bourdon-Neuville et de Marguerite Brunet-Montansier, une vieille actrice 10. Une première fois, le 9 nivôse de l’an VII, Dumoulin emprunta avec ces deux derniers la somme 13 000 F, on ne sait dans quel but mais il donnait sa maison en garantie.

Quelques mois plus tard Sageret se débattait au milieu des difficultés financières et des intrigues pour les faire fonctionner et y accueillir des acteurs et des chanteurs de prestige comme Talma.


Le 2 messidor an VII, ils cédèrent donc la maison de la rue de Seine à Marie Suzanne Doucet, veuve d’un certain Etienne Cyprien Renouard (de) Bussière11.


Marie Suzanne Doucet

La maison portait le n°1377 mais ne s’appelait plus l’Académie. On signalait dans l’acte qu’elle comportait plusieurs bâtiments construits autour de deux des trois murs qui cernaient la grande maison. Elle avait pour voisins à gauche le nouveau propriétaire de la longuerelle, le citoyen Bannefoy et à droite les citoyens Larcher et Rendu (de) Saint Aubin. Étaient comprises dans la vente les 25 glaces qui ornaient la maison. Marie Suzanne Doucet s’engageait à verser en numéraires métalliques et non en monnaie de papier les 45 000 F qui représentaient le prix de la transaction.

Cette dernière attendit cinq ans avant de réaliser une autre opération immobilière qui lui tenait à cœur, mais ceci est une autre histoire que nous ne pourrons comprendre qu’à travers l’histoire de la longuerelle.


La longuerelle et ses dépendances


Claude Marie Pie Horque de Cerville avait donc acheté en 1769 le long passage et le manège. Ce notaire avait repris en 1760 l’étude de maître Lecointe, installée rue du Colombier (rue Jacob). La même année, il avait épousé Denise Elisabeth Ponson, veuve (sans enfant) d’Adam Jean Baptiste de Lusseux, ancien chef des gobelets du Roy 12 . En 1766, il acquit une maison rue du Colombier appelée hôtel de Hollande, dans laquelle il s’empressa de s’installer. La maison qui se dressait entre cour et jardin était assez vaste pour abriter le couple, quatre clercs, deux domestiques et son étude.

Le 20 juillet 1770, il signa un bail de l’ancien manège et de la longuerelle au sieur Antoine Collet, loueur de carrosse et à Jeanne Noury sa femme pour une somme de 800 livres par an13. Ces derniers avaient sans doute bien du mal à payer leur loyer puisque leur propriétaire fut obligé de leur envoyer en 1777 un sergent à verges qui leur remit la sommation de régler les 1350 livres de loyer en retard. Ils ne purent s’exécuter. Ce fut la saisie qu’ils évitèrent de justesse en remettant à maître Horque de Cerville 1800 livres de loyer plus 17 livres pour les frais14.

Maître Horque de Cerville décéda brutalement le 8 juillet 1779 alors que son coffre contenaient l’énorme somme de 171 382 livres qu’ils n’avaient pas eu le temps de mettre à l’abri15.

Sa femme continua à louer l’ancien manège de la rue de Seine jusqu’à sa mort qui survint en l’an VII . Entre-temps elle avait épousé Jean Alexandre Pauquet. N’ayant pas d’enfants ce sont des parents éloignés qui héritèrent. Ils étaient au nombre de 44 ! et se présentèrent peu à peu …jusqu’en l’an VIII !

Bien entendu, les héritiers ne gardèrent pas les lieux, ils les vendirent par adjudication, à l’audience des criées du tribunal civil du département de la Seine le 19 nivôse an VII. La licitation était poursuivie sous le nom de Barrey de Saint Marc qui déclara que l’adjudication avait été faite au profit des sieurs Debreuil, inspecteur de la régie des domaines et de l’enregistrement de la Seine et de sa femme Louise Adélaïde Tavernier ainsi qu’à celui de Joseph Bannefoy et Clémence Françoise Clavier, son épouse.


La brasserie

De l’an VII à l’an XII, les nouveaux propriétaires firent des lieus une exploitation de brasserie et y installèrent tous les instruments nécessaires à ce genre de production : chaudières, moulins, pompes, réservoirs etc. La longuerelle portait le n° 1376 et appartenait à la division de l’Unité.

Le sieur Jacques Louis André de Breuil et sa femme eurent le malheur de souscrire le 6e complémentaire an XI une obligation de 14 800 F qu’ils garantirent sur la moitié indivise de la maison. Son remboursement était exigible le 1er vendémiaire an XIII. Est-ce pour cette raison qu’ils revendirent leur exploitation le 21 pluviôse an XII ? Cela paraît vraisemblable.

Le sieur Delamarche et Marie Suzanne Doucet

La vente était faite pour la modeste somme de 21 450 F plus 1 450 F pour des objets mobiliers qu’ils laissaient16. Les acheteurs étaient Nicolas Simon Delamarche (qui avait pour épouse Marie Louise Doucet) et Marie Suzanne Doucet, veuve d’Etienne Cyprien Renouard de Bussière. Les deux acheteurs avaient fait alliance entre eux pour une raison fort simple : M. Delamarche qui s’annonçait propriétaire dans l’acte de vente avait acquis et habitait rue du Colombier (actuellement le n°20 de la rue Jacob). Sa maison était donc en partie contiguë au terrain vendu. La dame Renouard de Bussière, sa belle-sœur, était propriétaire du n°1377 rue de Seine qui jouxtait la fameuse longuerelle.

Dans l’acte de vente, ils convenaient entre eux que le sieur Delamarche prenait, on le comprend facilement, la grande cour, y compris la partie qui fait pointe jusqu’à la propriété d’Ormesson (marqué A sur le plan et teint en rouge).

La dame Renouard de Bussièree se voyait octroyer la longuerelle, (marqué B sur le plan et colorié en jaune) la porte cochère sur la rue de Seine et un petit recoin de terrain du côté opposé à la longuerelle (aussi marqué B et teint en jaune) et attenant le pignon du petit bâtiment lui appartenant. L’acte précisait qu’il en était ainsi fait pour que ce surplus du terrain permette une séparation en droite ligne « depuis la propriété des demoiselles Darras jusqu'à celle du sieur et dame Gravier ». Autrement dit, on voulait supprimer l’enclave que faisait ce bout de terrain dans le domaine de la veuve. Elle s’engageait à faire bâtir dans un délai de 7 mois le mur qui séparerait son terrain et celui de M. Delamarche à l’alignement à droite et à gauche du petit bâtiment qui faisait la clôture du jardin de sa maison.

C’était une heureuse séparation puisqu’elle permettait à la maison de la rue de Seine de regagner une partie de sa longuerelle …



Plan des parties vendues (Collection particulière)



Chapitre III

Le temps de l’union

En achetant en l’an VII la grande maison puis en l’an XII une partie de longuerelle, la veuve Renouard de Bussière réalisa une réunification qu'elle concrétisa symboliquement en abattant le mur de la longuerelle sur la partie qui lui appartenait.


Un échange

Le 30 floréal de l’an XIII vit un nouveau bouleversement de l’ordre établi un an plus tôt ! Elle échangea avec sa sœur et son beau-frère leurs propriétés respectives. En contrepartie, le sieur Delamarche et sa femme lui cédèrent deux maisons dans le quartier des Invalides et continuèrent à louer les lieux17.

Les échanges qui se firent sans soulte rendirent le sieur Delamarche et sa femme propriétaire d’un domaine plus grand que celui qui existait deux siècles auparavant. M. Delamarche décéda le 28 février 1813. Sa femme devint donc propriétaire de la totalité des lieux puisqu’ils n’avaient pas d’enfant.

Madame Rebut de La Rhoëllerie

La valse des propriétaires continua. Le veuve Delamarche vendit la maison le 7 mars 1819 à M. et Mad. Rebut de La Rhoëllerie dont l’époux était directeur du personnel au ministère la justice18. La vente se faisait moyennant le prix de 5300 F de rente perpétuelle 5% consolidés sur le Grand Livre de la dette publique.


Plan de la maison tel qu’on le trouve dans la série F31 des Archives Nationales

Le 34 de la rue de Seine tel qu’il était implanté dans le pâté de maisons selon la cadastre par îlots établi par Vasserot et Bellanger entre 1810 et 1836 Archives Nationales , série F31

Malheureusement, l’acheteuse contracta plusieurs obligations :

La première en mars 1825 d’un montant de 31 000F remboursable en mars 1829, à 5% d’intérêts

Une seconde, en juillet 1825, de 19 000 F remboursables à la même date que la première et au même taux.

Le 10 février 1826, ces obligations n’étaient pas remboursées. Pour s’en dégager, le couple vendit la maison à Louis Rémy Magin et Antoinette Louise Sandrié de Jouy, sa femme pour la somme de 130 000 F. En déduction du prix, les acheteurs réglaient directement aux créanciers la somme de 50 000 F et le solde de 80 000 F au couple Rebut de La Rhoëllerie19.

Les Magin, les Vivaux et le général Thétard

La maison portait alors le n°30 et comportait un corps de logis à porte cochère sur le devant, cour, bâtiments en ailes à droite et à gauche en entrant, petite cour derrière le bâtiment sur la droite. Au fond de la grande cour, on trouvait, en face de la porte cochère, un grand corps de logis composé d’un rez-de-chaussée sur perron, premier et second étages au-dessus, plusieurs chambres dans les combles. Un jardin était derrière ce dernier corps de logis avec plusieurs petits bâtiments en aile au bout du jardin ainsi qu’écurie, une remise, et un puits avec pompe.

Lorsque Louis Remy Magin avait épousé en l’an 13 Antoinette Louise Sandrié de Jouy, il n’avait pas une haute situation puisqu’il était facteur à la vente en gros des farines sur le carreau de la halle à Paris. Il apportait 3 000 F en meubles, linge et bijoux. La future montrait déjà ses qualités d’épargnante puisqu’elle était riche d’une somme de 12 000 F provenant de ses gains et épargne20.

En 1826, ils habitaient rue Mazarine et louèrent la maison de la rue de Seine à plusieurs locataires d’horizons fort différents : au couple vendeur qui resta jusqu’en 1829 au moins, à Chapron relieur,  au notaire Depuille qui était voisin de la veuve Piquet, herboriste

En 1847, un bail fut signé avec David Certain qui était commis chez Vilmorin et dont l’épouse avait une patente d’herboriste. Ils louaient pour 810 F annuels une boutique et une chambre sur la rue ainsi qu’une autre pièce qui s’ouvrait sur la cour, plus une cave dont l’entrée était à gauche du perron de la grande maison.

M. Magin mourut à Versailles le 30 octobre 185421. Une fille Alphonse était épouse de René César Pommier Portefaix, ancien négociant qui demeurait à Paris tandis qu’elle demeurait à Dammemarie dans la Meuse. Ils étaient séparés judiciairement de biens et dans les faits et officieusement de corps. Une seconde fille, Adélaïde, épouse de Théodore Éloi Vivaux demeurait à Versailles avec son mari. Elles étaient toutes héritières de leur père tandis que la veuve, leur mère,  était donataire en toute propriété d’un quart des biens et de l’usufruit d’un autre quart. Les biens immobiliers du défunt consistaient en une maison située rue de la Barillerie qui rapportait bon an mal an 4 800 F par an et de la maison de la rue de Seine dont le revenu s’élevait à 10 820 F annuels. L’administration qui continuait à estimer au denier les revenus d’un capital immobilier estima donc le total à 312 400 F.

Mutation Magin


Les deux sœurs laissèrent en indivision la maison de la rue de Seine jusqu’à la mort de Mad. Pommier Portefaix le 19 décembre1886.

Ses héritiers étaient ses petits-enfants : Alphonse Paul Thétard , Claire Hortense Alphonsine Descamps, épouse d’Henry Delcroix, négociant à Lille, et enfin Marguerite Rosine Henriette Louise Descamps, épouse de Charles Marie Joseph Verlay,  industriel aussi à Lille. Le premier était héritier pour moitié car sa mère n’avait eu que lui comme enfant. Ses deux cousines héritaient chacune pour un quart.

La masse des biens à partager s’élevait à 459 260 F dont 229 630 F revenait à Thétard.

Le partage fut fait le 27 janvier 188722. Dans le premier lot, celui d’Alphone Paul Thétard,  figurait la maison qui nous occupe, prisée à 260 00 F (donc pour 130 000 F dans la succession puisque Mad. Pommier Portefaix n’en avait été propriétaire que de la moitié indivise). On la décrivait de la façon suivante :

« Une maison sise à Paris, rue de Seine n°34, comprenant

« 1° Bâtiment sur rue, élevé d’un rez-de-chaussée formant deux boutiques et deux «  entresols

2° Bâtiment en aile à gauche formant l’arrière-boutique et magasin de la « boutique, grenier au-dessus

«  3° Bâtiment en aile à droite, composé de rez-de-chaussée formant écurie et remise, actuellement converti en magasin

«  Entresol, premier étage et deuxième étage mansardé

«  4° Maison principale entre cour et jardin composé de caves, rez-de-chaussée, entresol, trois étages carrés

« 5° Jardin avec petit bâtiment en aile à droite


Le nouveau propriétaire était né en 1853 de Jean Baptiste Thétard, ingénieur, et de Louise Suzanne Portefaix. À 19 ans, il s’engagea à l’École Spéciale de Saint Cyr et y fit l’école de cavalerie, discipline qui le mettait en valeur car c’était un fort bel homme. Grand (1m76), brun, il était très vigoureux et excellent cavalier. Très instruit et très intelligent, il avait un esprit fin et cultivé. D’un caractère calme, ferme et bienveillant, son tempérament rêveur le faisait goûter particulièrement la musique. Toutes ces belles qualités plurent certainement beaucoup à sa future femme, Armelle Chéron. Il demanda à ses supérieurs l’autorisation de l’épouser. L’enquête qui fut faite à son sujet était satisfaisante : elle apportait 50 000 F en dot et 3 000 F en linge, harde, trousseau et bijoux et 31 350F en rente sur l’État. De plus la future était « de très bonne moralité et jouissait d’une très bonne considération ». On lui permit de convoler. Il prit un congé de 40 jours et l’épousa. Elle lui donna quatre enfants. Il lui offrit plusieurs médailles dont celles d’officier de la Légion d’Honneur et de … Saint S

Le général Thétard

tanislas de Russie. Étrangement, il prit en 1883 un congé de 3 mois pendant lequel il visita l'Egypte, la Syrie, la Turquie, l'Autriche et l'Allemagne. C’était pour le moins des visites éclairs. Il en fit un rapport au ministère de la Guerre. On l’en félicita. Il réitéra cet exploit en 1886 mais en se bornant à la Syrie et à l’Égypte. Il termina sa carrière comme général de brigade à Bordeaux en 1912. La guerre de 14-18 le vit adjoint au général commandant de la 10e région militaire puis il fut relevé de ses fonctions « pour raison d'économie » en octobre1915 avec une pension de 7625 F annuels23.

Le 1er avril 1894 le général Thétard acquit par adjudication l’autre moitié de la maison qui était restée en indivision pour le prix de 270 000 F.

Enfin il se porta acquéreur de la maison du 32 rue de Seine qui lui fut adjugé pour 50 100 F le 26 janvier 1886.

Il mourut le 3 décembre 1948.


Ainsi se termine cette longue et passionnante étude qui a permis de redonner vie à des personnages illustres ou inconnus ayant eu un rapport quelconque avec ces quelques mètres carrés parisiens.

Avant la Révolution, se dégagent la constance du recrutement des propriétaires dans le milieu des magistrats du Parlement et le poids du choix des alliances dans l’ascension sociale d’une famille.

À la Révolution, correspond la valse incessante des changements de propriétaires et des faillites qui sont le reflet des bouleversements qui ont eu lieu pendant cette période et celle qui a suivi.

Quant à la permanence d’une lignée de propriétaires d’une seule et même famille bourgeoise dans les années 1850-1900, elle est peut-être à mettre en rapport avec l’installation de la bourgeoisie dans le gouvernement à la tête de la France.



Photo Atget. BHVP


QUELQUES PIÈCES JUSTIFICATIVES ET PLAN

Bail à cens à Arnault Palerne

ET/VIII/69 f°31- 12 mai 1541 Maîtres Boreau&Boreau




Noble et religieuse personne Frère Pierre Gouscon, prieur d’Estoille, Lequel au nom et comme vicaire et procureur général de Monseigneur le Révérendissime cardinal de Tournon , abbé comandataire de l’église et abbaye de Sainct Germain des Prez lez Paris confesse, pour le clere et évident prouffict et augmentation du bien et revenus de ladicte église et abbaye, avoir baillé et par ces présentes baille à tiltre de cens, rente foncière annuelz et perpétuelz du tout des maintenant à toujours promet audict nom garantyr de tous troubles et empeschemens généralement quelzconques à honneste homme maistre Arnaud Palerne, procureur en la court du Parlement à ce présent preneur audict tiltre pour luy, ses hoirs ung demy arpent de terre en ung pièce situé et assis au terroir audict Sainct Germain des Prez au lieudict _____ tenant d’une part à Gilles Le Maistre, d’aultre part à Jehan Vallet escuier, aboutissant d’un bout à la rue de Seyne et d’aultre bout au Petit Pré aux Clercs pour en joyr par ledict preneur sesditz hoirs et ayant cause et en faire et en disposer comme de sa chose .Ceste bail et prins faitz au prix de 10 livres parisis de rente et troys solz parisis de cens pour arpent quy est pour ledict demy arpent cent solz de rente dont la moictyé racheptable au sol la livre et l’aultre moytié rente foncière annuelle et perpétuelle et 18 deniers parisis de cens de droict seigneurial portant lotz rentes saisines , deffaulx et amendes quant le cas y eschera que pour ledict preneur par luy, ses hoirs et ayant cause en a promis sera tenu, promet et gaige rendre, payer et continuer doresnavant par chacun an à toujours perpétuellement à mondict seigneur le révérendissime cardinal et à ses sucesseurs abbez de ladicte abbaye, à leur procureur,receveur ou au porteur de ces lettres, pour eulx au jour et feste Sainct Remy, chef d’octobre première année de payement eschéant audict jour Sainct Remy prochainement venant au prorata du temps qu’il a tenu ? à commencer au jour led demy arpent et sur ledict demy arpent de terre cy dessus déclaré quy en est perpétuellement chargé a ffect, oblige de ypothèque et que ledict preneur promet soustenir et maintenir bon et suffisant estat, icelluy faire clore dedans ung an prochainement venant et y faire bastir et eddifier maison manable dedans deux ans aussi prochainement venant et faire soustenir et maintenir en suffisant et bon estat et valloent que les 18 deniers parisis de cens et droict seigneurial et 100 solz parisis de rente y soient et puissent estre à toujours aisément percus audict jour tant et si longuement qu’il en sera propriétaire et détempteurs, à la charge de paier quant luy sera ordonné à ses coustz et despens. Car ainsy et soubz les dictes conditions et non aultrement ont esté faict, passez et acordez pour présent bail et prins et promettent obligent esditz noms d’une part et d’aultre renonçant et faict double l’an mil cinq cent quarante ung le jeudy douziesme jour de may


BOREAU BOREAU


Déclaration 1548-1549

LL1125f°388 recto


De maistre Pierre Bolioud greffier de Thurin comme estant au lieu de maistre Pierre Thédot procureur en Parlement et sa femme auparavant femme de feu maistre Arnault Palerne en son vivant aussi procureur en parlement, et aussi au lieu de Pierre Boutin et maistre Georges Sinidar et de Nicolas Coppry pour _______ de terre en une pièce assise audict Sainct Germain des Prez derrière ladicte abbaye en la rue de Seyne où a esté bastie une grande maison couverte d’ardoise et aultres eddiffices, court, jardin et lieux comme ils se comportent tenants d’une part aux ayants cause de maistre Gilles Le Maistre, avocat du Roy en la court du parlement, d’aultre part aux ayants cause de Jehan de Vallet, escuyer, aboutissant d’un bout par devant à ladicte rue de Seyne et d’aultre par derrière au petit pré aux clercs . Doibt de cens chacun an en ledict jour [de] Sainct Rémy au pris de troys solz parisis et dix livres parisis de rente foncière pour arpent


Vente Refuge/Thévin

ET/XLIX/236

Le 14 mai 1600



Fut présente en sa personne dame Anne de Refuge, veufve de hault et puissant seigneur messire Jehan de Rochefort, luy vivant es qualité seigneur d’Armilly demourant au pays de Touraine paroisse de Milly ;

Messire Jehan de Refuge, baron de Couesme, pays de Bretaigne y demeurant ordinairement en son nom et comme se portant fort de damoiselles Suzanne et Marguerite de Refuge ses sœurs ausquelles il promet de faire ratifier le présent acte lorqu’elles auront atteint l’âge de 21 ans

Et Henry Thenon, seigneur de Szinsoor, demeurant au pays d’Angleterre, en son nom et comme procureur de Ysabel de Refuge sa femme à laquelle il promet faire ratifier le présent acte de l’adjudication faite par décret de la maison çi après mentionnée

D’une part

Et noble homme Robert Thévin, conseiller du Roy en sa court de Parlement, président des Enquestes en icelle demeurant rue Pouppée

d’autre part

lesquelles parties ont reconnu et reconnaissent que la dame de Refuge , le sieur de Refuge et le sieur Thenin es nom et qualité ont vendu au président Thévin ses hoirs et ayant cause

Une maison assise à Sainct Germain des Prez lez Paris rue de Seine paroisse Saint Sulpice, concistant en une maison , court, deux jardins et appenty à présent ruyné, au bout du corps de logis, joignant d’une part à la maison des Montaigne, celle de Jehan de Laistre, à celle des héritiers de Loys Bernard et à ceux de _____ de Frevigny maistre drapier, à la maison de la demoiselle de Villèle et au jardin de madame d’Aligre et à Jérosme Lambert

Ladite maison appartient pour moitié à ladite dame Anne de Refuge comme lui étant advenu par la succession de dame Claude de La Roe sa mère

L’autre moitié appartient au baron de Couesme, aux demoiselles Ysabel Suzanne et Margherite de refuge par la succession de la dame Claude de La Roe leur ayeulle paternelle

La totalité de la maison présentement vendue est dans la censive des vénérables abbés et couvent de SGP et à ce titre chargée envers eulx de 6 deniers de cens faisant moitié de 12 deniers payable chaque année que l’acheteur devra payer à partir du prochain jour de la Saint Remy

En outre la vente est faite à la charge du prins et somme de 2500 écus dont la dame d’Armilly a reçu 50 écus, Jean de Refuge 100 écus et le sieur Thevin 50 écus qui sont 200 écus qui ont été baillez, payez, comptez et délivrez par le président Thévin achepteur aux dits sieur et dames vendeurs Deubs par lesd vendeurs à Marie Montaigne, femme de messire Pierre Barbier procureur en la cour de Parlement et Hugues Montaigne conseiller ordinaire de la Court et Paul Montaigne praticien au Pallais frères et sœurs par contrat passé par ________ Notaire le 6e jour de septembre 1592 (ou 1587) que lesd président Thévin promet de payer en l’acquet des vendeurs aux héritiers Montaigne suivant la transaction faite 8 jours après décret faict d’icelle maison et le surplus d’icelle somme de 2500 escus se montant

Sur laquelle somme lad dame Anne de Refuge, le baron de Couesme et le sieur Thévin ont confessé et confesse avoir receu dud sieur président Thévin, à sacvoir lad dame d’Armilly 50 escus, led sieur Jehan de Refuge 100 escus et led sieur Thévin 50 escus qui sont 2500 escus le montan de 1900 escus que led président Thévin promet paier aus sieurs et dames vendeurs ou au porteur […]




























Plan coté de la longuerelle qui était joint à l’acte de vente du 15 avril 1769 (LXV/363)









1 Arch. Nat., Min. Cent. LXV/353 . Vente par Jeanne pracos, veuve Le Lion à Horque de Cerville

2 Il s’agit du 20 rue jacob.

3 Arch. nat., T484, papiers saisis chez Louis François Elie Camus de Pontcarré émigré

4 Arch. nat., Y 11589, 18 mai 1772, scellés chez la veuve Lelièvre

5 Arch. nat., Min. cent., XXVII/372, Bail

6 Arch. nat., Min. cent. LXXIII/966 , 27 septembre 1775. Renonciation à succession.

7 Arch. nat., Min. cent. XXII/33, 2ç mars 1782, vente.

8 Arch. nat., Min. cent. XXII/23. Vente du 29 mars 1782

9 Histoire du Parlement de Normandie par Amable Floquet, p.683 & 684

10 En l’an II, elle fut soupçonnée d’avoir fait construire son théâtre du Palis Royal avec l’argent de la veuve Capet pour mettre le feu à la Bibliothèque Nationale qui se trouvait en face

11 Arch. nat., Min. cent., LXXXII/696, 2 messidor an VII. Vente.

12 Celui qui sert à boire au roi

13 Arch. nat., Min. cent., LXV/368, bail du 20 juillet 1770.

14 Arch. nat., Min. cent., LXXXVI/805 ; inventaire après décès de Me Horque de Cerville du 17 juillet 1779.

15 Ibid.

16 Arch. nat., Min. cent., LXV/580. Vente du 21 pluviose an XII.

17 Arch. nat., Min. cent., LXV/585 ; échange du 30 floréal an XIII

18 Arch. nat., Min. cent., LXIX/930, vente du 7 mars 1819

19 Arch. nat., Min. cent., LXXVII/569, vente du 10 février 1826

20 Arch.nat., Min. cent.

21 Arch. de Paris, succession Magin

22 Arcn.départ. de la Meuse 39 Ep 310

23 S.H.A.T. Dossier du général Thétard

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