Nous étions donc en 1668. Des besoins urgents d’argent se firent sans doute sentir puisque les époux Sanglier décidèrent de vendre une partie de l’immeuble sur la rue de Seine. Ils firent appel aux services d’Hubert Gamard, fils de l’ancien disciple de Claude Vellefaux, son petit-neveu par alliance.
Notons que cette famille s’était beaucoup élevée socialement. Hubert était chevalier de l’ordre du roi, gentilhomme ordinaire en sa chambre et lieutenant général des chasses en son château du Louvre, ainsi que conseiller et maître en ses conseils. Comme son père il habitait à Saint Germain des Près dans la rue Sainte Marguerite. Muni des procurations de Gilles Sanglier et de son épouse Anne de Vellefaux, il vendit une partie du bâtiment sur la rue de Seine qui porte actuellement le numéro 61mais qui était alors à l’enseigne du Lion Noir Couronné.
Les acheteurs étaient Charles Lheureux , officier de monseigneur le secrétaire d’état Le Tellier, et sa femme Antoinette Tripache. Ils connaissaient parfaitement les lieux car leur gendre, le sieur Bazoche, maître pâtissier, en était le locataire. La maison se composait de deux corps de logis de trois étages reliés par une galerie avec une courette entre les deux. Cette disposition des lieux persistera jusqu’à la fin du 20e siècle. La vente se faisait moyennant la somme de 13 000 livres que le sieur Lheureux versa immédiatement entre les mains d’Hubert Gamard. Il y avait urgence puisque sur ce montant , 7000 livres, était consacré à cautionner un emprunt que les Sanglier avaient fait auprès de Me Nicolas Delaplace, procureur au Châtelet. Trois mois plus tard le couple de Joué vint à Paris pour ratifier la vente et apporter quelques précisions : le cens dû à monseigneur le duc de Metz s’élevait à 12 sols 6 deniers. Il leur fallait s’en acquitter. Concernant la fenêtre du premier étage du corps de logis de derrière et qui avait vue sur un autre corps de logis situé en arrière, il fut convenu qu’elle sera bouchée sur une hauteur d’un pied. Ce sera fait aux dépens des sieur et dame de Joué. On y mettrait des barreaux de fer quand il leur plaira. L’allée et les galeries qui joignaient la maison vendue à celle de l’Autruche serait bouchées. Les nouveaux propriétaires ne pouvaient en aucun cas emprunter le passage de la porte cochère.
Le sieur Bazoche était déjà locataire rue de Seine lorsqu’il épousa à l’automne 1661, Elisabeth Lheureux. Le traité de mariage qui fut signé le 29 septembre réunit Marie Cuvillier, sa mère, alors veuve de Guillaume Bazoche ainsi que Charles Lheureux et sa femme, Antoinette Tripache. Seuls quelques amis communs, Me Antoine de Paris, sa mère et Guillaume Péjart vinrent les assister de leur bienveillante présence. Ils adoptèrent le régime de la communauté de biens suivant la coutume de Paris. Les parents de la future donnaient 5000 livres en dot dont 1000 livres en avancement d’hoirie et un tiers seulement entrait en la communauté. Le futur douait sa femme de 2000 livres qu’il s’engageait à employer en héritages ou rentes « pour sûreté d’icelle somme » qui devait demeurer entre les mains des parents de la future. La mère du pâtissier, pour ne pas être en reste, lui faisait don en avance d’hoirie, de tous les frais qu’elle avait déboursés pour le faire passer maître ainsi que des outils propres à son métier. Ils signèrent tous fort élégamment le contrat .
Signatures du contrat de mariage
Profitant de leur achat, les beaux-parents Lheureux vinrent habiter rue de Seine dès l’année suivant le mariage.
De ce mariage, naquirent Charles, Marie-Antoinette, Geneviève, Pierre le musicien de la famille, Marie-Charlotte, Claude-François qui avait 15 ans lorsque sa mère mourut le 29 octobre 1696. L’inventaire de ses biens tarda à se faire puisqu’il ne fut commencé que le 12 décembre par X notaire.
Il débuta par la courette où trônait un demi-muid de fagots qui fut prisé 5 sols. Le notaire passa ensuite dans la boutique où trônait un petit comptoir de bois. Accrochés au mur ou disposés sur des étagères, poêles à confiture en cuivre, fontaine, bassins de différentes tailles, pots à lait, hochepot en forme de marmite et tourtières jetaient leurs mille feux rougeoyants tandis que quatre chaudrons, huit poêlons et deux paires de balance en cuivre jaune ensoleillaient la pièce. On pesa puis on classa ensuite en étain sonnant ou en étain commun, les plats, moules et bassines en étain qui furent estimés 363 L Un tour de milieu en bois de noyer à deux guichets et un autre à deux tiroirs, un vieux hachoir et un comptoir de méchant bois furent prisés ensemble 10L Un petit garde-manger à un guichet, un billot, une hache et une paire de couteaux à hacher, un mortier de fonte avec son pilon en fer sur trépied de bois complétaient le matériel propre au pâtissier que le commaissaire priseur estima à plus de 350 livres. Deux lampes et huit chandeliers éclaraient la boutique.
La petite salle basse qui était derrière la courette était austérement garnie d’une de sapin, six chaises paillées, une petite armoire.
Au premier étage, où l’on monta ensuite, la salle qui tenait lieu de chambre -où la dame Heureux était morte- avait vue sur la rue de Seine.
On commença par le feu, ses chênets en étain poli et ses serviteurs. L’essentiel des meubles étaient en bois de noyer. Il y avait six chaises et un fauteuil à bas dossier recouverts de toile grise, deux fauteuils couverts de tapisserie.
Devant le lit, une caissette couverte de tapisserie sur ses pieds et garnie d’un tiroir ; le lit était à hauts piliers, il était garni d’une paillasse, d’un matelas de laine couvert de futaine blanche avec un traversin et un oreiller de plume et deux couvertures de laine blanche et une courtepointe en toile peinte ; le tour de lit, les quatre pommes et sept housses dont une de fauteuil et six de chaises en serge jaune éclairaient la chambre de leur couleur jaune ainsi qu’un miroir de 24 pouce à bordure de glace orné du cuivre doré.
Une table à tiroir et deux guéridons en bois de merisier, une garniture de cheminée de 24 pièces de fayence de Nemours et quatre pièces de tapisserie dont trois à personnages et une à feuillage et animaux apportaient une touche précieuse à l’ensemble.
Dans la petite chambre à côté qui avait aussi vue sur la rue de Seine, le notaire après avoir noté le lit, l’armoire de noyer s’apprêtait à inscrire sur l’inventaire une petite épinette posée sur une table, lorsque Guillaume Bazoche et sa fille aînée protestèrent avec énergie qu’elle appartenait à Pierre qui l’avait achetés de ses deniers. Le fils du pâtissier était doué pour la musique et voulait en faire son métier.
Les Bazoche
La maison selon l’inventaire
Nous étions le 12 décembre. Le notaire …. Se rendit dans la maison pour faire l’inventaire qu’il commença par ces mots :
L’an 1696, le mercredy le douziesme jour de décembre, deux heures de relevé, à la requeste du sieur Guillaume BAZOCHE, maistre patissier à Paris, y demeurant faubourg Saint Germain, rüe de Seyne, paroisse Saint Sulpice, tant en son nom à cause de la communauté de biens entre luy et la deffuncte Elisabeth LHEUREUX, sa femme, que comme tuteur de Geneviève agée de 22ans, Pierrre agé de 20 ans, Marie Charlotte agée de 19 ans de Claude Frs BAZOCHE agé de 15 ans, tous enfans mineurs de luy et de lad deffunte Elizabeth LHEUREUX, sa femme, en la présence de Charles LHEUREUX, aussy maistre patiscier à Paris ,y demeurant rüe et paroisse Saint Jacques de La Boucherie, subrogé tuteur desd mineurs et Charles ??? de farcy ??? tuteur et subrogé tuteur suivant l’advis de parents et amis….
En la présence aussy de Marie Antoinette Bazoche, fille majeur jouissante de ses biens, demeurant en la maison dud sieur Bazoche son père, et de Philipe Dancourt bourgeois de Paris, y demeurant rüe de Bourbon, paroisse Saint Sauveur, au nom et comme procureur de Elie Bazoche, maistre paticier à Paris, de luy fondé de procuration spéciale à l’effet des présentes […] lesd Marie Antoinette, Elie, Pierre …. Marie Charlotte et Claude Frs Bazoche, frères et sœurs, habiles à se dire et porter héritiers pour un sixiesme de lad deffuncte Elizabeth Lheureux leur mère ; à la conservation des droits des partis aud nom il va estre par les conseillers et gardenottes du Roy au Chatelet de Paris soussignés , fait inventaire et description de tous les biens meubles, ustenciles , linges, tiltres, papiers et autres effets demeurez après le décès de lad deffunte Elisabeth Lheureux, et qui dépendent de la communnauté qui a esté entre led Bazoche et elle, trouvez et estant dans les lieux cy après déclarés dans la maison où led sieur Bazoche est demeurant et où sad femme est décédée le 29 octobre 1696 ; montrez et … par led sieur Bazoche père et par lad Marie Antoinette Bazoche, sa fille aisnée, auxd notaires soussignés pour estre par eux inventoriés après serment fait par chacun d’iceux de tout représenter sans rien cacher ny …. Sous peine des droits qui leur ont esté exprimés […]
Tous les biens meubles prisez et estimez par Philippe Veron, demeurant rue des Prouvaires, paroisse Saint Eustache, et Maurice Poteron demeurant rue et paroisse Saint Jacques de la Boucherie, tous deux huissiers priseurs vendeurs de biens meubles aud Chatelet pour ce présents ; qui ont promis faire lad prisée en leur conscience
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Aux étages au dessus jusqu’au troisième, la disposition des lieux étaient la même : une grande et une petite pièces donnaient sur la rue. Cependant chaque pièce avait quelque particularité, un vieux coffret à buches carré posé sur ses pieds de bois, un cabinet à l’antique à deux portes fermant à clef, un fond de lit de toile peinte, une tapisserie faisant le tour de la pièce.
Le lendemain on procéda à l’inventaire des pièces sur le derrière de la maison. Elles contenaient peu de meubles, en général un lit et une table accompagnée d’une chaise ou d’un fauteuil . De taille réduite elles avaient toutes une cheminée.