Le 21 rue de Seine

(et le 22 rue Mazarine)











Le 21 rue de Seine n'est un petit immeuble à la façade étroite comportant plusieurs corps de logis qui donnent sur des courettes calmes. Sa porte d'allée est encadrée par deux boutiques, un libraire et un bistrot. C'est donc une construction sans prétention.

Et pourtant à son emplacement s’élevait une maison où se sont succédé dès le début du XVIIe siècle plusieurs générations de riches marchands orfèvres. Toute une lignée de médecins et d’apothicaires côtoyant les princes et les rois les a relayés pendant plus de deux cents ans. Au XIXe siècle une femme, dont l’ascension sociale est étonnante, est devenue une propriétaire avisée des lieux. De plus il avait une situation exceptionnelle puisque, jusqu’au au milieu du XIXe siècle, il avait le privilège de faire face au prestigieux hôtel de La Rochefoucauld qui fut malheureusement détruit lors du percement de la rue des Beaux Arts en 1845.

Cet édifice mérite aussi notre attention parce qu’il a conservé, malgré certaines reconstructions, une disposition que l’on ne rencontre rarement dans la rue mais qui était fréquente jusqu’au XVIIIe siècle : il communique directement par-derrière avec le 22 de la rue Mazarine qui est resté tel qu’il était au début du XVIIIe siècle. C'est pourquoi nous racontons dans ce qui suit l'histoire des deux immeubles.



Les Cattier, une famille d’orfèvres


C'est à l'année 1634 que l'on peut faire remonter l'histoire des premiers batiments construits à l'emplacement de l'actuel 21 rue de Seine.

Un document du 23 novembre 16341 nous indique qu'Aagé Cattier en est le propriétaire. Son nom est familier aux habitants du “faulx bourg Saint Germain” puiqu'un Daniel Cattier possède une maison dans la rue du fossé d'entre les portes de Nesle et porte Dauphine (notre rue Mazarine). L'épouse de Pierre Elle Ferdinant, peintre du roi, Anne Cattier, habite avec son mari un peu plus loin dans la rue. Des Cattier sont aussi propriétaires de loges à la foire Saint Germain et de maisons rue du Petit Lyon et rue du Brant.

Aagé Cattier est marchand orfèvre. Il habite la maison avec sa femme Louise Dallemaigne. Ils ont trois enfants : Aagé II, Isaac et Marie.

Le fils aîné, Aagé, a embrassé la profession de son père, il est donc aussi orfèvre. Isaac, le cadet, a suivi une toute autre voie. Il a fait ses études de médecine à Montpellier. Devenu médecin ordinaire du Roy, il a pu revenir à Paris exercer son art et il va bientôt devenir célèbre2. Quant à Marie, elle a épousé Jean Boursin, aussi marchand orfèvre.

Après la mort de leurs parents, les trois enfants se partagent leurs biens le 12 avril 1645, devant le commissaire Bannelier. Le 21 rue de Seine est attribué à Aagé fils mais celui-ci meurt en 1655. Cette fois-ci, c’est maître Guneau qui est chargé de répartir ses biens entre son frère Isaac et sa sœur Marie. Pour ce faire, Mathurin Dury, architecte expert et Philippe Munier, maître maçon, sont requis afin d’estimer les maisons. Aagé en possédait trois: une rue de Berry qui est évaluée à 17 000 livres, celle de la rue de Seine estimée à 13 000 livres et une loge à la foire Saint Germain prisée 3 300 livres. La maison de la rue de Seine qui a pour enseigne L'ASSURANCE " scize faubourg Saint Germain, rue de Seyne, consistant en un corps de logis sur le devant, à boutique, cour et petit logis sur le derrière, petit escalier en icelle, tenant icelle la totalité des lieux d’une part aux hoirs de dame des Boisseaux, d’autre à ______ et d’un bout par derrière aud. Jean Blisson et par devant sur ladite rue de Seyne, laquelle maison les experts l’ont prisée et estimée à la somme de 13 000 livres."

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ette maison échoie à Marie Cattier et à son mari Jean Boursin, elle est occupée par le sieur Dallemaigne, maître barbier et chirurgien, qui est peut-être un membre de la famille. Le 14 août 1660, Jean Boursin lui renouvelle son bail pour cinq ans moyennant 600 livres par an3, somme qui sera un peu plus tard portée à 700 livres.

Hélas, les Boursin ont des dettes, en particulier ils doivent toujours à leur frère 1350 livres du “raport de leur mariage” et 650 livres de soulte sur le partage des parents Cattier. C’est peut-être pour cette raison que le 25 mars 1664, devant maître Bouron4, ils signent l’acte de vente de la maison qu’ils cèdent au sieur Bourdelin, apothicaire, pour la somme de 16 000 livres, "à condition qu’il entretienne le bail fait au sieur Dallemaigne".


Depuis une date indéterminée et jusqu'en 1643, la maison qui jouxte par-derrière le 21 rue de Seine, c'est-à-dire l'actuel 22 rue Mazarine, a aussi pour propriétaire un membre de la famille Cattier. Il s'agit de Daniel Cattier et de Marie Breban son épouse. Tous deux sont morts et il faut partager leurs biens entre leurs trois enfants : Philippe Cattier, avocat au Parlement, Marie Cattier (encore une), épouse de Jean Blisson et Anne Cattier, fille mineure émancipée sous l’autorité d’Isaac Cattier, le médecin dont nous avons parlé plus haut.. Ils possèdent en indivis plusieurs maisons : celle du 22 rue Mazarine, une autre à Saint Germain des Prés, rue du Petit Lion , une troisième rue de Brant et deux loges dans la foire Saint Germain.

Accompagné de Michel Delaunay et Mathurin Dury, maîtres maçons, l’architecte Jehan Androuet du Cerceau, est chargé d’expertiser les maisons. Leur rapport est très détaillé. Il nous apprend que la maison qui nous occupe a son entrée sur la rue “du fossé d’entre les portes de Nesle et Dauphine” (notre rue Mazarine) et porte l’enseigne des SIX EMPEREURS. Elle consiste en un corps de logis de deux travées de profondeur sur la rue, elle est élevée de trois étages au dessus du rez-de-chaussée, avec une boutique, une “sallette” derrière et une écurie donnant sur la rue. Les premier et second étages ont une entrée avec une soupente au-dessus, une chambre, une garde-robe avec cheminée et un cabinet. Le troisième étage est en “galletas”, il comporte deux chambres, une garde-robe et un grenier au-dessus.


Extrait de l'expertise


Dans la cour derrière, d’un côté on trouve un appentis servant de cuisine avec four et une petite chambre lambrissée au-dessus et de l’autre côté un édifice de deux étages et un petit corps de logis à trois fenêtres en longueur.

Un corps de logis est construit entre la cour et une petite courelle dans laquelle on trouve un puits et deux appentis dont l’un sert à cuire de la vaisselle de fayence. Un petit jardin clos de mur est derrière.

La maison est estimée à 16 000 livres, ce qui fait porter l’estimation de la totalité des biens immobiliers à 47 000 L.

Le partage a lieu devant maître Girard, commissaire examinateur au Châtelet. Il attribue la maison du 22 rue Mazarine à Marie Cattier et Jean Blisson, son époux, qui l’occupent.

Une déclaration au terrier de l’abbaye de Saint Germain des Près du 13 avril 1684 nous apprend que "Jean Blisson, marchand à Paris, demeurant rue Mazarini, paroisse Saint Sulpice, en la maison où sont pour enseigne LES SIX EMPEREURS […] a reconnu que comme héritier seul sous bénéfice d'inventaire de deffunte Marie Catier (sic) sa mère, au jour de son décès veuve de Jean Blisson, il est détempteur et propriétaire de lad. maison […] consistant en un corps de logis de deux travées de profondeur, couverte de tuilles en comble, esgout sur lad. rüe et sur la cour, appliqué au rez de chaussée à une petite boutique séparée en deux d'une cloison de massonnerie et charpenterie, une salle au derrière de lad. boutique, une allée à costé d'icelle, une escurie attenant sur lad. rüe, quatre berceaux de caves sous led. rez de chaussée, trois estages audessus dud. rez de chaussée et autres lieux, appartenances et dépendances ainsy qu'elle se poursuit et comporte […].

Sa description est très proche de celle qui avait été faite quarante ans auparavant à l'exception des petits édifices en arrière du batiment sur ruequi n'ont plus l'air d'exixter ou qui sont compris dans "les appartenances et dépendances".

Six ans après la maison change de propriétaire. Le sieur Bourdelin va l'acquérir pour 17200 L. Il détiendra ainsi une propriété allant de la rue de Seine à la rue Mazarine.


Les Bourdelin, une famille d’exception

La première génération

Le 24 mars 1655, Claude Bourdelin est donc devenu propriétaire de la maison rue de Seine. L'acte de vente nous indique qu'elle est composée de deux corps de logis, l’un sur le devant de trois étages et grenier au-dessus, et l’autre au fond de la cour. Deux boutiques donnent sur la rue. Elle a pour voisin de droite Louis Gayant, médecin ordinaire du roi et à gauche le sieur Chauvin. Le bail, qui avait été fait aux époux Dallemaigne, vient à échéance dans moins de cinq mois et Bourdelin va pouvoir s’installer.


Mais qui est le sieur Bourdelin ?

I

Madame de Sévigné


l est né en 1621 à Villefranche-de-Beaujolais dans une famille de commerçants. Devenu orphelin très jeune, il arrive à Paris en 1626, avec son tuteur qui est au service de Gaston d’Orléans. Il grandit dans le palais du Luxembourg et se montre un jeune homme fort studieux qui apprend seul le latin et le grec. Il devient “apothicaire en second des écuries de Monsieur puis du corps de Monsieur”, ce qui lui permet de se faire une belle clientèle. Hélas, Gaston d'Orléans s’engage en 1651 à la tête de la Fronde des Princes. Ces désordres politiques inquiètent notre ami Bourdelin. Aussi, sans abandonner sa charge, il s’éloigne du Palais du Luxembourg et vient exercer ses talents d’apothicaire dans l'hôtel de Liancourt, rue de Seine, où le duc de La Rochefoucault, l’auteur des
Maximes, accueille les personnages les plus éminents. Madame de Sévigné y est très intime, Madame de Lafayette, sa grande amie, s’y rend en voisine, Blaise Pascal en est un des hôtes assidus, Molière vient y lire ses comédies.

Son installation dans l’hôtel de Liancourt marque le début de son ascension sociale et de sa renommée. Malheureusement les Liancourt se laissent entraîner dans la querelle entre jansénistes et jésuites et doivent s’exiler dans leur château près de Senlis. Claude Bourdelin, fidèle à ses amis, les accompagne, mais bientôt il s’y ennuie et content de retrouver l'illustre médecin Chicot, il le rejoint à Senlis où il achète une officine.

La bonne société de Senlis se met en quatre pour faire rencontrer à ce célibataire de quarante ans une “bonne personne” afin de le marier. Elle lui choisit Madeleine de La Mothe, de vingt deux ans sa cadette, veuve sans enfant de l’apothicaire Noël Perel. Les noces sont célébrées à Senlis le 13 février 1662 et le premier né se fera attendre cinq longues années puisque Claude II voit le jour à Senlis en 1667. Il sera par contre suivi de près par François, l’année suivante.

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ependant, Claude Bourdelin, tout en laissant sa femme à Senlis, a repris régulièrement le chemin de Paris car Gaston d’Orléans est mort et il doit faire transférer sa charge à la maison de Philippe d’Orléans.

Lorsqu’en 1664 il a l’opportunité d’acquérir la maison qui nous occupe, il ne laisse pas passer l’occasion et s’empresse, le 25 mars, de signer le contrat de vente chez Me Bourin. 

Il s’installe, d’abord seul, dans sa nouvelle demeure, mais sa femme viendra le rejoindre après la naissance de ses deux enfants à Senlis.

Claude Bourdelin devient une célébrité dans le monde scientifique pour la qualité de ses remèdes et son rejet de la saignée. Lorsque Colbert fonde l’Académie Royale des Sciences en 1666, il est le premier sollicité pour y entrer comme chimiste. Il en devient l’un des membres le plus distingué et travaille avec acharnement puisque au cours de sa charge il présente à ses éminents collègues plus de deux mille analyses

Cependant il s’occupe activement de l’éducation de ses deux enfants Claude et François. C’est monsieur du Hamel, secrétaire de l’Académie des Sciences, qui préside à leur éducation. Claude II est un scientifique très précoce puisqu’il comprend à 18 ans l’ouvrage de Lahire sur les sections coniques et traduit Pindare et Licophron. François, le cadet, n’a pas les mêmes inclinations, ses goûts le porte plutôt vers les lettres et surtout les langues étrangères.

Dans la nuit du 20 décembre 1689, toute la maisonnée est réveillée par une agitation extraordinaire : l’hôtel de La Rochefoucault est en feu. Voici ce qu’en dit la marquise d’Uxelles dans une lettre à La Garde :

Je vis hier un spectacle qui me fit horreur : l'hôtel de La Rochefoucauld en est le théâtre. Le feu y prit la nuit, on ne sait comment, du côté du garde-meuble, dans l'aile à main gauche. Tout fut brûlé quant aux combles en deux heures. On a perdu beaucoup de meubles ; tout fut jeté des appartements en bas, dans la cour et dans le jardin, parce qu'on avait peur que les planchers ne tombassent, et il y eut mille personnes qui vinrent au secours et pour voler. Les Augustins firent des merveilles … L'abbé de Marsillac, Mesdemoiselles ses sœurs passèrent la nuit un pied chaussé et l'autre nu, dans le jardin. J'ai bien peur que ce premier ne s'en trouve mal, la gelée étant à pierre fendre … M. de La Rochechouart, averti en diligence, arriva sur les onze heures du matin que le feu commençait à s'éteindre. “

On imagine facilement l’émotion de notre ami qui a tant d’affection pour cet hôtel et ses habitants.

Quelques semaines après ce sont les inondations : "Tout l'hotel de la Rochefoucauld est délogé, persécuté par l'eau, après l'avoir été par le feu; tout ce bas étage est un étang. L'eau est dans notre rue jusque chez M. le Jai" écrit Madame de Sévigné à sa fille le 12 février 16905.

Sans doute aime-t-il tout de même beaucoup son quartier puisque le 4 février 1690 il acquiert par adjudication la maison du 22 rue Mazarine. Claude Bourdelin devient ainsi propriétaire d’un domaine qui s’étend, comme aujourd’hui, de la rue de Seine à la rue Mazarine.

En 1692, Claude a la double joie de voir son fils Claude reçu docteur en médecine de la Faculté de Paris et de l’unir, le 14 novembre, à Françoise Claire Mercier, fille d’un bourgeois de Paris, qui amène en dot la coquette somme de 30 000 livres. La famille Bourdelin n’est pas en reste puisque “en faveur de son mariage”, ils lui donnent 10 000 livres sous forme de rente et la maison de la rue Mazarine qui est estimée à 20 000 livres. La maison est séparée de la maison de la rue de Seine par une balustrade de fer. À ce sujet l’acte de mariage contient un bien curieux article : “ la porte [de la balustrade de fer] demeurera condamnée pour n'avoir point d'entrée ny sortie d'une desdites maisons dans l'autre, touttes fois et quand l'un des parties en requerera l'autre, au lieu de laquelle balustrade sera fait un mur à frais communs(…), lequel mur ne pourra n'estre élevé qu'à la hauteur ordinaire d'un mur de cloture”.

Sage précaution ! Ainsi chacun pourra être chez soi s'il le désire.Voici donc les parents et le cadet qui habitent rue de Seine et l’aîné Claude II et sa jeune épouse qui s’installent rue Mazarine.

Notre apothicaire devient bientôt grand-père puisqu'un garçon naît le 18 octobre 1696. On le prénomme Louis Claude et son destin sera exceptionnel, comme on le verra plus loin.

Malheureusement, un soir d’automne de 1699, notre ami qui a maintenant 78 ans, prend froid en revenant de sa promenade quotidienne. Il s’alite et meurt le 15 octobre.

Fontenelle prononce à son sujet un fort bel éloge à l’Académie réunie en assemblée le 18 novembre 1699. Par l’intermédiaire de l’abbé Bignon, trois noms sont proposés au roi pour son remplacement. Une semaine après la réponse parvient. C’est le prestigieux Lemery qui est désigné













La deuxième génération


Après la mort de Claude I, sa veuve Madeleine, continue à habiter rue de Seine tandis que les deux frères logent dans la maison de la rue Mazarine dont Claude II est un propriétaire attentif puisqu’il en a fait rebâtir au moins une partie entre 1692 et 1702.

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’est un médecin très compétent qui acquiert une réputation de désintéressement en soignant aussi bien les pauvres que les riches. En 1699, l’année de la mort de son père, il est reçu à l’Académie des Sciences comme anatomiste. En 1703, il achète la charge de médecin ordinaire de la duchesse de Bourgogne et en 1708, il devient son premier médecin en prenant la place laissée vacante par le décès de Bourdelot. À cette occasion “il prette serment entre les mains de Madame, à genoux sur un carreau de velours qui luy est présenté par la première femme de chambre”. Ses honoraires s’élèvent à près de 5400 livres par an. Mais sa charge l'oblige à rejoindre la cour à Versailles. On dit que “quand il partit, ce fut une affliction et une désolation générales de tout le petit peuple de son quartier” et “qu’un jour comme il passait dans une rue à Versailles quelques gens du peuple dirent entre eux "Ce n’est pas un médecin c’est le Messie”.

Après la disparition de leur mère en 1703, les deux frères signent une convention de partage dont ils excluent la maison de la rue de Seine qu’ils gardent en indivis et louent au sieur Pradinac, apothicaire. Cependant, pour une raison qu'on ignore, trois ans plus tard, en 1710, Claude II rachète la part de son frère pour 10 000 L. Ainsi les deux maisons sont à nouveau réunies en une seule main...

On rapporte que pour accomplir tous les devoirs de sa charge à Versailles, il prenait beaucoup de café pour “s’empêcher de dormir” et que pour rattraper le sommeil qui lui manquait il s’adonnait à l’opium. “Enfin après être tombé par degrés dans une grande exténuation“, il meurt “d’hydropisie de poitrine” le 20 avril 1711 à Versailles. Comme pour son père, c’est Fontenelle qui prononce son éloge à l’Académie. Il laisse un fils aîné de quatorze ans, Louis Claude, un cadet Henry François, âgé de deux ans et une veuve qui n’est pas très éplorée puisqu’elle ne tarde pas à épouser un beau militaire qui, d'ailleurs, dissipera toute sa fortune.


François Bourdelin, lui, n’a pas embrassé de carrière scientifique comme son frère. Il préfère les langues et parle l’anglais, l’allemand, l’italien, l’espagnol et même quelques rudiments d’arabe. Lorsque M. de Bonrepos est nommé ambassadeur au Danemark, il est agréé comme secrétaire d’ambassade mais la difficulté est d’obtenir l’autorisation de son père. M. Racine et M. Duhamel s’en chargent. Et le père y consent. Il exerce cette fonction dix-huit mois mais sa santé, délicate, ne lui permet pas de rester à Copenhague et il rentre à Paris. Son père lui achète alors une charge de conseiller au Châtelet. Il remplit les vides de cette douce magistrature par des conférences sur les belles-lettres et par une étude particulière de l’Antiquité. Ce goût le conduit à être nommé à l’Académie des inscriptions à une place d’élève.

Cependant il a un ami, le comte de Pontchartrain qui reçoit les dépêches étrangères. Il envoie à François celles qu’il faut traduire et cette besogne secrète a pour lui le charme des plaisirs défendus Lorsque son père meurt, son occupation cesse d’être un mystère et perd de sa magie. Son désir est d’être employé dans des négociations. Il prend la charge de gentilhomme ordinaire parce que c’est souvent dans ce corps que l’on choisit les envoyés dans les cours étrangères.

Il compte sur le crédit de son frère auprès de Madame la dauphine. Hélas, son frère meurt, la dauphine aussi. Découragé il prend le double parti de se marier et d’acheter une terre près de Paris. L'heureuse élue, nous la connaissons. Il s'agit d'Anne Françoise Brion dont il aura un garçon. Quant à la terre, nous n'avons pas découvert où elle se situait, mais il s'agit peut-être de la terre de Rumilly puisqu'il prend le nom de Bourdelin de Rumilly. Toujours est-il qu'elle est à l'origine d'une multitude de soucis et de fatigues pour la mettre en valeur. Son ancienne langueur lui revient, la fièvre s’y joint et l’emporte en moins de trois semaines. Il meurt le 24 mai 1717 à l’âge de 49 ans. Devenu entre-temps membre de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres c’est M. de Boze qui prononce son éloge. Il laisse à cette vénérable institution la description de quelques anciens monuments et un essai de traduction du Système intellectuel de l’Univers de M. Cudworth.



La troisième génération

Louis-Claude, l’aîné de Claude II est né, rappelons-le, le 18 octobre 1696 à Paris. Il perd son père alors qu’il a 14 ans. Sa mère se remarie, en mars 1719, avec un “ayde de camp de l’armée du Roy”, un certain Charles Hardy. Elle quitte la rue de Seine pour s’installer rue des Fossoyeurs. Ne se trouvant pas à l’aise avec ce nouveau père, il quitte le domicile familial pour “aller dans une pension, se livrer tout entier à l’étude des Sciences”. Alors qu’il n'a pas tout à fait terminé ses études, il épouse Madeleine Dubois, fille d’un apothicaire demeurant rue de Bussy.

Le 19 mars 1719, c’est le contrat de mariage auquel des personnages considérables signent : Marie Anne de Bourbon, veuve du prince de Conty, Marie Thérèse de Bourbon princesse de Conty, Louis Armand de Bourbon, prince de Conty et son épouse Marie Louise Elisabeth de Bourbon, Louise Adélaïde de Bourbon, dame Elisabeth Le Coq de Chatillon, du commandant des mousquetaires du Roy, trois conseillers d’état. Hadrien Helvétius, inspecteur général des hôpitaux de Flandres et bien d’autres

La future lui apporte 57 000 livres en dot et il est convenu que le sieur Dubois logera en sa maison les futurs époux, les nourrira et leur fournira un laquais et une femme de chambre. Le futur n’amène que 400 livres de rente et une carrière prometteuse.






























Admis en 1725 à l’Académie des sciences, il y communique plusieurs mémoires sur les sels alcalis et un sel sédatif. En1732 son beau-père meurt en laissant des dettes considérables. Pour préserver l’honneur de sa mère il rembourse les créanciers, avec l’aide de son frère cadet et lui assure une pension.

L’ascension sociale commencée par son grand-père et son père continue puisqu’il devient en 1736 doyen de la Faculté de Médecine, professeur du Jardin du Roy en 1743 (le futur Jardin des Plantes). En 1761, il est premier médecin de Mesdames les filles de Louis XV et a aussi l’honneur d’être membre de l’Académie de Berlin et de celle des curieux de la nature !

En 1740, avec son frère Henry François qui demeurait avec lui rue de Seine, ils décident de partager les maisons de la rue de Seine et de la rue Mazarine. Pour ce faire ils prennent conseil d’un ami, Pierre Paul Danjou qui est architecte et expert. Ce dernier visite les deux maisons “de fond en comble” et conclue qu’elles sont de même valeur. Le partage est signé devant Me de Savigny le 30 juillet 1740. La maison de la rue de Seine échoit à Henry François Bourdelin de Rumilly et celle de la rue Mazarine devient la propriété de Louis Claude Bourdelin. Il est à nouveau convenu “qu’à la première réquisition de l’un d’eux, il sera construit à frais commun un mur de clôture pour séparer la cour qui règne le long d’un bâtiment en aisle lequel tient d’un bout à une autre aisle de la maison de la maison de la rue Mazarine et de l’autre au corps de logis de derrière de la rue de Seine”. Autrement dit chacun sera chez soi...

Cependant “la Nature qui a accordé une longue vie à Louis Claude, ne lui épargne pas les pertes cruelles de ceux qu’il aime”:

En 1750, il voit mourir son frère, Henry François, qui était encore son élève et le compagnon de ses travaux.

Ce jeune frère avait13 ans de moins que son aîné. Il avait épousé en 1742, Marie Françoise Quignon, fille d’un marchand d’Amiens. Un fils Louis-François et une fille, Adélaïde Madeleine, dont il sera question plus loin, sont nés de cette union. Il avait fait ses études de médecine sous l’égide de son frère et était aussi docteur régent de la faculté de médecine. Hélas il meurt dans la force de l’âge, à 40 ans, en laissant deux enfants mineurs.


L’inventaire après décès est fait par Me de Savigny. Il fournit la description de l’appartement qu’il occupait au premier étage de l’immeuble de la rue de Seine.21

On y entre par une antichambre tapissée de damas et ornée d’une table ovale et d’un lit de repos. Une première chambre, qui donne sur la cour, est tapissée de moquette jaune gaufrée, elle est chauffée par un poêle de faïence et comporte un grand lit à bas piliers dont les quatre matelas assurent un bon sommeil, trois fauteuils, six chaises de bois de frêne, une petite table à écrire et un buffet à deux volets et deux guichets complètent l’ameublement. Un petit cabinet de toilette attenant est aussi tapissé de damas, un vieux bureau de bois verni sert de table de toilette. Il est garni d’un service de toilette et d’une glace. Trois portraits de familles, représentants des femmes sont accrochés au mur.

La “salle de compagnie” est une belle pièce dont les deux fenêtres donnent sur la rue. Elle est ornée de quatre tapisseries d’Aubusson, une belle cheminée surmontée d’un trumeau dont les deux glaces reflètent la lumière des deux candélabres qu’on a posé dessus. Une pendule de marqueterie et d’écaille et sa console, faite à Paris par Duchemin, marque de sa sonnerie les heures et les demies heures. Estimée à 120 livres, somme importante alors, elle apporte une note de luxe. Quatre fauteuils et quatre chaises, deux petites tables de jeu et un lit de repos invitent à la détente. Une belle commode de palissandre à dessus de marbre rose complète l’ameublement.

Passons maintenant dans le cabinet de travail. Il a aussi sur la rue Il est chauffé par une cheminée à trumeau à deux glaces. Un bureau de bois verni recouvert de maroquin accueille les travaux du médecin. Aux murs tapissés de damas, on a accroché un tableau de festin ainsi qu’une demi-douzaine d’estampes et un vieux baromètre encadré de bois doré.

En poursuivant notre visite nous trouvons une deuxième chambre suivie de son cabinet de travail. Cette chambre est aussi décorée de quatre tapisseries verdure d’Aubusson. Huit chaises recouvertes de tapisserie à gros points à l’aiguille, un siège de commodité complètent son ameublement. Dans le cabinet attenant, le bureau est recouvert de maroquin noir, un beau baromètre thermomètre, un tableau représentant un festin ainsi que six estampes décorent les murs tapissés de damas. Elle est éclairée sur la rue et chauffée par une cheminée de marbre surmontée d’une glace.

La cuisine donne sur la cour. La cheminée en est la pièce maîtresse. Garnie de quatre chenets, d’un gril, et de trois fer à repasser, son tournebroche à six cordes et chaînes permet d’y dorer les cailles et gigots et la soupe peut tranquillement mijoter dans la bassine de cuivre. Attenante à la cuisine une petite pièce sert sans doute de chambre à la domestique puisqu’elle ne comporte qu’une couchette à bas piliers garnie d’une paillasse.

Voici donc le cadre de vie de la famille Bourdelin de Rumilly. Curieusement on ne trouve dans l’inventaire aucune mention de table pour prendre ses repas ni lits pour les enfants.

Le défunt ne possédait pas moins de 43 chemises de jour garnies de manchettes et de jabots de mousseline et 18 chemises de nuit. Coquet, il avait une canne à pommeau d’or et une montre à cadran émaillé signée Duchemin. Sa veuve possédait tout de même 18 robes accompagnées de leurs jupons, une paire de boucles d’oreille de diamant prisée 240 livres et un collier de perles fines.

La bibliothèque contenait 17 volumes reliés en veau ou parchemin et 223 volumes

À la douleur de la perte que vient de subir la jeune veuve s’ajoutent les soucis matériels : elle a demandé à deux confrères de son mari de la faculté de médecine d’assister au convoi. Il lui en a coûté 8 livres. Elle a loué gants et manteaux de deuil. Il lui en a coûté 20 livres. et encore 50 livres pour “un service de basses messes”. Un parent, le chanoine Delavie, est venu d’Amiens, sa ville natale, pour assister au convoi, elle lui a remboursé 300 livres qu’elle lui devait. Comble de malheur, elle a remboursé à sa tante la même somme quand elle est allée la voir à Amiens après le décès. De plus, la malheureuse n’a point reçu les 30 000 livres en deniers comptants de sa dot, ses parents ne lui ont versé jusqu’à ce jour que les intérêts. Dieu merci la jeune veuve a les revenus des locataires de la maison : Desissard apothicaire loue une boutique tandis que l’autre est louée par Trucheau, cordonnier. M. & Mad. Charpentier loue le second appartement sur le devant, de la maison, l’abbé Picard loge sur le derrière, la demoiselle Fasquel occupe le troisième étage sur le devant tandis que le sieur Bourbonnier loue tout le quatrième étage. Tous ces loyers rapportent 1050 livres par an et elle peut compter sur l’attention bienveillante de son beau-frère Louis Claude qui n’a point d’enfants et qui considère ses neveux comme les siens.

Car Louis Claude poursuit sa brillante carrière. Mais les malheurs se succèdent. En 1762, alors qu’ayant suivi Mesdames les filles de Louis XV à Plombières, il perd sa femme. En 1775 il perd son neveu, le seul héritier de son nom, son disciple aimé. On raconte que très affecté par toutes ces disparitions, il n’avait plus aucun goût à la vie : “il avait depuis l’âge de quarante ans l’habitude de prendre tous les jours un verre de quinquina : il y renonça peu de temps avant sa mort et ce changement fut suivi d’un dépérissement prompt et rapide”. Il mourut sans postérité le 13 septembre 1777.


La quatrième génération

Après la mort de Louis Claude Bourdelin, Adélaïde Madeleine est devenue la seule représentante de la famille. Bien entendu la maison de la rue Mazarine fait partie de l’héritage de son oncle et ainsi à nouveau les deux immeubles sont réunis en une seule main. Devenue veuve, Adélaïde Madeleine ne tarde pas à se remarier. Le 17 messidor an II, elle épouse François Xavier Aubéry. Ce monsieur, qui avait été nommé tuteur des enfants mineurs d’Adélaïde Madeleine, louait un appartement dans l'immeuble de la rue Mazarine. Notre veuve, sa proche voisine, succombe d’autant plus vite à ses charmes que les occasions de rencontres étaient nombreuses ...


Malheureusement le sieur Aubéry est un fieffé personnage. Christian de Rendinger, un des descendants des Bellot de Busy, a fait une étude fort intéressante sur les Bourdelin. Il nous narre que cet homme bien que d’une noble famille et grand vicaire de Lyon avait défroqué et joué les sans-culottes pendant le Révolution. Une fois marié à Adélaïde Madeleine Bourdelin qui avait une très grosse fortune, il fit tant et si bien qu’il dressa sa femme contre ses enfants nés de son premier mariage. Il dépensa joyeusement la fortune, fort belle, de son épouse et le couple, retiré à Pontoise, mourut dans la misère.



















En 1812, il n’y a plus de Bourdelin au 21 rue de Seine.


Des besoins urgents d'argent se font sentir chez les Aubéry et le 24/10/1812 par-devant maître Herbelin, Adélaïde Madeleine Bourdelin vend les deux maisons des rues de Seine et Mazarine, à monsieur Simon Crouillebois et à Elisabeth Dijoux son épouse.

Le sieur Crouillebois est entrepreneur en bâtiments, qui avait été propriétaire de l’HOTEL DE SENS jusqu’en février 1810.

L’acte de vente nous fournit une description assez précise des deux maisons :

"La maison rue de Seine consiste en deux corps de logis séparés par une petite cour, l’un sur le devant composé de deux boutiques et arrière boutiques, passage d’allée au milieu, cinq étages de chambres et grenier au dessus, et l’autre par derrière composé au rez-de-chaussée d’une chambre servant d’atelier et d’une écurie, cinq étages de chambres dont le dernier est en mansarde, caves sous les bâtiments, lieux d’aisance, puits et escalier”.

La maison rue Mazarine consiste en un grand corps de logis, avec ailes en retour à droite et à gauche, élevée de quatre étages dont le dernier est en mansardes, au rez-de-chaussée cuisine et loge du portier, porte cochère sous laquelle est un puits, grand escalier pour communiquer aux appartements, caves, lieux d’aisance, cour dans laquelle se trouvent un puits et divers bâtiments attenant et joignant le corps de logis principal à celui de derrière la maison rue de Seine, lesdits bâtiments en bas de petite cuisine, escalier, écuries et bûcher avec chambre et grenier au-dessus”.

Cette maison ne reste pas longtemps entre les mains du sieur Crouillebois puisque sept ans après, exactement le 9 juin 1819, il la vend au sieur Robert Augustin Lecouturier et à son épouse Élisabeth Éléonore Deslandes, moyennant soixante-quinze mille francs de prix principal. Il n’a apporté aucun changement aux deux maisons puisque l’acte de vente en donne la même description.


Des Lecouturier aux Salignac Fénelon

Robert Augustin Lecouturier était veuf sans enfant lorsqu’il épousa en pluviose an VI Marie Eléonore Deslandes, elle-même veuve de André Chaupoulot dont elle avait eu un enfant. Ils demeuraient à Saint Maurice où apparemment il n’exerçait aucune profession. Ils ont évidemment quelques revenus, lui d’une ferme en Charente et des prés à Charenton et elle de placements qu’elle a faits “chez divers particuliers”. Ils auront un fils, Augustin Lecouturier, qui épousera Emilie Clara Loup dont le destin sera étonnant.

Après la signature de l’acte de vente, le sieur Lecouturier et sa femme viennent s’installer dans la maison de la rue de Seine, dans un appartement du second étage, composé de cinq pièces. Il y décède le 15 octobre 1828. L’inventaire nous apprend que le sieur Crouillebois avait fait un emprunt de 20 000 F qu’il a remboursé par la suite.

Son épouse vient habiter un appartement au premier étage, du côté de la rue Mazarine. La pièce d’entrée, qui donne sur la cour, sert de salle à manger. Elle est chauffée par un beau poêle de faïence et meublée d’une table en acajou à rallonges et sept chaises en merisier. Le salon est éclairé sur la cour par une fenêtre aux rideaux de satin jaune. Il est meublé d’un canapé, six fauteuils, quatre chaises, une armoire et un guéridon à dessus de marbre, tous en acajou. La cheminée est ornée d’une pendule, de deux candélabres en bronze et d’une glace au cadre de bois doré, quelques gravures sous verre complètent le décor un peu austère. La pièce suivante, qui donne sur la rue Mazarine, semble servir de lingerie puisqu’elle comporte une commode (en acajou) et une armoire (en acajou) remplies de linge de maison et de vêtements. La chambre à coucher qui, on le devine, est aussi meublée en acajou est confortable. Le lit ne comporte pas moins de trois matelas de laine et deux rideaux pour abriter la dormeuse des courants d’air. Un fauteuil couvert de damas vert lui tend les bras à son réveil. Quatre fauteuils gondoles invitent les visiteurs à s’asseoir. La maîtresse de maison serre ses papiers dans un secrétaire dont l’intérieur en bois de citronnier éclaire un peu ce décor austère. Un chiffonnier et une table de jeu complètent le mobilier.

Voici donc le cadre de vie quotidien de madame Lecouturier. Elle y décédera le 15 mai 1844. Des papiers trouvés lors de l'inventaire font état du monument funéraire qu’elle a fait élever pour son mari comme d'une "permission de police" de réparer et faire construire dans les maisons des rues de Seine et Mazarine. Mais, sur ce dernier point, on n'en sait guère plus ...

Madame Lecouturier avait eu d’un premier mariage avec le sieur Chaupoulot un enfant portant le prénom étonnant de Décius. De sa seconde union avec le sieur Lecouturier était né un garçon, Augustin. Ses héritiers sont donc frères utérins. Le 28 décembre 1844 ils viennent signer devant maître Hubert le partage des biens de la succession de leur mère. Les affaires ne sont pas très claires entre eux : Augustin revendique une somme de 8 000F que les époux Lecouturier auraient payée pour le remplacement de son demi-frère au service militaire, Décius rétorque qu’Augustin doit 9 000F pour un prêt que lui avait fait sa mère. Finalement, un accord intervient et le partage peut se faire !. Il attribue à Augustin Lecouturier les maisons des rues de Seine et Mazarine qui sont occupées à la fois par la famille Chaupoulot et par la famille Lecouturier. Les maisons sont estimées à 120 000 francs lors du partage, ce qui représente une belle plus-value.



Augustin Lecouturier ne profite pas longtemps de son état de propriétaire puisqu’il décède à son tour le 25/09/1849. Il avait épousé en 1826 Emilie Clara Pasmier Loup, mais ceci est une autre histoire comme on le verra plus loin.


Il est temps de faire le point sur les deux immeubles tels qu’ils se présentent à l’a succession.

Les Archives Nationales mettent à la disposition du public les plans des maisons de Paris qui furent établis rue par rue entre 1822 et 1850. Les plans des maisons qui nous occupent y figurent et sont présentés à la page suivante. Comme on pourra le constater, ils présentent plusieurs défauts :

- Ils ne comportent pas de date,

- Ils ont subi plusieurs rectifications de numérotation,

- Le propriétaire indiqué est M. Couturier - au lieu de Le Couturier.

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Aussi, pour établir de façon certaine qu’il s’agit bien des immeubles du 21 rue de Seine et du 22 rue Mazarine, ils ont été comparés à ceux d’un plan cadastral numéroté, établi par Jacoubet. On y retrouve bien le même plan. Comme un acte notarié indique qu’un jugement du tribunal de grande instance a fixé le nom du propriétaire comme étant celui de Lecouturier (et non Couturier), le doute est levé ...





















Sur le plan de droite, le mot Mazarine est barré puisqu'à l’époque où il a été fait les deux maisons n’en faisaient plus qu’une, dont l’adresse était celle de la rue de Seine.

Sur les calepins des propriétés bâties de 1862, il est indiqué que l’immeuble de la rue de Seine a une entrée par porte d’allée et deux croisées de face. Un premier corps de bâtiment donne sur la rue, il est double en profondeur, élevé de quatre étages carrés et d’un cinquième lambrissé. Le deuxième corps de bâtiment se situe entre deux cours, il est de même élévation.

Quant au bâtiment sur la rue Mazarine, il a son entrée sur la rue par une porte cochère dans un corps de bâtiment élevé de trois étages et un quatrième lambrissé, il se poursuit en aile à droite par un bâtiment simple en profondeur. `Sur le calepin de 1876, il est inscrit qu’il y a eu des modifications en 1885 : le bâtiment entre deux cours a été détruit et remplacé par un bâtiment à gauche des deux cours, simple en profondeur et de six étages.




Le destin fabuleux d’Emilie Clara Loup

Augustin Lecouturier est meunier à Saint Denis au moulin Choiseul. Il est alors associé à Anne Emilie Saunier pour le commerce de grains et de farine et la fabrication de vermicelle. Par plusieurs actes du 9 février 1826 signés devant Me ..... elle donne à Augustin Lecouturier sa fille Emilie Clara Parmier Loup, cède sa part dans la société et son bail du Moulin Choiseul et des bâtiments d’habitations qui l’accompagne. Sa fille Emilie a 17 ans. Après leur mariage, ils s’installent à Royaumont, petite commune d’Asnières sur Oise, où il décédera en 1849. Après son décès, l’usufruit de la maison est à elle, mais la nue-propriété appartient à Décius Chaupoulotdemi-beau-frère. Ce dernier consent à vendre cette nue-propriété à Emilie par un contrat passé devant Me Hubert le 19 mars 1850, ceci moyennant 30 000 F.

Quatre ans plus tard, Émilie Clara Palmire Loup se marie une deuxième fois, cette fois-ci elle choisit un certain sieur Grandjean-Delisle qui est avocat au conseil d’Etat.



En 1862 le sommier foncier indique toujours la même propriétaire, mais elle fait place en 1870 au comte de Salignac Fénelon qui demeure quai d'Orsay. En 1876, un changement important intervient : le corps de bâtiment entre les deux cours est barré et remplacé par la mention “ bâtiment à gauche, simple en profondeur. Enfin en 1894 la maison est léguée à Victoire Elisa Blancard, épouse Destrez. Elle semble comporter six étages au lieu de cinq.

Depuis 1934, d'après le cadastre, la maison appartient à la société immobilière Seine-Mazarine à la suite d’une vente du 20 novembre1933.

À l'heure actuelle, la maison s'étend toujours de la rue de Seine à la rue Mazarine. Elle est entièrement ravalée. Le bâtiment sur rue comporte une allée sous le bâtiment qui aboutit à une première cour ornée d’une fontaine puis à une deuxième cour plus vaste donnant sur un bâtiment profond au bout duquel on aperçoit une magnifique porte cochère donnant sur la rue Mazarine.

1 AN MC XXI/125, 20/11/1634. L'acte concerne le 19 rue de Seine et indique qu'Aagé Cattier est le propriétaire de la maison de droite.

2 Il écrira

3 AN,MC,XXIII/105

4 Ibid VI/402

5 Lettres de Madame de Sévigné annotées par M. Monmerqué, édition de 1862, tome IX P. 490