Sainctot-Danès

Vieux lignages et hommes nouveaux.

Une famille de bourgeoisie ancienne, les Danès, un famille de bourgeoisie nouvelle, les Sainctot, qui, précisément succèdent à une des branches des Danès, en reprenant leur entreprise de teinturerie de fil et soie.

Il faut noter que la branche des Danès teinturiers était la moins bien implantée à l'Hôtel de Ville. C'étaient les drapiers qui occupaient les charges de quartenier et d'échevin. Ces drapiers quittèrent le commerce comme les teinturiers pour aller à la chambre des Comptes : Robert Danès, quartenier et échevin, était greffier en chef de la chambre et secrétaire du roi. Il est peut-être le quartenier dont le statut social était le plus relevé durant tout l'Ancien Régime et était le frère du fameux humaniste et helléniste, Pierre Danès, précepteur de François II et évêque de Lavaur. Jacques Danès, fils du teinturier devenu secrétaire du roi, fut président à la chambre des Comptes et prévôt des marchands sous Henri IV.
L'histoire des Danès est très intéressante à décrire sur le long terme, car leur réussite fut très diverse, se concluant par une condamnation pour usurpation de noblesse dans les années 1690, alors que les fils de cette branche parvenaient au parlement (conseiller clerc) ou au Bureau des finances, l'un d'entre eux l'abbé Danès, conseiller clerc, se faisant l'historien du lignage.

Etienne Sainctot, natif de Troyes, entra en apprentissage à seize ans et pour quatre ans chez Jacques Danès le jeune, qualifié en raison de son jeune âge d'« honnête personne ». Ce jeune patron promettait le vivre et le couvert à son apprenti et 20 livres « au fur et a mesure que le temps escherra »

M. C., LXXXVI 12 f° 169, 19 juin 1543, contrat d'apprentissage. Cet événement est mentionné dans B. N., Pièces originales 2607 n° 71.. On ne sait trop rien du milieu d'origine d'Etienne Sainctot. Il se maria en 1560 avec la fille d'un praticien, Pierre Gomin
M. C., LXXXVI 218, 27 avril 1628, inventaire après décès de Catherine Gomin, titre 1 (contrat passé devant Barrière et Legendre, le 30 juin 1560).. On ne connaît pas les conditions de cette union. Mais, quand la soeur de Catherine, Marie Gomin, épousa un autre teinturier de toile, fil, laine et soie, Martin de Chars, elle ne recevait en dot que 1000 livres, plus ses habits filiaux, et le douaire préfix ne montait qu'à 400 livres
M. C., XIX 257, 21 novembre 1574, contrat de mariage. CXII 302, 8 mai 1618, inventaire après décès de Martin de Chars, sa fille Marie avait épousé en 1600 Pierre Abelly, le frère d'Antoine (ci-dessous), receveur général des finances de Limoges, qui a fait faillite.. L'ancien maître d'Etienne Sainctot s'était marié avec Marie Rouillé, fille d'un gros marchand drapier en 1546 : les deux futurs apportaient chacun 3000 écus et le douaire était de 1000 écus
M. C., LXXXVI 15, 3 mars 1546 n. s., contrat de mariage.. La fortune de Jacques Danès, encore marchand, mais en passe de changer d'état et, d'ailleurs provisoirement de religion (il fut trésorier du parti huguenot) écrasait absolument celle de son ancien serviteur auquel il laissa son entreprise sans doute en 1560
M. C., LXXXVI 218, 27 avril 1628, inventaire après décès de Marie Gomin, titre 13, liasse de vingt et une pièces concernant les inventaires, sociétés et dissolutions depuis 1560 jusqu'en 1598..
La réussite d'Etienne Sainctot fut impressionnante : il mourut seigneur de Vemars, près de Dampmartin-en-Goële, et laissant une fortune considérable à ses quatre héritiers, qui réussirent une implantation remarquable à l'Hôtel de Ville. L'inventaire qui accompagnait la dissolution de la société entre le père et le fils, en 1598, faisait apparaître 65275 écus 51 sols 6 deniers de dettes (actives ou passives) que le fils reprenait à son compte. Le capital en jeu était donc considérable, aux alentours de 200000 livres, en un temps où le commerce parisien récupérait des temps troublés des guerres civiles
Ibid., titre 126, 31 mars 1598..

Pierre Catherine Marie Marguerite
Echevin 1604 * 1580 * 1585 * 1587
Quartenier Léon Frénicle Antoine Abelly Jacques de Creil
Conseiller de Ville 1/ secr. de mr. md vin md mercier
Md teinturier frère du roi quartenier quartenier
Entrepreneur 2/ receveur Ville échevin 1617 échevin 1597
de soie 3/ rec. pr rentes
banquier
* 1583
Anne Vize
Dots
15000£ 6000£ 9000£ 12000£
Douaires préfix
5000£ 1800£ 3000£ 4000£
Préciputs
1200£ 600£ 900£ 900£
Apport du futur
9000£ / 9000£ 12000£
les Danès (père et fils) idem absents
signent en premiers
comme « amis »
Les enfants sont égalés sur la part de Marguerite en 1597
LXXXVI 218, 27 avril 1628, titre 6, 22 avril 1597 (Joyeux et Parque).. Finalement, en 1619, la part de chacun des quatre enfants dans les successions paternelle et maternelle est fixée à 55416 livres 13 sous 4 deniers, soit une succession totale qui approche des 230000 livres (à ajouter aux 48000 livres distribuées lors des contrats de mariage)
Ibid., titre 10, 17 mai 1619 (Parque et Guerreau)..


Sources : M. C., LXXXVI 115 f° 786 v°, 22 décembre 1580 (mariage Frénicle/Sainctot), LXXXVI 119 f° 389, 3 juillet 1583 (mariage Sainctot/Vize), IX 112 f° 42, 17 février 1585 (mariage Abelly/Sainctot), LXXXVI 126, 25 janvier 1587 (mariage de Creil/ Sainctot)


En se mariant avec Anne Vize, Pierre Sainctot épousait la pupille de Jacques Danès, l'ancien patron de son père, qui était le beau-frère de la future à cause de Claude Danès, sa soeur, première femme de Claude Vize
Denis Richet, « Une société commerciale Paris-Lyon dans la deuxième moitié du XVIe siècle », conférence prononcée à la Société d'histoire de Paris et de l'Ile-de-France en 1965, publiée dans De la Réforme à la Révolution, op. cit., p. 317-339.. Ce mariage rapprochait Pierre Sainctot de l'Hôtel de Ville, puisque les Perrot étaient témoins, l'un Claude, de la branche cadette, ancien procureur du roi et de la Ville devenu président des requêtes du Palais, l'autre Pierre, cadet de la branche aînée, procureur du roi et de la Ville en exercice, tous cousins de la future.

Les relations entre les Danès et les Sainctot durèrent : Pierre Sainctot empruntait 1200 écus à Jacques Danès le jeune, le président des Comptes, en 1598...
M. C., LIX 16, 4 mai 1598, constitution de 100 écus de rente. Le président des Comptes et son fils, aussi président des Comptes, futur évêque de Toulon, signent comme « amis » aux contrats de mariage des enfants de Pierre Sainctot dans les années 1620 et 1630.
La faveur du roi à Pierre sainctot vint sans doute de l'éphémère aventure industrielle de la place royale (la grande manufacture de soie), mais, devenu banquier, Sainctot fut un financier important
XVI 22, 5 juillet 1604, avec Guillaume Parfait, contrôleur général de la Maison du roi, Jean André Lumagne et Nicolas Lecamus, il constitue Paul Mascrani de Lyon pour cautionner le fermier général des gabelles en Lyonnais pour 90000 livres par an durant huit ans. Voir Françoise Bayard, . Il laissait à sa mort une fortune très considérable. En 1639, il égalait ses six enfants sur le pied de 80000 livres (un septième était religieux à Saint-Denis en France). Le reste de ses biens fonciers et autres montait à 300000 livres, plus six lots de partage des rentes de 530 livres environ, dont la capitalisation paraissait incertaine
M. C., LXXXVI 261, 27 mai 1639, disposition prise par Pierre Sainctot pour sa succession ; LXXXVI 262, 23 août 1639, partage..

Mariages des enfants de Pierre Sainctot et Anne Vize

Catherine Pierre le jeune Nicolas Anne
26-12-1607 14-7-1622 25-4-1627 16-1-1633
dots 36000£ 45000£ 73500£ 80000£
apport du futur 1/2 office 60000£ 70000£ /
trés. de France office de trés. office de trés.
à Limoges de France à Tours de France à Tours
douaire préfix 12000£ 20000£ 24000£ 32000£
préciput : 3000£ 3000£ 3000£ 5000£

Deux des fils restèrent célibataires : Etienne, conseiller clerc au parlement, bien sûr, et Jean-Baptiste qui devint en 1638 grand maître des cérémonies de France et gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, il est, à ce titre, un peu connu.

A remarquer que les Sainctot, après Pierre 1, se désintéressèrent des affaires de la Ville. Il est remarquable aussi qu'ils ne se soient pas perpétués, mais cela était un fait du hasard. Ils jouèrent un certain rôle dans la vie culturelle : gendres poètes, belles-filles célèbres précieuses...

Il est sûr que la réussite des Sainctot fut impressionnante. Ils n'égalaient cependant pas les Danès
Jacques 3, conseiller parlement, puis président des Comptes, épousait le 14 septembre 1584 Anne Hennequin, fille d'un maître des Requêtes, avec 30000 livres de dot et lui constituait un douaire de 1200 livres de rente (en capital, 14000 livres)
M. C. LXXVIII 130, 14 septembre 1584.. Le partage de sa succession, en 1621, montait à 51696 livres pour les meubles ; l'aliénation des propres de lui s'élevait à 77242 livres, celle des propres d'elle à 88000 livres, sans tenir compte des propres demeurés en nature ; la communauté atteignait 143350 livres. Les rapports des dots des trois filles (75000 livres chacune) à 225000 livres, l'également du fils avec un supplément, revenait à 48000 livres (il avait reçu 30000 livres). Le total, sauf erreur de calcul, était de 633288 livres
M. C., LIX 55, 17 mai 1621, partage..
Jacques 4, conseiller au Grand Conseil, puis président des Comptes, et enfin évêque de Toulon, épousait en 1623 Anne de Thou, fille du président Jacques Auguste de Thou, qui lui apportait ses droits, dont 120000 livres ; le douaire était de 3000 livres de rente, rachetable 48000 livres et le préciput de 10000 livres. On atteint des niveaux nettement supérieurs (deux fois 1/2) à celui des enfants de Pierre Sainctot, dont, cependant, les conventions matrimoniales « décollent » entre 1622 et 1627. Cependant le partage de la succession de Jacques 3 Danès (même si les propres, dont l'importante seigneurie de Marly-le-Ville, ne sont pas évalués) semble, vingt avant, il est vrai, ne pas atteindre la fortune de Pierre Sainctot.
Il reste vrai qu'il est difficile de comparer les fortunes marchandes et les fortunes des magistrats : les dots des derniers devaient être plus fortes pour garantir le crédit commun, tandis que les parents marchands ou financiers, conservaient leurs biens pour en aider leur progéniture à laquelle ils ne faisaient pas aveuglement confiance.

26 avril 2006


© Robert Descimon 1999-2006