LXVIII46Texier

LXVIII 46, 22 juin 1580

Aujourd'huy est comparu en la presence des notaires du roy, nostre sire en son Chastelet de Paris soubszygnés, n h et saige mr me Nicolas Texier conseiller du roy, nostre sire, en sa court de parlement a Paris, s'est transporté avec lesd notaires soubzignez par devers et a la personne de noble damoiselle Marguerite Dupré, veuve de feu n h et saige mr me Jehan Texier, aussi en son vivant conseiller du roy, nostre sire, en sa court de parlement et presidant es enquestes d'icelle, sa mere, estant en son hostel et maison sciz en la rue Barre du Becq, a laquelle ledict sieur Texier, sond filz, luy auroit dict et declaré que comme suyvant sa volonté et commandement tres expres il ayt depuis ung an en ça prins alliance par mariage en tel lieu que lad damoiselle a voulu, en faveur duquel mariage et auquel autrement les Sieur Texier ne voulloyt entrer, prevoiant combien il luy seroit difficile de tenir ung train et estat raisonnable et convenable pour luy et sa femme et tenyr maison, ne recevant tant de biens en mariage comme il eust peu faire ailleurs, lad damoiselle, sa mere, voulant quoy qu'il en fust que led mariage pourparlé sortist son effect, auroict promis les loger, ce qui s'entendoit et devoit entendre honnorablement et convenablement selon leur estat pendant la vye de lad damoiselle, ainsy qu'il est porté par led contract moyennant la somme de cinquante livres tournois par an seullement et oultre les nourrir avecq leur train pour deux ans moyennant la somme de cinq cens livres qu'elle auroit promis aud sieur Texier, son filz, en faveur dud mariage, a quoy led Texier s'estant accordé, le mariage consommé et de present icelluy sieur Texier ayant femme enceinte, au lieu de le trouver bon par les autres enfans de lad damoiselle, freres et soeurs du Texier, ilz en auroyent prins telle envie, speciallement monsieur me Pierre Bouguier et damoiselle Cecille Texier, sa femme, et, sur ce, auroyent tellement envyronné, posseddé et persuadé lad damoiselle, facile et prompte a croire que au lieu de l'affection et amityé maternelle qu'elle soulloyt porter aud Texier son filz aisné et a la femme qu'il a espousée, elle a commancé et contynué de leur faire et a leurs gens plusieurs traictemens qu'il ne rentrera poinct en cest endroict et lesquelz neanmoings on pourra facillement presumer et conjecturer de ce qu'elle s'est tant oubliée que de se despouiller et dessaisir des a present de tout son bien et le donner a ses autres enfans et gendre au prejudice dud sieur Texier, lequel en sa vye ne luy donna cause de le voulloir priver et exhereder comme il espere bien monstrer et veriffier lors et quant il en sera besoing contre autres que contre lad damoiselle, sa mere, avecq laquelle il ne veult pour rien avoyr plaid, contention ne proces, mais bien avecq lesd sieur Bouguier et sa femme qui pour venir demourer en la maison d'elle la tenir en leur lacqz et la possedder, luy ont imprimé tout ce qu'ilz ont voulu contre led Texier et sa femme tenans l'un des freres d'icellui Texier innertille (?) en leur maison et en retirant ung autre, lequel pareillement perd son temps, pour en fin cuyder s'approprier et s'impatroniser de la mere des enfans et de leur bien au prejudice dud Texier, auquel Dieu ayant donné le moyen de conduire les affaires de lad damoiselle sa mere et de gouverner ses freres qui sont en bas aage, est faict par ce moyen tout deshonneur et scandalle et combien que tous ce que led Texier a peu faire jusques a present ayt esté de couvrir le mieulx qu'il a peu les imouvemens (?) advenuz et qui adviennent chacun jour a son tres grand desplaisir et regret en ceste maison et famille, toutesfoys voyant que de tant plus qu'il s'esforce de les couvrir et cacher, de tant plus led Bouguier et sa femme s'esforcent les manifester, ne s'estant pas contentés d'avoyr praticqué ceste donation unyverselle et l'avoyr fait insynuer, mais daventaige depuis huict jours en ça, ayant induict et persuadé lad damoiselle leur mere a faire venir certains notaires en sa maison et en leur presence faire certaines sommations et declarations aud sieur Texier pour en lever acte, ce que led sieur Texier ne pouvant de prime face supporter, n'auroyt peu s'abstenir de respondre avecq quelque aigreur. Toutesfoys, desirant suyvant les commandemens tres expres qu'il a souventesfoys receuz de feu monsieur son pere de conserver le plus qu'il pourra l'honneur de sa maison et famille, Dieu luy ayant donné quelque moyen d'y mettre ordre, encores que ce ne puisse estre sans grand destourbier et revocations de ses affaires et sans grand torment d'esprit, ne voulant se lasser de souffrir pour le bien de toute sa famille, il prie en premier lieu lad damoiselle sa mere vouloyr oublier tout ce qui est cydevant passé entre eulx, l'asseurant qu'il luy sera a jamais tres obeissant filz ayant tousjours devant les yeulx le commandement de Dieu qui est d'honorer lad damoiselle sa mere, mais aussy de luy vouloir tenir les promesses qu'elle luy a faictes par son contract et traicté de mariage qui est de le loger convenablement en sa maison qui est plus que capable. Item de le nourrir convenablement, se voullant bien contenter de tout ce qu'elle vouldra moyennant que luy, sa femme et leur train puisse vivre en paix avecq elle, offrant par led sieur Texier luy fournir et desduire tout ce qu'il est tenu par sond contract et traicté de mariage, et au demeurant a ce qu'ilz ayent occasion et moyen de vivre pour l'advenir en paix, amytié et concorde et ce que pour les debatz, contentions et differendz qui peuvent estre entre eulx mesmes par la suggestion dud sieur Bouguier et sa femme, ilz ne soyent contrainctz d'entrer en proces et manifester leurs dissensions en justice pour estre mis en la bouche de tous, offre a lad damoiselle de croire de tous leurs differendz messieurs Prevost, seigneur de Morsan, presidant, de Thou, conseiller et advocat du roy et de La Guesle, procureur general dud sieur en lad court de parlement, l'ung desquelz, scavoyr led sieur presidant de Morsan faict cest honneur a lad damoiselle, sa mere, et aud Texier son filz, de les recongnoistre pour parens et alliez, et les deux autres de les tenir pour bons amys et a chacun desquelz lad damoiselle a desja verballement faict sa plaincte au dire et advis desquelz led Texier offre s'obliger et submettre soubz telles peines, clauses, charges et modiffications qu'il plaira a lad damoiselle, sa mere faire apposer et mectre, supplyant et requerant humblement lad damoiselle, sa mere, luy voulloyr donner responce promptement ou bien dedans le temps et delay qu'elle vouldra prendre, et, a ceste fin, de dire le lieu, jour et heure qu'elle vouldra assigner pour retourner par devers elle prendre sa responce

Laquelle damoiselle veuve Texier a faict responce qu'elle veult loger led sieur Texier son filz comme elle est tenue au corps d'hostel qu'il tient, scavoir de cuisine et salle joignant et petite despence proche la chambre ou couchent ses serviteurs joignant celle dud sieur Texier, comptouer dessus et lad chambre dud sieur la ou il est de present, deux greniers et une cave et estable, le tout deppendans de lad maison, et du reste de lad maison s'entend lad damoiselle y loger, comme ayant moityé en icelle maison et quant a la nourritture, elle offre leur bailler les cinq cens livres, neanmoins par led contract de mariage, suyvant la demande de sond filz a elle cydevant faite par luy, joinct qu'elle n'est tenue de nourrir leur train et pour le regard de la suggestion de la donnation cy dessus mentionnée pretendue avoir esté faite par led sieur Bouguier, son gendre, dict qu'elle l'a faicte de sa plaine voluncté, sans avoir esté aulcunement sugeré, et que si elle estoit a faire, elle la feroit pour les causes que son filz aisné et sa femme l'ont bastue, oultragée et injuriée et pour le regard de ce qu'il dict qu'il veult et entend ayder et subvenir a ses freres et procurer leur bien, dict lad damoiselle au contraire qu'ilz n'osent venir en lad maison au moyen des deffences a eulx faictes par led sieur Texier, son filz, et qu'elle n'ose boire ne manger avec led sieur Texier et sa femme, craignant qu'ilz ne l'oultragent et injurient comme ilz ont cydevant fait, l'appellant par ces motz « la premiere folle de sa race, yvrongnesse et sacq a vin et sorciere et vieille beste », luy faisans dire lesd injures et autres aussi par leur servante nommée Marye Rohart, et qu'il luy est impossible de faire demeurre avecq eulx, sinon en sepparant leurs demeurres de lad maison, mesme que lad damoiselle femme dud sieur Texier luy a dict et declaré que se elle la faschoit, elle auroit gens qui luy feroient boire a elle et a sa fille Bouguyer et enfans jusque a leur sang
Se soubzmettant de tout ce que dessus au dire, jugement et advis desd sieurs susnommez, lesquelz elle prie et requiert d'y mettre ordre, ainsy qu'ilz verront pour le mieulx et pour obvyer a tous inconveniens et differendz qui se pourroient mouvoir entre eulx pour raison de ce que dessus, dont et desquelles choses lesd partyes ont requis acte ausd notaires a eulx octroyé ces presentes pour leur servir et valloir en temps et lieu ce que de raison
Ce fut fait, requis et octroyé double, l'an mil cinq cens quatre vingtz le mercredy vingt deuxiesme jour de juing apres midy en l'hostel desd partyes susmentionnées
Signature de Marguerite Dupré (fort belle). Nicolas Texier n'a pas signé.
Lybault et Bergeon






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