Loyseau1
Charles Loyseau (1564-1627). les paradoxes d'un juge seigneurial
Jurisconsulte que Roland Mousnier a littéralement ressuscité parmi les historiens de notre siècle
Roland Mousnier, Les hiérarchies sociales de 1450 à nos jours, Paris, PUF, 1970, qui fait de Loyseau le théoricien général des « sociétés d'ordres »., Charles Loyseau, fut, entre 1600 à 1610, bailli de Châteaudun ; c'était un bailliage seigneuriale dont Catherine de Gonzague, fille du duc de Nevers et veuve du duc de Longueville, était la « dame » ; Loyseau compta donc parmi les plus importants magistrats seigneuriaux. Cependant il écrivit un Discours de l'abus des justices de village (1603) qui constitue une critique radicale de ceux qu'il appelle les « juges guestrez » et de leur « justice borgne » (Seigneuries, VIII § 97, p. 45)
L'édition citée est celle des Œuvres, Lyon, la Compagnie des libraires, 1701, qui n'est pas la meilleure. Il faut lui préférer celle de Paris, Aubouyn, 1666, que Claude Joly supervisa. Je cite Lyon, 1701, simplement parce que j'ai la chance de la posséder grâce à mon ami Jean Nagle. On mentionne dans le texte même de la communication les références par livre, chapitre et paragraphe lesquelles permettent de se repérer dans toutes les éditions, mais en indiquant la page de l'édition de 1701. et, plus radicalement encore, de l'existence même de justices seigneuriales. Ce paradoxe trivial
A l'époque des Lumières, les critiques les plus éclairées des juridictions seigneuriales émanent également d'officiers seigneuriaux (voir André Giffard, Les justices seigneuriales en Bretagne aux XVIIe et XVIIIe siècles (1661-1791), Paris, A. Rousseau, 1902, réimpr. Brionne, Gérard Montfort, 1979, p. 258-266). Leurs projets de réforme ont des fondements théoriques conformes à la tradition de la science du droit, mais leur approche, pour modérée qu'elle soit, est déterminée par l'esprit nouveau du XVIIIe siècle. se résout assez facilement si l'on prend en compte les divers niveaux où s'exerçait l'institution judiciaire seigneuriale, mais il éclaire peut-être toute l'oeuvre du jurisconsulte : c'est bien sa vision du monde qui explique les prises de position de Loyseau, auteur dont la pensée est cohérente, mais l'expérience sociale et intellectuelle bien française
Brigitte Basdevant-Gaudemet, Aux origines de l'Etat moderne. Charles Loyseau 1564-1627, théoricien de la puissance publique, Paris, Economica, 1976, p. 99 sqq. y a insisté : « Loyseau ignore le droit comparé ». Ce livre très utile est le plus couramment cité sur Loyseau aujourd'hui. Sur le contexte intellectuel, l'oeuvre admirable de Donald Kelley, par exemple, « Jurisconsultus perfectus : the Lawyer as Renaissance Man », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 51, 1988, p. 79-102, repris dans The Writing of History and the Study of Law, Londres, Variorum, 1997, XIII. en ce qu'elle est liée aux formes particulières de la construction monarchique après la disparition de la « France des principautés », au XVe siècle, et après la crise des guerres de Religion, au XVIe.
La présente communication se propose de mettre en contexte les écrits théoriques de celui qui fut peut-être l'avant-dernier ou le dernier juriste penseur politique de la tradition monarchique
William Church, « The Decline of the French Jurists as Political Theorists, 1660-1789 », French Historical Studies, 5, 1967, p. 1-40, explique que les juristes du XVIIe siècle se mirent à nourrir un autre projet intellectuel que leurs devanciers. Bien sûr, c'est Cardin Le Bret qui, avec De la Souveraineté du roi, en 1632, donna le dernier grand traité politique de la tradition juridique française. Mais, né en 1558, Le Bret était plus âgé que Loyseau, et s'il résolut aux yeux de ses pairs bon nombre de problèmes juridiques encore en partie pendants, la médiocre réception politique de son oeuvre par Richelieu marque le caractère décalé de son entreprise.. Cette réflexion prend pour point de départ les textes de Loyseau dans leur complexité qui correspond à un moment donné de l'évolution de la science du droit en Europe, mais elle s'appuie aussi sur ce qu'on peut reconstituer de ses pratiques sociales d'après certains actes notariés conservés au Minutier central des notaires parisiens. L'expérience de la Ligue
On rappellera le jugement fort pertinent de Jean Lelong, La vie et les oeuvres de Charles Loyseau (1564-1627), Paris, Fontemoing, 1909, p. VII : « c'est un assez curieux mélange de verve sarcastique et de loyalisme mystique ; il apparaît comme un apôtre du droit divin avec les libres allures d'un bourgeois de la Ligue ». La thèse de Lelong offre un commentaire assez littéral des oeuvres de Loyseau, mais il a été le dernier à s'intéresser à la vie du jurisconsulte, sur laquelle il avait réuni un matériau considérable., véritable non-dit de l'oeuvre de Loyseau, malgré les condamnations a posteriori qu'il porte sur elle, la sensibilité religieuse du catholicisme intégral et son statut d'avocat rendent compte d'une vie en demi-teinte où l'écriture tint sans doute une place fondamentale.
1. Des critiques qui prêtent à confusion
L'opinion de Loyseau sur les juridictions seigneuriales se déduit du Discours des abus des justices de village, mais aussi des chapitres consacrés aux officiers seigneuriaux dans le Traité des offices (livre V). Le Traité des seigneuries, auquel le Discours devait s'intégrer selon le projet initial, n'est pas non plus indifférent à la question des justices seigneuriales (chapitres 8, 9, 10 15). De son aveu même, la pensée de Loyseau s'est approfondie entre 1603 et 1608-1610
Seigneuries, X, 2, p. 53, explique d'ailleurs que le Discours de l'Abus... fut écrit et publié pour influencer le projet de réformation de la justice que, croyait-on, préparait la monarchie en 1603.. Mais les constantes de son appréciation et de ses raisonnements sont évidentes.
Il est avéré que Loyseau qualifie d'« absurde » l'existence de juges seigneuriaux. La puissance publique des officiers dépend « de la puissance souveraine et universelle du monarque »... « Il s'ensuit bien que, selon la raison, il ne devrait avoir autres officiers que les siens »... en bon principe, les seigneurs ne devraient donc pas posséder de justice et ils n'en ont que par « usurpation ». « Car supposé, comme il sera prouvé, que toutes ces petites justices des seigneurs, procedent non de raison et justice, mais d'une pure usurpation, il est aisé à entendre qu'on ne les peut regler par la raison, parce que ce seroit chercher la raison où il n'y en a point et vouloir regler par raison ce qui est contre raison : mais, au prix que l'usurpation a esté plus grande ou moindre, il s'est enfin trouvé plus ou moins de pouvoir en chacune justice, et comme on dit en telles matieres, tantum praescriptum, quantum possessum » (Abus, p. 2). En outre, les justices seigneuriales ont l'inconvénient pratique de multiplier les degrés de justice aux dépens des plaideurs. Et elles se trouvent disqualifiées par le soupçon permanent que le seigneur y fait agir ses juges dans son intérêt particulier et qu'il s'érige en juge et partie
Le Discours de l'abus... revient longuement sur les conséquences néfastes pour les habitants de la dépendance du juge par rapport à son seigneur (par exemple, p. 11).. (Il va sans dire que le fonctionnement réel des justices seigneuriales, qui tenaient une place similaire aux justices de paix d'après la Révolution, peut fort bien ne pas avoir correspondu aux déductions doctrinales des juristes
Pierre Villars, Les justices seigneuriales dans la Marche, Paris, Pichon-Durand, 1969 ; Jean Gallet, La seigneurie bretonne (1450-1680), Paris, Publications de la Sorbonne, 1983, avaient déjà commencé la révision de l'ancienne historiographie hostile aux institutions seigneuriales, parce qu'elle se plaçait du point de vue de l'Etat. ).
Cependant une autre interprétation semble concurrencer celle de l'« usurpation » : l'origine des justices seigneuriales pourrait se trouver dans les arbitrages gracieux des notables : « ce peuple, usant de sa franchise naturelle et du simple droit des gens, estant sans loix et sans magistrats (car ce fut sous Arcadius et Honorius, enfans de Theodose, que la Monarchie Françoise commença) se rapportoit de ses differends, et mesme de la punition des coupables, aux principaux de chacun village » (Abus, p. 1). Et, plus loin (p. 3), Loyseau avance : « de tout temps, la coûtume des Seigneurs d'un village a esté, quand ils voyoient naistre quelque procès entre leurs habitans, de les mander et les ouir afin de tascher à les accorder ». L'interprétation dogmatique n'exclut donc pas par une interprétation historique, ni la justice contentieuse la juridiction volontaire. C'est un des intérêts de l'oeuvre de Loyseau de faire coexister un dogmatisme intransigeant avec une volonté de rendre un compte précis des formes juridiques en cours dans le royaume de France.
A travers cette dialectique de la norme idéale et de la « la coûtume inveterée » (dit l'Abus, p. 9), Loyseau dénonce l'aporie de toute explication rationnelle de la distinction entre haute, moyenne et basse justices
Discours de l'abus..., p. 1 : « il est encore plus malaisé de sçavoir quel est le pouvoir du plus haut, du moyen et du bas justicier. Car c'est chose estrange et honteuse que depuis que les justices sont en usage, les gens de justice n'ont encore peu distinguer les especes de justice »., ce qui est tranché dans le vif un débat qu'il juge oiseux
Loyseau discute au fond la théorie de la jurisdictio et des deux imperia dans Seigneuries, X § 3-36 et dans Offices, I, 6 : la moyenne justice caractérise les « médiocres seigneuries » et retrouve toute sa dignité théorique et pratique. Dans le Discours de l'abus..., p. 13, il présentait un projet de réforme introduisant « un ordre très beau et très net aux justices de France » : les prévôts royaux et les juges seigneuriaux auraient la simplicem jurisdictionem, les présidiaux le mixtum imperium, les parlements le merum imperium. Pour la polémique sur la nature de l'imperium romain et son déplacement dans la théorie de l'office chez Bodin et Loyseau, voir Myron P. Gilmore, Argument from Roman Law in Political Thought 1200-1600, Cambridge, Harvard U. P., 1941.. A ses yeux, la « moyenne justice » serait une création arbitraire des jurisconsultes entichés de romanisme (Abus, p. 7). Quant à la « basse justice », il en distingue « deux especes », « à sçavoir les prevôtez, qui est le second degré de Jurisdiction des comtes, vicomtes, barons et chastelains, et les justices foncieres et domanieres des simples seigneurs » (Abus, p. 6). La distinction trouve plus de clarté dans Seigneuries, X § 38 (p. 55) qui oppose « basses justices personnelles » et « basses justices réelles ». La basse justice regrouperait donc le premier degré de justice qu'il soit royal, seigneurial ou municipal, et la « justice réelle» dont les « gentils-hommes se sont fait accroire que cette justice fonciere leur appartenoit comme inherente par droit commun et general à leurs fiefs et seigneuries » (Abus, p. 5). Le chapitre X du Traité des seigneuries (§ 40-54, p. 56) sonne presque comme une excuse auprès des jurisconsultes pour la désinvolture avec laquelle l'auteur avait abordé cette question d'école en 1603 ; il apporte en effet un très important correctif doctrinal au Discours de l'abus : seules les justices foncières proviennent de l'usurpation, en raison de l'assimilation indue par les praticiens de la seigneurie directe (qui est privée) et de la seigneurie publique qui seule est droit de justice. Quant aux « basses justices personnelles », c'était « anciennement toutes les justices de village, provenuës de concession ou érection et non pas d'usurpation, je dis toutes sans exception » (§ 40), leur propre étant de juger les causes personnelles jusqu'à soixante sols. L'analyse de Loyseau a donc grandement évolué et en vient à légitimer une bonne part de la hiérarchie judiciaire seigneuriale telle qu'elle fonctionnait. Mais elle reste fidèle au cadre d'une reconstitution doctrinale logiquement déduite des prémisses d'un raisonnement qui accorde au roi le « gouvernement » de la haute justice, laquelle « appartient seulement au Juge éternel » qui l'a confié au souverain (Abus, p. 1).
Car, après ses grandes tirades doctrinaires, Loyseau a coutume d'ajouter qu'il n'a pas à former dans ses livres « la République de Platon ». Il reconnaît donc les fonctions des officiers des justices seigneuriales qui méritent le titre de « vrai magistrat ». Ainsi, argumente-t-il, on ne peut nier que les officiers seigneuriaux aient le « commandement » et qu'ils soient « fondez en territoire » dans lequel ils exercent la justice sur les personnes et les biens
Offices, V, 1 § 38, p. 281 ; voir aussi Abus, p. 5, se référant à la définition du magistrat par Bodin.. Ils sont donc « juges des lieux » ou « juges ordinaires des lieux », comme disent les ordonnances royales. Mais Loyseau introduit une importante précision que fonde un critère de taille : « la loy Pupilius § territorium. De verb. Signif. dit que le territoire est le droit du magistrat, ce que j'entends des juges des villes closes seulement, qui habent justum tribunal et perfectum territorium et dont la juridiction est exempte de tout soupçon d'avoir été usurpée »
Offices, V, 1 § 39, p. 281 ; Seigneuries, XII. La loi est au Digeste, L, 16, 239, 8, qui dit simplement : « Territorium est universitas agrorum intra fines cujusque civitatis : quod ab eo dictum quidam ajunt quod magistratus ejus loci intra eos fines terrendi, id est summovendi jus habent » (Corpus juris civilis, Theodorus Mommsen et Paulus Krueger, éds, Berlin, apud Weidmannos, 1928, t. 1, p. 919).. Le territoire ne peut donc pas être revendiqué par les « juges des villages » « qui de bas justiciers qu'ils étoient ont usurpé la haute justice et la possèdent abusivement ». Ces affirmations constituent sans doute une réponse de Loyseau à la question classique de savoir si la justice « an feudo adhaerat an dominio an territorio »
Dans Seigneuries, IV § 22-31, p. 21, Loyseau approfondit la question au plan théorique et conclut que la justice « suit le territoire comme son correlatif », établissant entre eux une liaison de nécessité logique. : le droit de juger serait un attribut en quelque sorte naturel lié au ressort, qui juridiquement ouvre la connaissance des causes d'appel (Abus, p. 9 ; Seigneuries, VIII § 76, p. 44), et politiquement équivaut à un pays défini par les privilèges de son chef-lieu
L'idée n'implique nullement l'homogénéité du territoire. Gustave Dupont-Ferrier, Les officiers royaux des bailliages et sénéchaussées et les institutions monarchiques locales en France à la fin du Moyen Age, Paris, Bouillon, 1902, carte hors texte, après p. 874, cartographiait le ressort par des « tentacules » reliant les sièges subalternes au principal. Alain Guerreau a montré, « Quelques caractères spécifiques de l'espace féodal européen » dans L'Etat ou le roi. Les fondations de la modernité monarchique en France (XIVe-XVIIe siècles), Neithard Bulst, Robert Descimon et Alain Guerreau, éds, Paris, Editions de la Maison des sciences de l'homme, 1996, p. 92, qu'« une telle forme de représentation est strictement liée à un organisation sociale où les structures étatico-administratives jouent un rôle clé ». Il est bien possible que la théorie de Loyseau sur le « territoire » ait participé d'un projet modernisateur anti-féodal.. L'idée semble en relation avec la conception de la « réalité » des lois, opposée à l'idée de lois « personnelles »
Flach, op. cit., p. 219-313, voyait se succéder une phase de désagrégation et une phase de reconstitution de la justice territoriale au fur et à mesure de l'affirmation du pouvoir seigneurial. S. L. Guterman, From Personal to Territorial Law. Aspects of the History and Structure of the Western Legal-Constitutional Tradition, Londres, Methuen, 1972. Loyseau constate ailleurs que les coutumes sont réelles (Seigneuries, XII, § 31, p. 68)..
En outre, Loyseau construit avec beaucoup de soin les prérogatives des juges seigneuriaux face à leur seigneur et même face aux officiers royaux. Contre ces derniers, il instruit une interprétation de la prévention qui limite largement les initiatives centralisatrices, mais aussi égoïstes, des magistrats des sièges royaux
Suite du discours de l'abus..., p. 16 et Offices, V, 2, § 72, p. 291. . Il conteste aussi aux juges royaux la juridiction sur les chemins royaux (Seigneuries, IX § 72, p 51) et leurs prétentions à « s'attribuer la connaissance de la police, encore qu'il n'y ait rien de plus certain que la police est une des parties de la justice » (Suite du discours de l'abus..., p. 22). Finalement, sur le modèle des bénéfices ecclésiastiques soumis au patronage ou sur celui des apanagistes, il proposait de « laisser aux seigneurs le choix de leurs officiers » et de « referer au roy seul l'institution », si bien que les juges seigneuriaux deviendraient royaux, qu'ainsi les « absurditez et inconveniens » cesseraient et que les seigneurs y trouveraient « un grand accroissement à leurs justices » (cas royaux, exemption des frais des procès criminels...)
Offices, V, 1 § 33, p. 280. Voir aussi, Seigneuries, XIV..
Contre les seigneurs et contredisant ouvertement la jurisprudence, Loyseau tâche de montrer que la révocation ad nutum des officiers pourvus à titre gratuit va contre la raison et qu'en cas de résignation, aucune taxe de mutation (quart denier) ne devrait être due au seigneur comme collateur de l'office
Offices, V, 5 et V, 3 § 45 et suivants, p. 297.. Cette argumentation, soignée quoique paradoxale, peut évidemment passer pour un plaidoyer pro domo en faveur des juges seigneuriaux contre les seigneurs. Toutefois elle participe aussi à la légitimation d'une image du seigneur comme gentilhomme détaché de ses intérêts matériels et soucieux d'entretenir la fidélité de ses serviteurs. Une « dialectique des statuts »
Le concept est emprunté à Raffaele Ajello, « Potere ministeriale e società al tempo di Giannone. Il modello napoletano nella storia de pubblico funzionario », dans AA. VV Pietro Giannone e il suo tempo, Raffaele Ajello (dir.), Naples, Jovene, 1980, t. II, p. 450-511. Mais, quoique l'auteur se réfère à Roland Mousnier, l'expression est à prendre objectivement, et non comme une tentative subjective de donner le pas à la robe sur l'épée (Voir note suivante) oppose dans l'oeuvre de Loyseau les nobles d'épée et les gens de plume, en particulier les juges, mais elle se complète avec l'acceptation des dépendances personnelles créées par les relations de fidélité et de clientèles qui unissaient les puissants aux moins puissants. Loyseau est un juriste qui n'a rien d'un novateur. A ses yeux, les seigneurs sont des patrons qui devraient être préoccupés des gains de leurs dépendants, non des leurs. En outre, ils entrent dans la hiérarchie des pouvoirs publics. A ce titre, « le haut justicier a droit comme magistrat propriétaire du village de preceder en iceluy et dans les limites de la justice, tous ceux qui y sont residens, encore que plus grands seigneurs que luy, comme étans ses sujets justiciables » (Seigneuries, XI §14, p. 60). On sait que la division des trois ordres est chez Loyseau concurrencée par la distinction majeure entre « ceux qui commandent » et « ceux qui obéissent) (Ordres, avant-propos, p. 1) ; c'est elle qui fonde la préséance des officiers publics sur les gentilshommes comme personnes privées, mais elle se retourne contre les officiers en faveur des seigneurs, quand ces derniers sont dans le ressort de leur « fonction publique en propriété »
Roland Mousnier, Les institutions de la France sous l'Ancien Régime, Paris, PUF, t. 1, 1974, p. 14-24, qui développe une analyse, à notre sens, insoutenable du Traité des Ordres, quand il y repère la prétention de substituer à la prépondérance des nobles d'épée celle des robins.. La visée est de nature juridique et politique, non sociale.
On voit que Loyseau combine au moins deux oppositions et deux opinions : l'une presque métaphysique, qui différencie offices royaux et offices seigneuriaux pour dénier à ses derniers toute légitimité s'ils ne trouvent pas leur raison d'être dans le caractère public de leur fonction ; l'autre sociale et spatiale, structurant l'organisation territoriale, qui oppose les villes closes aux campagnes, les grands seigneurs aux petits et les officiers gradués aux ignorants. Cependant Loyseau ne peut disconvenir que les rois aient toujours été libres des formes de délégation par lesquelles ils entendaient commettre une partie de leur pouvoir, y compris celui de juger
Suite du discours de l'abus, p. 16 : les justices « qui ne sont fondées que sur l'usurpation, n'aiant été ni concedées ni confirmées par le Roy, sont sans doute abusives ; mais de douter que celles qui sont établies par le Roy soient légitimes, ce seroit douter de sa puissance ».. La thématique de l'usurpation est donc recoupée par celle de la délégation. Le raisonnement de Loyseau semble formé par une double hostilité : la première est caractéristique des légistes royalistes, ennemis de la « féodalité » (ou de ce qu'ils définissaient eux-mêmes comme tel), l'autre semble un trait de citadin, plein de mépris pour les campagnes et leur culture. Les sentiments de Loyseau sont donc d'ordre politique et d'ordre intellectuel. L'hostilité au « droit des seigneurs » se double et se renforce d'une hostilité au « droit des rustiques ». Mais Loyseau n'en demeure par moins, dans le dessein même de son oeuvre, un pur jurisconsulte, soucieux de pratiquer la « science du droit » d'une manière qui le fasse reconnaître par ses pairs. La double hostilité qui guide la plume de Loyseau doit donc être analysée à nouveaux frais suivant une interprétation théorique.
2. Les racines théoriques du Discours.
La question des justices seigneuriales a fait couler beaucoup d'encre et il ne saurait être question de la reprendre au fond
Pour l'Ancien Régime, la somme de Pierre Jacquet, Traité des justices des seigneurs et du droit en dépendant, Lyon, Reguillat, 1764. Pour un résumé de la doctrine académique, Robert Villers, Les justices seigneuriales, cours de D. E. S. polycopié, Paris, 1963-4.. La maxime fief et justice n'ont rien de commun a acquis un caractère quasi sacré chez les juristes absolutistes
Voir Giffard, op. cit., p. 32-33, qui pointe la « contradiction » d'un système qui admet à la fois que la juridiction seigneuriale est un « droit public », issu d'une concession royale, et qu'elle est « inhérente au fief » devenu, dans la doctrine des jurisconsultes, un « droit privé ». Ce livre reste un classique sur « l'exception bretonne ». Le jurisconsulte qui s'est le mieux dégagé de la doxa juridique de l'Ancien Régime est Pierre Hévin, Questions et observations concernant les matières féodales, Rennes, 1736. et chez les historiens du droit
Les deux temps décisifs de l'établissement du dogme dans l'histoire du droit après la Révolution sont les publications de Paul Lucas-Championnière, De la propriété des eaux courantes..., ouvrage contenant l'exposé complet des institutions seigneuriales, Paris, Ch. Hingray, 1846 et Ernest Champeaux, Essai sur la Vestitura ou saisine, Paris, Fontemoing, 1898, livre particulièrement subtil et profond. . L'adage connaît une exception embarrassante en Bretagne. C'est précisément cette exception qui permet de saisir le mouvement historique auquel a donné lieu l'esprit du féodalisme. Pour les tenants d'un Etat éternel dans ses fonctions et son essence
La non réception des travaux de Jacques Flach (voir note suivante) tient à cette mise en cause : « il faut se défaire une bonne foi de ce vieux préjugé historique qui imagine la persistance ininterrompue, depuis l'époque carlovingienne, d'une justice publique aux dépens de laquelle la justice privée se serait constituée » (Introduction à Amédée Combier, Les justices seigneuriales du bailliage de Vermandois sous l'Ancien Régime, Paris, Fontemoing, s. d. [1897], p. XII)., la maxime fief et justice n'ont rien de commun a en effet une mission stratégique : elle permet de faire éclater le paradigme du pouvoir féodal qui unissait en une unité consubstantielle le pouvoir sur les terres et le pouvoir sur les hommes. Cette unité fonde ce qu'on a appelé la relation de dominium
Alain Guerreau, « Fief, féodalité, féodalisme. Enjeux sociaux et réflexion historienne », Annales Economie Sociétés Civilisations, 45 / 1, 1990, p. 137-166 et L'avenir d'un passé incertain. Quelle histoire du Moyen Age au XXIe siècle ?, Paris, Seuil, 2001, p. 26-8 ; Jacques Flach, Les origines de l'ancienne France, Paris, Larose et Forcel, 4 vol. 1886-1917, t. 1, Le régime seigneurial, véritable bête noire de ses confrères juristes. L'interprétation « domaniste » trouve ses principaux tenants chez Montesquieu, qui prit la peine de réfuter Loyseau, et chez Fustel de Coulanges. qui créait une homologie structurelle entre le dominium féodal et le dominium royal
Robert Descimon, « L'union au domaine royal et le principe d'inaliénabilité. La construction d'une loi fondamentale aux XVIe et XVIIe siècles », Droits, 22, 1996, p. 90.. La dissociation opérée entre fief et justice répondait incontestablement à une finalité libérale, à laquelle Loyseau, comme les autres juristes, n'était pas insensible : le roi était le garant suprême de la franchise des sujets et le servage paraissait une survivance inacceptable. Il s'agissait de créer une coupure de nature entre le pouvoir royal, transcendant, qui avait sa source dans la volonté divine (souveraineté, majestas), et le pouvoir des seigneurs, privé (dominium), installé dans des droits particuliers de propriété. Le roi est seul à pouvoir revendiquer légitimement des « sujets ». La patrimonialisation de la justice ne peut dans ces termes n'être pensée que comme « absurde ». Cependant la contradiction reçoit une solution « pourveu toutefois qu'on distinguast soigneusement ce qui est de la directe d'avec la propriété et seigneurie utile de ces justices » : « le roi a toûjours la seigneurie directe de toute justice seigneuriale relevant en fief de luy : et, à cét égard, il est vray que les officiers des justices relevans du Roi sont aucunement ses officiers » (Suite du Discours..., p. 23). La structure juridique de la féodalité est donc toujours pensée comme une contribution au pouvoir royal.
Car une autre leçon se dégage de la description de Loyseau : la seigneurie se définit par l'union du fief et de la justice
D'un point de vue empirique, on peut se référer à la récente synthèse de Jean Gallet, Seigneurs et paysans en France 1600-1793, Rennes, Ouest-France, 1999, qui confirme l'analyse de Loyseau (p. 29, il parle des « véritables seigneuries avec terres, fiefs et justice »). Gallet, p. 30-32 (« le territoire de la juridiction ») discute aussi en termes historiques des rapports entre fiefs et justices. Pour cet auteur, « il y avait en réalité deux structures différentes suivant l'un des deux principes » sur une base régionale. Mais une telle réponse ne peut satisfaire à l'exigence de comprendre la genèse de l'organisation des seigneuries. Toute la discussion historique peut être mise en rapport avec les analyses et polémiques concernant la « seigneurie banale ».. L'argument particulier, d'apparence imparable, que le fief et justice étaient séparables, pouvant relever, l'un d'un ressort, l'autre d'un autre, se trouvait limité par un argument plus général : la justice avait besoin d'une seigneurie pour support, car le fief et la justice sont les « deux parties nécessaires à l'être de la seigneurie » et « la justice ne peut être sans fief » (Seigneuries, IV § 29, p. 21 ). Cette association n'épargne pas même la royauté : « comme c'est le propre de toute seigneurie d'estre inherente à quelque fief ou domaine, aussi la souveraineté in abstracto est attachée à l'Estat » (Seigneuries, II § 7, p. 8). Loyseau évoque alors la « remarquable union du fief et de la justice », qui est une conséquence de la conquête franque (Seigneuries, IV § 20, p. 21), et précise : « c'est bien une vraie union, union des deux ensemble en un seul corps et titre de seigneurie. Mais neanmoins les deux parties retiennent à part leur diverse nature », encore est-ce une union inégale, « parce que la justice est comme accessoire et dependante du fief » (Seigneuries, IV § 32, p. 21). Loyseau bâtit « à sa mode » la définition « seigneurie suzeraine est dignité d'un fief ayant justice » (Seigneuries, IV § 2, p. 20). Ainsi, comme forme particulière de pouvoir déléguée par le roi, la seigneurie, caractérisée par « la puissance publique en propriété » (Ordres, I § 6, p.3), paraît irrégulière par rapport à l'office, mais le rejoint dans la catégorie de « dignité ». Or la dignité est essentiellement liée à l'exercice de la fonction judiciaire et de la police qui lui est annexée. C'est ce qui justifie les grandes justices seigneuriales qui sont des dépendances comme naturelles des fiefs tenus par les plus grands nobles : « Voilà la vraye origine des justices seigneuriales, qui du commencement n'appartenoient qu'aux grands Seigneurs ayans non un simple fief, mais un dignité, comme Ducs, Comtes, Vicomtes, Barons et chastellains, ausquelles dignitez a desormais tenu et reputé le droit de justice estre uni et incorporé, comme une naturelle dependance d'icelles » (Abus, p. 2). Seules sont illégitimes « les justices de village qui sont au dessous de celles des fiefs de dignité » (Seigneuries, X § 3, p. 53), car elles ne correspondent pas à des seigneuries (qui signifient « qualité d'honneur »), mais à des « sieuries » (qui viennent de sien et signifient « propriété » (Seigneuries, XI § 6, p. 60)
La pertinence empirique de cette distinction a été montrée par Jean Gallet, La seigneurie bretonne (1450-1680), Paris, Publications de la Sorbonne, 1983., p. 79-124 et passim.. Le concept de dignité est la clef qui permet à Loyseau de penser la légitimité de l'organisation sociale et politique du royaume en relation avec les notions de grâce et d'office.
Suivant des conceptions quasiment théologiques, la grâce du roi apparaît comme la justification ultime de tout le système de délégation des pouvoirs qui fonde l'appareil de l'Etat monarchique. Le roi, représentant de Dieu, est source de toutes les dignités terrestres en son royaume (Offices, II, 2 § 23-27, p. 101 et Ordres, 6 § 35, p. 36). Il est une « fontaine de faveurs » (comme dit le dramaturge élisabéthain J. Webster) qui se déverse sur ses serviteurs, qu'ils soient d'épée ou de robe, selon leurs mérites qui manifestent leurs aptitudes aux « dignités ». Cette conception archaïque de l'Etat met en oeuvre une idée de la dignité pure qui s'oppose frontalement aux pratiques de la vénalité. Loyseau donne une expression personnelle à une vision du monde social qui est largement partagée par les légistes. Le président de Thou écrit à propos de la « paulette » un commentaire éloquent qui porte une condamnation absolue reposant sur la même axiomatique que celle de Loyseau dans son Traité des offices
Jacques Auguste de Thou, Histoire universelle, XIV, CXXXII, trad. fr., Londres, 1734, p. 325.. Il s'agit d'un déni d'« Etat moderne ». Car la grâce royale, même dans la dimension métaphysique que lui confère la dignité, est un médium trop féodal pour permettre de passer d'une conception personnelle de l'exercice du pouvoir royal à une conception publique en référence au bien commun du royaume.
L'analyse que propose Loyseau des justices seigneuriales se comprend néanmoins dans le cadre de son projet général tel que l'a expliqué H. A Lloyd : « justifier la monarchie absolue dans sa sphère propre, la sphère de la fonction publique identifiable avec l'office »
Howell A. LLOYD, « The Political Thought of Charles Loyseau (1564-1627)”, European Studies Review, 11, 1981, p. 57 et 75. . L'office, conçu comme dignité, c'est-à-dire fondé dans la sphère des entités corporatives liées au bien de la communauté
Ernst Kantorowicz, Les deux corps du roi, Paris, Gallimard, 1989 (1957), p. 278-289., consacre l'ensemble des formes de pouvoir légitime depuis celui du roi jusqu'à ceux qu'il communique à ses officiers. Selon un modèle vicarial, le roi est le représentant de Dieu dans son royaume et les officiers les représentants du roi. La délégation doit toujours résulter d'une concession royale explicite et exclut la « propriété » et la patrimonalisation des charges tenues pour publiques. C'est ici que Loyseau rencontre la réalité historique « féodale », contre laquelle il polémique dans la tradition de Charles Du Moulin
Loyseau semble complètement fidèle à la leçon de Charles Du Moulin, Commentaire de la coutume de Bourbonnais, Opera, t. II, Paris, Besoigne, 1625, p. 757 : « Juridictio enim est publica potestas, fundus res autem privata, illud est publici juris, hoc privati, illud de se velut res sacra extra commercium, hoc autem in commercio »... Jean-Louis Thireau, Charles Du Moulin 1500-1566 : étude sur les sources, la méthode, les idées politiques et économiques d'un juriste de la Renaissance, Genève, Droz, 1980, p. 240-248.. Ce mouvement de pensée est révélateur des transformations politiques du royaume de France au XVIe siècle. Un des mobiles qui poussent Charles Loyseau à écrire son Traité des offices (1608) est son refus de l'évolution qui permettait aux familles des officiers de transformer à leur guise (en profitant de la grâce royale de payer le droit annuel en 1604) la « finance » des offices en un bien patrimonial, soumis comme les autres « marchandises d'estat » (droits domaniaux, droits aliénés, rentes sur les hôtels de ville) au fait du prince
L'expression « marchandise d'estat » est empruntée à Loyseau, mais son sens est ambigu : s'agit-il de « l'Etat » ou d'« état », au sens de statut social ? On opte pour la première hypothèse, plus stimulante, mais la seconde semble mieux fondée (par exemple, Offices, III, 2 § 5, p. 152) !. La séparation du « public » et du « privé » n'avait rien d'évident sous l'ancienne monarchie, si ce n'est, très relativement, sous la plume de certains légistes
On renverra sur ce point aux réflexions de Georges Chevrier, « Remarques sur l'introduction et les vicissitudes de la distinction entre jus privatum et jus publicum dans les oeuvres des anciens juristes français », Archives de philosophie du droit, 1, 1952, p. 5-77..
La distinction théorique de l'office et du fief n'est pas si facile qu'il y paraît à première vue. Un détour par le royaume de Naples permettra de relativiser l'enseignement de Loyseau. Dans un royaume très « féodal », socialement assez éloigné des réalités françaises, mais qui a été dominé par des « Français » et qui fut, comme la France, un des centres européens de la scientia juris au XVIe siècle, la réflexion des jurisconsultes soulignait toute l'ambiguïté des distinctions des formes de la puissance publique. « Le principal élément de faiblesse et d'incertitude dans le cadre juridique de référence des officiers méridionaux consistait dans le défaut de définition du concept même d'office, dans l'impossibilité d'user d'un critère juridique original pour distinguer l'office et le fief », écrit un juriste italien par ailleurs spécialiste de la France
Vittor Ivo Comparato, Uffici e società a Napoli (1600-1647), Florence, Olschki, 1974, p. 168.. Pour V. I. Comparato, dans le cadre du féodalisme propre au Mezzogiorno, il y a impossibilité de séparer logiquement la juridiction féodale et la juridiction royale. Cette assertion n'est pas contestée ; elle amène à discuter l'analyse célèbre de Federico Chabod sur « l'Etat de la Renaissance » selon laquelle « l'Etat se concentre tout autour de ces deux pôles, le pouvoir du souverain, la hiérarchie des officiers, voilà ce qui est essentiel »
Federico Chabod, « Y a-t-il un Etat de la Renaissance ? », dans Actes du colloque sur la Renaissance (1956), Lucien Febvre, Augustin Renaudet, Emile Coornaert (dir.), Paris, Vrin, 1958, p. 65 et suivantes.. « Je crois qu'aux XVIe et XVIIe siècles, le rapport entre le monarque et les officiers fut plus féodal que Chabod l'avait supposé », a objecté R. Mantelli
Roberto Mantelli, Il pubblico impiego nell'economia del regno di Napoli, Naples, Jovene, 1986, p. 381.. Un autre historien du Sud parle d'un phénomène de « prébureaucratisation du fief » en commentant Scipione Rovito (1556-1636), qui proclamait : « Barones dicuntur regii officiales », et Matteo de Afflictis (Matteo d'Afflitto (1450-1523), un des très grands juristes de la Renaissance) qui expliquait : les feudataires sont « officiales regis in terris eorum »
Aurelio Cernigliaro, Sovranità e feudo nel regno di Napoli (1505-1557), Naples, Jovene, 1981, t. 1, p. 147 et 481-2.. A Naples, dans les années 1530 où l'on apure les contentieux nés de l'invasion française de 1527, on observerait un processus de « conversion généralisée du rapport féodal de personnel (relation souverain / feudataire) en fonctionnel (structure judiciaire-administrative convergent dans le rapport couronne / barons) »
Cernigliaro, op. cit., p. 157 et suivantes.. Le fief peut fort bien subir une « modernisation » qui l'intègre à l'Etat dit, non sans abus, « moderne ». A Naples, l'office, qui est lui-même une forme plurielle, est l'exception administrative et la gestion baronniale (ou la gestion par les communautés villageoises) la règle
Mireille Peytavin, « Naples 1610. Comment peut-on être officier ? », Annales Histoire Sciences sociales, 52 / 2, 1997, p. 265-291. Voir la communication de cette historienne dans les actes de la présente table ronde.. On a pu parler, ici ou là, de la féodalisation de l'office
Sur la prétendue « rifeudalizzazione », Giovanni Muto, « La feudalità meridionale tra crisi economica e ripresa politica », Studi storici Luigi Simeoni, 36, 1986, p. 29-55 et Anna-Maria Rao, « Nel Settecento napoletano : la questione feudale », Quaderni della Fundazione Feltrinelli, 38, 1989, p. 51-106.. A n'en pas douter, l'évolution de la société et de la monarchie françaises au cours du XVIe siècle se distingua du chemin emprunté par Naples, dont le roi se tenait en Espagne. Les théories de Loyseau, dans le sillage de celles de Du Moulin, de Bodin et de la plupart des jurisconsultes français, mais non de tous, rendaient compte d'un mouvement d'intégration à l'Etat monarchique des élites urbaines dont l'idéologie pouvait être assez opposée à la domination de l'ancienne noblesse terrienne
Cette lecture sociologique a été abondamment développée depuis Roland Mousnier, La vénalité des offices sous Henri IV et Louis XIII, Paris, 2e éd. Paris, PUF, 1971. Ralph E. GIESEY, « State-Building in Early Modern France : The Role of Royal Officialdom », Journal of Modern History, 55, 1983, p. 191-207.. En France, il ne s'est pas formé comme en Sicile ou à Naples un « bloc de pouvoir » entre le baronnage et les togati
Vittorio Sciuti Russi, Astrea in Sicilia. Il ministero togato nella Società siciliana dei secoli XVI e XVII, Naples, Jovene, 1983, p. 82-90.. Loyseau n'est pourtant pas plus favorable aux justices municipales qu'aux justices seigneuriales
Traité des seigneuries, XIV § 19-21, Loyseau dénonce « l'absurdité de la bourgeoisie » ; XVI § 76, il explique que « le merum imperium » « en un Estat monarchique, ne doit point estre communiqué au peuple ». Dans l'Abus des justices de village, la formulation était plus violente et relayée par une analyse directement politique.. Il faut interpréter les conditions sociales de production d'une oeuvre intellectuelle comme une composante des significations globales et parfois contradictoires mises au jour par l'auteur, et non comme l'expression d'intérêts personnels ou comme la production d'intérêts catégoriels. Il n'y a aucune contradiction entre les positions dogmatiques de Loyseau et sa carrière dans l'office seigneurial plutôt que dans l'office royal.
Cependant le Discours de Loyseau s'explique aussi à un autre niveau de l'analyse juridique, essentiel dans la constitution de la scientia juris à l'époque moderne : les juristes savants ont développé une forte critique du « droit des rustiques » et des formes coutumières qui auto-régulaient les sociétés d'Ancien Régime.
Article classique d'Antonio Manuel Hespanha, « Savants et rustiques. La violence douce de la raison juridique », Jus commune, 10, 1983, p. 1-47 : « l'optique des juristes érudits tend à dévaluer la réalité juridique autonome des communes, en la caractérisant comme une situation d'absence ou de méconnaissance du droit et jamais comme une situation de présence d'un autre ordre juridique, différent et alternatif de l'ordre juridique érudit » (p. 5). Robert Descimon, « Juristes, science du droit et pouvoir d'Etat au temps de Galilée », Tribute to Galileo in Padua, IV, Trieste, LIHT, 1995, p. 103-127. Cette forma mentis semble partagée par les jurisconsultes de l'Europe entière. Mais Loyseau lui donne une tournure critique en la fortifiant par une analyse normative rigide, qu'on vient de décrire, alors que d'autres jurisconsultes, qu'il avait lus, réduisaient le « droit des rustiques » à un objet de discours savant
Renatus Chopinus (René Choppin), De privilegiis rusticorum, Parisiis, N. Chesneau, 1575.. On ne voit pas toujours assez que les interventions de Loyseau dans les débats juridiques sont souvent, ouvertement ou discrètement, passionnées et polémiques. Peut-être s'agit-il là d'un trait de caractère, Loyseau ayant gardé une capacité morale d'indignation qu'alimentait son expérience de juge. Sa présence sur le siège de Châteaudun atteste pourtant assez que les juges seigneuriaux pouvaient être fort savants. On pense en particulier à tous les grands avocats parisiens que Loyseau a connus au barreau et qui se trouvaient à la tête des belles juridictions des abbayes de la ville et des faubourgs ainsi que des seigneuries des grands au conseil desquels ils siégeaient. C'était là le monde social où évoluait Loyseau et il convient de le reconstituer pour comprendre la vraie portée du Discours ou de sa Suite.
La logique du Discours de Loyseau apparaît dès lors nettement : il condamne les petites justices tenues par des juges non lettrés, mais pas les grandes, comme celle qu'il dirige à Châteaudun. Les droits de justice des simples « sieuries », qui ne sont que fiefs et n'ont pas de dignité annexée, en particulier, parce qu'elles ne meuvent pas directement du roi, vont contre la droite raison politique. Les droits de justice des grandes seigneuries peuvent rentrer dans l'architecture judiciaire de la France sans multiplier les ressorts d'appel. Elles sont légitimement constituées en dignité parce qu'elles meuvent du roi et que leurs titulaires sont censément des fidèles du souverain. La féodalité que juridiquement Loyseau, comme les autres jurisconsultes français, s'emploie à disqualifier retrouve une possible légitimité quand elle s'abâtardit dans le jeu des relations interpersonnelles qui assurent la cohésion nobiliaire et une pyramide de pouvoirs rattachant à la Cour et aux institutions monarchiques les structures locales du pouvoir
Roland Mousnier, « Les concepts d'« ordres », d'« états », de « fidélité » et de « monarchie absolue » en France de la fin du XVe siècle à la fin du XVIIIe », Revue historique, CCXLVII, 1972, p. 289-312. qui, ici encore, se fait un interprète de la pensée de Loyseau. On sait que les débats historiographiques sont intenses autour de la question des « clientèles ». Peut-être une des meilleures positions du problème reste celle du « féodalisme bâtard » (Peter R. Coss, « Bastard Feudalism Revised », Past and Present, 125, 1989, p. 27-64 et David Crouch et D. A. Carpenter, avec « Reply » de Coss, « Debate Bastard Feudalism Revised », ibid., 131, 1991, p. 165-203..
3. La personnalité sociale de Charles Loyseau
Pour éviter les lectures réductrices en termes « d'intérêts » personnels ou « d'intérêts de classe », il semble prudent de poser comme hypothèse initiale qu'il existe une certaine déconnexion entre les prises de position savantes de Loyseau et son expérience vécue. Mais cette expérience apparaît aussi complexe et subtile, sinon contradictoire, que l'oeuvre du juriste. La prendre en compte ne dicte pas une signification qui serait la « vraie », parce qu'elle correspondrait à l'intention de son auteur, à ce qu'il voulait vraiment dire en écrivant ; ou bien parce qu'elle se situerait au sein d'un modèle intemporel ou historiquement déterminé sur une très longue durée, qui suffirait à situer un penseur à l'intérieur d'un paradigme politique. On peut simplement avancer que les circonstances concrètes qui donnent à une vie son expérience interdisent certaines interprétations produisant des effets de contradiction ou d'invraisemblance entre texte et contexte. Il convient donc de prendre au sérieux la personnalité sociale de Charles Loyseau.
Comment Loyseau est-il devenu un jurisconsulte théoricien ? C'est là une des rares questions à laquelle il ait répondu lui-même : Loyseau commença à écrire dans l'émulation avec Antoine Hotman, « son fort proche allié » et son « Scevola ». Hotman avait fait « courir par le Palais un avis imprimé sans nom touchant [la] clause fournir et faire valoir » à propos de la garantie des rentes constituées. Après discussion « en devis familiers », il poussa Loyseau à publier ses raisons « afin que par la conference des deux avis, il reconnût l'air du Palais »
Introduction (1606) à la réédition du Traité de la garantie des rentes, éd. citée, p. 13. Cette « alliance » (plutôt affinité) était double, par suite d'un renchaînement qui avait eu lieu en 1593. Jeanne Badoulleau, mère de Charles Loyseau, était soeur de Catherine, femme de Philippe Hotman, conseiller au Châtelet et échevin de Paris en 1585, le frère d'Antoine Hotman. En 1593, Catherine, soeur de Charles Loyseau avait épousé Nicolas Absolu, frère cadet de Jeanne, l'épouse d'Antoine Hotman (Minutier central des notaires parisiens (désormais M. C.), ét. LXXIII, répertoire 1, mai 1593 (les minutes ne sont pas conservées).. Hotman, ancien avocat général du parlement ligueur, était le frère puîné du célèbre jurisconsulte huguenot François Hotman et le frère aîné de Charles Hotman, le fondateur de la Ligue parisienne ; il avait épousé une femme qui mena une vie de sainte, Jeanne Absolu, tante par alliance de la soeur de Loyseau. Le cercle des Hotman, où l'on réfléchissait sur l'amère expérience de la Ligue et sur les possibilités d'une « concorde » avec les cousins huguenots, ne constituait certes pas un milieu indifférent après 1594
Robert Descimon, « La réconciliation des Hotman protestants et catholiques (des années 1580 aux années 1630) » dans Michel de L'Hospital (colloque de Clermont-Ferrand, 1998), Thierry Wanegffelen (éd.), à paraître., aux yeux d'un avocat encore jeune (il avait 31 ans quand il publia le Traité de la garantie des rentes).
Loyseau n'était pas un homme nouveau dans le monde des juristes. Son grand-père, Jean Loyseau, qui mourut au début des années 1570 et qu'il connut donc, portait la qualité, non pas de laboureur, comme on le répète, mais de marchand, et il occupait à Nogent-le-Roi une fort belle maison
M. C., CXXII 1199 f° 155, 10 juillet 1568, et CXXII 119, 2 mai 1579. Aussi B. N. F., Pièces originales 1733, n° 5, 15 octobre 1577. C'est Lelong, op. cit., p. 307 (Jean Loyseau est qualifié de « cultivateur ») qui est à l'origine de cette erreur : si Jean Loyseau a pu être fermier de seigneurie et marchand de grain, il n'en était pas moins un citadin et un « bon marchand ».. Son père, Renaud Loyseau, était un avocat assez réputé et fortuné. D'après le Dialogue des avocats d'Antoine Loisel et l'Eloge que fit Claude Joly
Claude Joly, chanoine de Notre-Dame et lui-même jurisconsulte, mais en un temps où l'absolutisme disqualifiait le genre, est aussi l'éditeur du Dialogue des avocats dans les Opuscules d'Antoine Loisel, Paris, Guillemot,1652. On ne peut écarter l'hypothèse que la notation élogieuse qui concerne Charles Loyseau dans le Dialogue soit une interpolation due à la plume tardive de l'éditeur. Claude Joly était le frère puîné du gendre de Loyseau et il fut tuteur de ses enfants., Charles Loyseau aurait eu pour marraine Diane de Poitiers, l'ancienne maîtresse d'Henri II, dont son père était l'un des avocats. Les Brezé étaient en effet puissamment possessionnés dans la région de Nogent-le-Roi. Renaud Loyseau devint aussi maître des requêtes du duc d'Anjou. Mais il n'y a pas de raison de privilégier plus l'héritage paternel que l'héritage maternel de Charles Loyseau-Badoulleau. A Dreux, dont était originaire Jeanne Badoulleau, les vrais patrons étaient les anciens comtes, c'est-à-dire la famille de Nevers. Au travers des tableaux généalogiques (voir annexes) des Loyseau et des Badoulleau, les Absolu, anciens serviteurs des Clèves puis des Gonzague, apparaissent comme les pivots de toute cette histoire familiale. La fidélité aux ducs de Nevers explique aussi le tropisme des Hotman pour la région de Dreux. De fortes pesanteurs sociales entraînaient donc Loyseau vers le service des grands et en particulier des Gonzague. La rentabilité qu'assurait aux juristes de talent la commensalité juridique pouvait sans doute, encore dans les premières années du XVIIe siècle, être supérieure aux gains procurés par les offices royaux
Denis Richet, « Familiales Verhalten der Eliten in Paris während der 2. Halfte des 16. Jahrhunderts. Quellen und Probleme », in Familie zwischen Tradition und Moderne. Studien zur Geschichte der Familie in Deutschland und Frankreich vom 16. Bis zum 20. Jahrhundert, Neithard Bulst, Joseph Goy et Jochen Hoock, éds, Göttingen, Vandenhoeck et Ruprecht, 1981, p. 39-49, évoquait le cas du célèbre avocat Antoine Arnaud, qui, aux dires de son fils, refusa, en 1604, de succéder à son beau-père comme avocat général au parlement de Paris, préférant continuer à siéger au conseil de grands seigneurs qui le rétribuaient mieux que ne l'aurait fait le roi..
Les premières années de la carrière de Loyseau sont assez obscures. Il avait 30 ans quand il prêta devant le parlement ligueur le serment de lieutenant particulier au bailliage de Sens. Il n'est pas sûr qu'il ait pu y consolider sa situation
Offices, I, 5 § 19, p. 30, il évoque un souvenir de « jeunesse » à Sens.. Henri IV n'était pas forcé d'entériner cette nomination effectuée par les autorités ligueuses. La reddition de la ville de Sens est postérieure à l'entrée du roi à Paris et rien n'indique que Charles Loyseau y ait participé
Le point sur cette question dans Lelong, op. cit., p. 10. La réception au parlement date du 1er avril 1593 (A. N., X1A 1727 f° XICLXIV).. Il ne porte la qualité de lieutenant dans aucun acte notarié, où il est qualifié simplement d'avocat. Cela ne veut pas dire qu'il se soit désintéressé de la carrière des offices. En 1595, Antoine Hotman, pourvu, en 1592, conseiller au Châtelet de Paris par la mort et sur résignation de son jeune beau-frère, Jean Absolu (qui aurait été lui-même, s'il avait vécu, beau-frère de Loyseau, en 1593, par le mariage de son frère Nicolas Absolu avec la soeur de ce dernier), passa procuration pour que ses lettres de provision fussent réformées et expédiées au nom de Charles Loyseau. L'affaire, dont le caractère familial est peu douteux
Il est évident qu'Antoine Hotman qui manquait de liquidités n'avait rien payé aux héritiers de son beau-frère pour cet office qu'il était chargé de conserver à la famille. La résignation à Loyseau était une substitution de dette, ce dernier se chargeant de désintéresser les cohéritiers Absolu, dont le mari de sa soeur, Nicolas qui, n'étant pas lettré, ne pouvait prétendre à une magistrature et préférait peut-être un office de comptable, plus rentable. Mais l'opération supposait l'agrément du roi, puisque la résignation du dernier titulaire avait été faite au temps de l'Union., échoua et son règlement final donne à penser que le Conseil d'Henri IV faisait des difficultés et ne considérait pas Loyseau comme persona grata
M. C., LXXIII 226 n° 18, 5 septembre 1595, Hotman précisait qu'il n'avait pas touché les gages. LXXIII, répertoire 1, 1er décembre 1595, résignation du même office par Hotman à Nicolas Rapin, fils du poète et lieutenant de la prévôté de l'Hôtel, fidèle d'Henri IV entre les fidèles, jeune homme qui cherchait et finit par obtenir un office du Châtelet. Mais, finalement, ce fut François Hotman, un cousin, fils du trésorier de l'Epargne, qui succéda à l'office après la mort d'Antoine Hotman. Ce dernier-là offrait les garanties de royalisme financier qui étaient les mieux appréciées au Conseil du roi. La filiation des offices du Châtelet se trouve dans Bibliothèque nationale (de France), f. fr. 21390, papiers de Nicolas Petitpied.. Toutefois, on ne peut non plus exclure l'hypothèse que le futur jurisconsulte n'ait pas été vraiment intéressé par cet office, qui aurait pourtant pu lui ouvrir, vu sa réputation et sa fortune, les portes du parlement de Paris.
Finalement, le 19 juillet 1600, Loyseau fut pourvu bailli de Châteaudun par Catherine de Gonzague, veuve du duc de Longueville
Jean Baptiste Bordas, Histoire du comté de Dunois, de ses comtes et de sa capitale (1762), éditée par Achille Guenée, 1850, Lecesne, p. 335.. Ce n'était pas le seul titre dont se réclamait Loyseau dans la décennie 1610, il se disait aussi « conseiller du roi et maistre des requestes en son royaume de Navarre », charge sans emploi à la fois royale et seigneuriale
B. N., Pièces originales 1733 n° 8. Ibid., ms. fr. 18544 f° 27 v° et f° 35, Loyseau est couché sur l'état de la maison de Navarre en 1605 et en 1620 pour 400 livres de gages (je remercie Christophe Blanquie qui m'a communiqué cette référence). Son beau-frère, Nicolas II Tourtier, apparaît aussi comme « secrétaire de la Maison de Navarre » (M. C., LXXIII 177 f° 172, 17 mars 1616). , qui était aussi un refuge pour les recalés du monde de l'office public, spécialement les calvinistes. Les raisons de la présence de Loyseau sur les rôles de la maison de Navarre restent mystérieuses. Ses accointances avec des protestants montrent qu'à l'époque, il était peut-être acquis au projet de réunion des Eglises sur la base des dogmes et de l'organisation ecclésiale catholiques
A vrai dire, toutes ces familles n'étaient pas exemptes de calvinisme. Renaud Loyseau avait dû recueillir les enfants de sa belle-soeur catholique, Simone Badoulleau, en délicatesse avec son mari protestant, Pierre Gravelle, procureur du roi à Dreux (M. C., CXXII 107, 3 août 1564). Lelong, op. cit, p. 316-7, a commenté les relations de Loyseau avec le huguenot Jean de Panchèvre, sieur de Lamberdière, secrétaire de la maison de Navarre, qui écrivit les vers ornant le portrait de Loyseau dans l'édition de 1610..
Le mariage de Loyseau fut tardif (il était dans sa 38e année). Le fait trahit aussi les difficultés qu'il eut à prendre un parti
M. C., LXVI 7, 26 février 1601. Document qui avait échappé à Lelong.. L'alliance participe de la même stratégie sociale qui avait mené au choix de la carrière d'officier seigneurial. Loyseau est dit au contrat « seigneur de La Noue », mais la qualité d'« escuyer » est rayée à la minute (de fait, rien n'autorisait Loyseau à s'en parer personnellement, quoique sa titulature, dans les actes officiels du bailliage, ait mentionné ce titre, sans doute pour l'honneur de la charge). Il était bailli depuis quelques six mois, mais revendiquait son attachement à la coutume de Paris, « droit commung de la France ». Sa femme, Louise Tourtier, était fille du receveur général des finances de la duchesse de Longueville et cousine du précédent bailli, défunt maître Michel Bigot, qui avait été aussi élu en l'Election de Châteaudun et donc officier royal. Nicolas Tourtier occupait déjà la charge de trésorier de Longueville en 1570
M. C., XIX 255, 22 octobre 1570.. Les fidélités du service étaient longues dans ce groupe familial et permettaient sans doute une honnête accumulation du capital économique et symbolique. Cependant les Tourtier, qui étaient tournés vers Orléans (le beau-frère de Loyseau, Nicolas 2 Tourtier y fut trésorier de France), ne jouèrent pas, semble-t-il, un rôle très durable dans l'histoire du lignage Loyseau (leurs noms ne figurent pas parmi les témoins des contrats de mariage des enfants de Charles, même lorsque Louise Tourtier fut veuve). Pourtant les renchaînements d'alliance s'observent assez fréquemment entre ces familles, Hotman, Versoris, Tourtier, de Heere, toutes issues d'une tradition ligueuse avérée (sauf les Tourtier dont on ne connaît pas les engagements, mais qui avaient peut-être suivi le parti « politique » avec leur maître). Rencontre passagère, expression du choix de servir une grande chez Charles Loyseau, l'alliance ne survécut peut-être pas à la brouille entre la duchesse et son bailli qui serait survenue en 1610 et aurait forcé Loyseau à quitter son office
Bordas, op. cit., p. 335., non sans en avoir touché le prix.
Charles Loyseau connut une authentique réussite qui fit de lui un homme fort riche. On ne sait combien il acquit son office de bailli
M. C., LXXIII 157 f° 745, 24 juin 1606, Charles Loyseau rachète moyennant 3600 livres une rente de 100 écus, constituée en 1588 par Michel Bigot devant un notaire de Blois. Ce genre de transaction, à l'époque, découle souvent des pratiques de la vénalité coutumière des offices. Loyseau avait en tout cas acheté son office, puisque son contrat de mariage le stipule propre., mais il le revendit en 1610 pour 20000 livres (plus 400 livres de pot de vin) à Jacques Chaillou, un conseiller au présidial d'Orléans qui portait le même patronyme que la grand-mère maternelle du vendeur
M. C., LXVI 149, 1er décembre 1627, inventaire après décès de Charles Loyseau (document qui avait échappé à la sagacité de Jean Lelong, op. cit.), titre 85, 20 avril 1610, sous seing privé. Voir généalogie Badoulleau. Un Jacques Chaillou, avocat à Dreux, avait été tuteur de la tante maternelle de Loyseau, future femme de Philippe Hotman, et ils étaient en relation avec Pierre Chaillou, marchand et maire de Dreux, cousin de Jacques (M. C., XXXIII 56 f° 193 v°, 10 mai 1571).. Un office de conseiller au parlement se négociait cette même année 50000 livres et un office de conseiller au Châtelet 24000 livres
Robert Descimon, « Eléments pour une étude sociale des conseillers au Châtelet sous Henri IV (22 mars 1594-14 mai 1610 », Les officiers « moyens » à l'époque moderne. France, Angleterre, Espagne, Michel Cassan, dir., Limoges, PULIM, 1998, p. 261-291. Quand Loyseau cherchait à s'établir, en 1594-1598, les prix des offices de conseiller au parlement ne dépassaient pas sur le marché entre particuliers 16000 livres (12000 pour les offices de nouvelle création) et ceux du Châtelet 8500-9000 livres.. La dot que lui avait apportée Louise Tourtier, en 1601, montait à 5000 écus (15000 livres), le douaire, garanti par Jeanne Badoulleau, atteignait 133 écus 1/3 rachetables pour 1600 écus et le préciput 400 écus. L'implantation dunoise de Loyseau et de sa femme est attestée par l'achat en 1602 de la « ferme et terre de Sorency »
Jean-Baptiste Bordas, Chorographie du Dunois..., revue par Achille Guenée, Châteaudun, Lecesne, 1851, p. 207, Sorency près de Tournoisis, sur la route d'Orléans, à une vingtaine de kilomètres de Châteaudun., évaluée 10000 livres et louée 500 livres par an et de celle de « Morville »
Sans doute Moresville, lieu-dit de la commune de Flacey, non loin de Bonneval., achetée en 1605 pour 4000 livres et affermée 190 livres en 1636
M. C., LXVI 74, 18 février 1636, partage de la communauté et subdivision de la part des enfants..
En 1623, Jeanne Loyseau, leur fille, recevait 21000 livres de dot lors de son mariage avec Guillaume Joly, avocat, jeune veuf et petit-fils du célèbre Antoine Loisel
M. C., LXVI 47, 15 mai 1623, le douaire était de 600 livres de rente et le préciput de 1500 livres.. Charles Loyseau et Louise Tourtier laissèrent sept héritiers. Les partages de leurs successions leur donnent, sauf erreur de calcul, une fortune en communauté de 189145 livres 11 sols 8 deniers, plus les propres. Ceux de Charles Loyseau montaient au moins à 51652 livres, dont 22992 livres à remployer et 28660 livres toujours en nature
Dont 10000 livres pour la moitié de la maison de ses parents, rue Hautefeuille, dont il avait racheté la moitié appartenant à sa soeur pour 10000 livres également, le reste essentiellement en rentes constituées.. Quoique le partage de la succession de Renaud Loyseau et de Jeanne Badoulleau ne soit pas connu, on est autorisé à évaluer leur fortune, tout à fait notable au sortir des troubles de Religion, à plus de 103000 livres, puisque Catherine Loyseau avait reçu autant que son frère dans une succession constituée de rentes et de biens immobiliers qui ne comportait pas ou peu de biens nobles ouvrant droit au préciput d'aînesse. Les propres de Louise Tourtier n'atteignaient que 7500 livres, soit la moitié de ce qu'elle avait apporté par son contrat de mariage
M. C., LXVI 74, 18 février 1636, partage de la communauté Loyseau et Tourtier entre la veuve et ses enfants et subdivision de leur part entre ces derniers. Le partage de la succession de Charles Loyseau était connu de Lelong, op. cit., p. 13.. Mais, veuve, elle s'enrichit, sa succession en 1648 montant à 124941 livres, plus 28000 livres qu'elle avait avancées à son fils aîné
M. C., LXVI 111, 31 août 1648, partage de la succession de Louise Tourtier (il n'y a plus que quatre héritiers). (à comparer avec sa moitié des 189145 livres de la communauté). Il faudrait sans doute ajouter à ces sommes les legs testamentaires faits par Louise Tourtier pour 3800 livres et 100 livres de rente viagère à une de ses filles, religieuse au Val de Grâce
M. C., LXVI 91, 22 novembre 1641 et codicille du 7 décembre. Le testament manifeste une piété très classique.. La fortune de Louise Tourtier était donc d'un peu moins de 160000 livres. Les enfants du couple héritèrent en outre en partie de leur tante Catherine Loyseau, dont la fille, Marie Absolu, femme du maître des requêtes Claude Lecharron, était morte sans descendance avant sa mère
M. C., LXVI 57, 21 mars 1629, partage. M. C., LXXIII 192 f° 58, 25 janvier 1624, contrat de mariage de Lecharron et de Marie Absolu, qui apportait en dot 60000 livres en argent comptant et rentes et la terre du Boullay-les-Deux-Eglises (près de Châteauneuf en Thimerais), affermée 1400 livres, qui, au denier 20, vaudrait 28000 livres.. La succession de Catherine Loyseau, veuve de Nicolas Absolu, trésorier du taillon en Normandie, semble avoir atteint 82451 livres
M. C., LXXIII 196 f° 418, 4 juillet 1627, accord sur la succession de Marie Absolu entre Catherine Loyseau, sa mère, héritière des meubles, et les enfants d'Antoine Hotman et de Jeanne Absolu, héritiers des propres. Le remploi des propres de Catherine Loyseau montait à 18119 livres, plus 2400 livres pour le capital d'une rente dont le rachat était contesté. Elle devait quant à elle aux héritiers des propres de sa défunte fille plus de 20000 livres. L'inventaire de Catherine Loyseau, morte le 15 décembre 1628, n'est pas conservé. M. C., LXVI 57, 7 mars 1629, transaction entre les héritiers de Catherine Loyseau (les enfants de Charles) et les héritiers de Marie Absolu.. Pour la part qui en revenait à l'activité propre de Charles Loyseau, cette réussite économique dut beaucoup à son séjour à Châteaudun comme bailli de la comtesse.
Pour « absurde » qu'il ait pu être, l'office de juge seigneurial n'avait pas fait le malheur de l'auteur du Discours de l'abus des justices de village. Mais il ne faut sans doute pas voir là un paradoxe. Le règlement des guerres de Religion signifia la marginalisation au sein de l'Etat monarchique des catholiques zélés comme des calvinistes, qui, certes, n'étaient pas juridiquement exclus des offices publics, mais devaient laisser la part du lion aux « catholiques royaux » qui avaient accompagné Henri IV dans sa victoire, désiraient s'en réserver les profits et gardaient de puissantes rancunes à l'égard de leurs anciens ennemis des guerres civiles. C'est peut-être la raison qui empêcha Loyseau d'accéder aux offices royaux que ses écrits assimilent pourtant si fortement au service du public et à la domination sociale. L'office seigneurial offrait aux vaincus de la Ligue des positions honorables où l'on pouvait même servir aussi le « public ».
Pour conclure, j'avancerai trois propositions à considérer pour l'instant sous bénéfice d'inventaire.
La réussite sociale n'était peut-être pas l'horizon premier que Loyseau assigna à son existence. L'histoire des Loyseau après Loyseau signale assez l'orientation dévote de la famille : tous ses enfants entrèrent en religion, sauf le fils aîné Charles II, conseiller à la cour des Aides, dont on dit qu'il vivait « comme dans un cloître »
Claude Joly, « Eloge de me Charles Loyseau », dans Divers opuscules d'Antoine Loysel, Paris, 1652, p. 703 : plus que la science, c'est la « piété et modestie » qui caractérisent Loyseau et sa femme ; « leurs exemples ont donné les mouvements secrets à la plus part de leurs enfans de se retirer dans des maisons religieuses où ils sont à présent, sans en excepter monsieur maistre Charles Loyseau, conseiller en la cour des Aides »... ; il fut un des directeurs de l'Hôpital général à sa fondation et... de la Compagnie du saint sacrement de l'autel à sa dissolution
Alain Tallon, La compagnie du Saint-Sacrement, Paris, CERF, 1990, p. 166.. Il reste qu'à se cantonner à l'oeuvre de Charles I Loyseau, la « science des saints » rejoignait la « science du droit ». Elles appartenaient à deux ordres qu'il lui importait de faire converger.
Comment vivait-il et pensait-il ces ordres ? Quant aux affaires temporelles, la carrière, l'environnement familial et social, ainsi que les engagements de clientèles de Loyseau, interdisent de prendre au pied de la lettre sa dénonciation des juges seigneuriaux, même dans les Traités des seigneuries et des offices, dont les raisonnements aboutissaient à justifier les justices des fiefs de dignité à l'exclusion de celles des petits fiefs sans dignité. Plus royaliste que le roi, Loyseau n'a pas admis le bien fondé des réformes décisives du règne d'Henri IV
Offices, Avant-propos, p. 1-2, qui juge absurde et contre raison la vénalité selon le schéma même qui avait servi, en 1603, à condamner l'appropriation privée de la justice., quand ce roi généralisait la vénalité des charges publiques, instituait la patrimonialité de leur « finance », et transformait les offices, d'une certaine façon, en des « fonctions publiques en propriété » à l'instar des seigneuries. Le modèle de la « dignité », auquel les magistrats tenaient tant, devait être réaménagé suivant des critères inspirés de ceux qui fondaient l'ancienne noblesse seigneuriale
Robert Descimon, « The Birth of the Nobility of the Robe: Dignity versus Privilege in the Parlement of Paris, 1500-1700 », Changing Identities in Early Modern France, Michael Wolfe (éd.), Durham et Londres, Duke University Press, 1997, p. 95-123.. Un jurisconsulte contemporain de Loyseau, Jacques Leschassier, n'hésita pas à proposer de transposer aux offices le modèle féodal
Salvo Mastellone, Venalità e Machiavellismo in Francia (1572-1610), Florence, Olschki, 1972, p. 244-246, publie en annexe le Discours de rendre les offices hereditaires et patrimoniaux tenus en fief du Roy de Jacques Leschassier. Mastellone a donné dans ce livre (p. 211-231) une des plus importantes interprétations en contexte de l'oeuvre de Loyseau.. La contamination de l'office public par la seigneurie privée était un mal pire pour Loyseau que l'existence, fondée historiquement, de justices attenantes à des fiefs. Hostile aux mutations qui touchaient le monde de l'office sous Henri IV, Loyseau lui a-t-il sciemment préféré le service judiciaire des grands ? De 1603 à 1608, le triomphe de la vénalité publique l'a-t-il poussé à plus de compréhension envers les institutions seigneuriales ?
Les affaires temporelles, d'ailleurs, se séparaient mal des spirituelles. La Ligue n'était nullement la sentine de tous les désordres dont les Politiques nous ont transmis l'image. Elle concevait la primauté d'un ordre ecclésial (« L'Estat est dans l'Eglise », formule qui débouchait sur une « bonne raison d'Etat ») sur l'ordre politique (« L'Eglise est dans l'Estat », formule mère de la « mauvaise raison d'Etat »)
Marcel Gauchet, « L'Etat au miroir de la raison d'Etat : la France et la chrétienté », dans Yves-Charles Zarka, éd., Raison et déraison d'Etat, Paris, PUF, 1994, p. 193-244,, a fait le point sur les enjeux de la lutte entre ces deux formules qui offrent un résumé quintessencié du clivage irréductible entre ligueurs et politiques. Voir le numéro spécial consacré à cet article, « Miroirs de la raison d'Etat », Cahiers du Centre de recherches historiques, 20 1998.. Chez Loyseau, dans une tentative de synthèse qui résume l'entreprise du « catholicisme royal », la construction de la notion d'office, comme dignité et comme fonction publique, participait de la légitimation de la monarchie sous condition du droit divin
Marie-France Renoux-Zagamé, « Du juge-prêtre au roi idole. Droit divin et constitution de l'Etat dans la pensée juridique française à l'aube des Temps modernes », dans Le droit entre laïcisation et néo-sacralisation, Jean-Louis Thireau, dir., Paris, PUF, 1997, p. 143-186.. Les anciens ligueurs qui, après l'absolution pontificale, avaient pris leur parti de la conversion d'Henri IV comptaient sur le roi pour réunir les confessions dans le royaume. Comme Bérulle
Stéphane-Marie Morgain, La théologie politique de Pierre de Bérulle (1589-1629), Paris, Publisud, 2000., Loyseau manifeste une passion extrême pour l'unité royale et c'est sans doute là l'arrière-plan idéologique, presque théologique, de sa condamnation des justices seigneuriales comme des justices municipales. La foi formait le socle premier de sa pensée juridique.
Loyseau n'a probablement jamais dit, encore moins voulu dire, ce que ses commentateurs, historiens du droit ou historiens de la société, ont compris de ses livres. Il faut donner à cette pensée, subtile dans l'hostilité comme dans l'assentiment, une interprétation contextuelle qui construise son sens à l'intérieur d'un « moment », celui du congédiement des guerres de Religion par une concorde retrouvée autour de la personne royale. Loyseau ne fut pas le prophète de la monarchie absolue au sens que Richelieu et Louis XIV nous ont appris
Telle est pourtant la thèse traditionnelle chez Lelong, op. cit., p. VII, qui parle de « véritable doctrine de la monarchie absolue », chez Basdevant-Gaudemet, op. cit., (et, de façon générale, dans les traités d'histoire du droit) et chez Mousnier, avec des nuances, mais aussi chez William Church, Constitutional Thought in Sixteenth-Century France, Cambridge, Harvard U. P., 1941, p. 328-335..
Robert Descimon
(Centre de recherches historiques – EHESS)
Généalogies
1. Loyseau
Jean Loyseau, marchand à Nogent-le-Roi
* Noëlle Delamare
!
------------------------------------------------------------------------------
! ! !
Louise * Perrine * Renaud, avocat
François Lerebours 1/ ? 1/ Marie Courtin
marchand à Chartres 2/ Antoine Delaval ! 2/ Jeanne Badoulleau
marchand à Dreux ! !
Renaud 2 !
mort jeune !
!
--------------------------------------------------
! ! !
Charles, avocat Catherine ?
bailli de Châteaudun * (1593) + 1602
* (1601) Louise Tourtier Nicolas Absolu
! receveur du taillon
! à Rouen -------------------------------------------------------------------------------------------- !
! ! ! ! ! ! ! !
Charles 2 Louise ! François Robert Pierre Anne --------
1/ auditeur religieuse ! curé minime religieux 1/ fille !
des Comptes au Val de Grâce ! d'Auteuil à Tours à Sainte- majeure !
2/ Conseiller ! prêtre de puis à Geneviève 2/ religieuse !
aux Aides ! l'Oratoire Dun-le-Roi bénédictine de !
* 1/ (1638) Marie Jourdain ! l'Adoration du !
2/ (1652) ! Saint-Sacrement !
Madeleine Amaury Jeanne * (1623) !
Guillaume Joly ----------------------
Avocat ! !
Nicolas Marie
mort jeune * (1624)
Claude
Lecharron
Me des requêtes
de l'Hôtel
2. Badoulleau
Jean Badoulleau, marchand (?) à Dreux
* Catherine Chaillou
!
!
----------------------------------------------------------
! !
Nicolas, avocat Pierre, marchand (?)
au bailliage de Dreux à Dreux *
* Jeanne Moinet Séverine Chevalier
!
!
----------------------------------------------------------------------------------------
! ! ! ! !
Simone Jeanne Mathurine Philippe Catherine
* Pierre Gravelle * * Jean Edeline sr de La * Philippe
procureur du roi au Renaud marchand (?) Mesangerie Hotman
bailliage de Dreux Loyseau à Dreux élu en l'Election conseiller
(protestant) avocat à Paris ! de Dreux au Châtelet
! (voir tableau 1) ! ! !
... ------------------ ... -----------------
! ! ! !
... François ... Madeleine
conseiller au Châtelet * Jacques
* Marie Tardy Versoris
secrétaire du roi
!
!
Pierre
me d'hôtel
du roi
* Madeleine Tourtier
3. Absolu
Nicolas Absolu * Isabeau Belot
marchand à Dreux
receveur du duc de Nevers à Dreux, puis à Paris
!
!
---------------------------------------------------------------------------------------------------------
! ! ! ! ! !
Jacqueline Jeanne l'aînée Marguerite Jeanne Jean Nicolas
* Jean Garnier * Mathurin * Charles * 1/ Antoine conseiller receveur
receveur du duc Chevalier Lepelletier Hotman, avocat au Trésor du
de Nevers à marchand sr de Châteaupoissy avocat puis au taillon
Dreux de bois à Clamecy marchand et élu en général Châtelet à
receveur du duc l'Election de Mantes du parlement (clerc) Rouen
de Nevers à Dreux ! ligueur * (1593)
! ! 2/ religieuse Catherine
Isabelle Charles 2 aux Hautes Loyseau
* (1578) Nicolas avocat Bruyères (voir tableau 1)
Ysambert, avocat mort jeune !
à Paris ...
(originaire de Châteaudun)
4. Tourtier
Nicolas Tourtier, sr de l'Ormeguignard
trésorier général du duc de Longueville
* Rose Alego
!
!
!
-------------------------------------------------------------------------------------------------------
! ! ! !
Louise * Nicolas, sr de Beauvoir Anne Antoine
Charles trésorier de France sr de l'Ormeguignard homme
Loyseau à Orléans 1/ contrôleur des guerres d'armes
Avocat 1/ Jeanne de Troyes en Berry de la compagnie
(voir tableau 1) ! 2/ Jeanne Perdoux 2/ receveur des gages du comte
! ! du Bureau des finances de Saint-Paul
Nicolas 2 ! d'Orléans * ? de
trésorier de France ----------------- * Marie Pechon Morvilliers
à Orléans ! ! ! !
* Marie Jaupitre Marie Madeleine ... -----------------
* Claude de * (1644) ! !
Heere Pierre Versoris ... Symphorien
conseiller au me d'hôtel écuyer
parlement du roi * Marie Hotman
© Robert Descimon 1999-2006